Les douleurs de la guerre du Biafra sont encore vivantes et continuent de se répandre comme le pétrole qui l’a irriguée. Des sentiments d'amertume envahissent le discours de ex-révolutionnaires qui visitent La Haye d’un mois à l’autre pour faire des rapports à leurs employeurs sur la situation. Bien que quelques ardents prêcheurs de la devise "One Nigeria" diffusent la bonne parole de l'unité, leur rhétorique se heurte quotidiennement au feuilleton d’une actualité qui ressasse les histoires de ces hommes politiques qui continuent d’empocher des revenus illicites. Pendant ce temps, la pauvreté fait verser des larmes de crocodile sur les pauvres et les marginalisées, avec des appels au cessez-le-feu, alors que les douleurs s’enflamment dans la démence sous la chaleur équatoriale.
Les ventres exposés à l’éruption des substances toxiques ne vont jamais à terme. Les bouches qui se nourrissent des produits de la terre sont infestées de plaies causées par ce pétrole qui a empoisonné le sol. Les mains assez solides pour construire de nouvelles nations se tournent désormais vers le marché noir des armes comme nouvelle activité commerciale. Et ces colonisés à la face tragique, ont des yeux et des oreilles qui les rendent nettement conscients du fait que leur quotidien est un cauchemar.
Plus de cinquante ans d'extraction de pétrole brut et rien à montrer qu’un reportage de CNN sur le sensationnel gangstérisme africain. Du pétrole, du pétrole partout et aucun système de soins de santé en vue. C’en est trop, quand les souvenirs de Boro et de Wiwa ne se rapportent plus qu’au prix le plus bas de 1,71 $ le baril de pétrole et que leurs noms disparaissent des livres d'histoire pour être remplacés par l’inflation du Naira.
Le Nigeria vit à la croisée des chemins avec un choix entre des schémas divers dans les degrés d'implosion ou d'explosion. Les convergences d’intérêts divergents tournent en dérision la fameuse ironie de l'unité professée. Les proxénètes des multinationales jouent les marionnettistes et mènent leurs sujets vers des routes marquées "Explosif". Face au deuxième schéma, celle de la combustion interne, la métaphore de Sodome et Gomorrhe renverrait aux programmes des consoles de jeu sur les voleurs et leurs poursuivants.
Comme les règles du jeu qui changent chaque jour, les armes et les discours allument les feux à patir des torches enflammées qui occupent l'esprit des riches et des pauvres... Tous les acteurs jouent sans aucun sens de la vision et vivent livrés au destin.
Au moment où on s’occupe à vendre des T-shirts à l’effigie d’Obama dans les rues embouteillées, attendant que se manifeste encore la prophétie selon laquelle les choses doivent se disloquer avant de se reconstituer ensemble, au moment où les vieillards continuent de boire leur vin de palme et de raconter des belles blagues sous les irokos géants, que les mariages continuent d’avoir lieu dans un rituel quotidien, que les funérailles des anciens meublent les programmes des cérémonies sociales, que les jeunes se soucient davantage de trouver de quoi corrompre pour s’assurer des résultats scolaires, Nollywood s’inspire de Big Brother et pacifie la réponse... pour reporter la traversée de la croisée des chemins
Mais il faut savoir saisir l'instant ! Profiter du moment et l'utiliser pour organiser l'avenir. Pour monter à bord d'un autre train qui n'est destiné ni à imploser ni à exploser. Pour déconnecter la relation entre les termes "Delta du Niger" et "crise". Pour retrouver la conscience et sortir du sommeil dans lequel plonge l'ivresse du pétrole. Pour supprimer la marque de la bête et la baptiser Liberté. Pour ne pas être blasé par les mensonges à propos de l'unité. Et vouloir aller au ciel, prêt à mourir en premier.
C'est dans ces conditions que l'espoir revient dans un pays sans espoir. C'est le seul moyen de sortir de ce pétrin.
Chioma Oruh est un étudiant diplômé Département Etudes africaines de l'Université Howard, avec une spécialisation sur la musique et les mouvements de libération. Membre du Parti socialiste du peuple africain, elle est également un des organisateurs de la prochaine Conférence nord-américaine de l'Internationale socialiste. Pour plus de détails, visiter,