Mes considérations sur le «Non» grec
Avec Syriza et son soutien populaire massif confirmé par le «Non» du référendum grec, c’est le maillon le plus faible de la chaine de domination et d’exploitation des peuples et des travailleurs, en Europe, qui vient de rompre.
Après l’écrasante victoire du « Non » aux politiques d’austérité, la crise de la dette grecque s’est muée en une véritable crise politique et économique de l’Union Européenne. L’Union européenne, notamment l’Eurogroupe, a pris le relais des Etats Unis suite à l’effondrement du crédit hypothécaire « subprimes », pour provoquer une nouvelle crise financière à l’échelle mondiale, qui risque, à son tour, de se muer en une grave crise économique. En effet, c’est la base de tout le système financier mondialisé qui repose sur le crédit aux entreprises, puis aux particuliers et enfin aux Etats (dettes souveraines), qui est entrain de s’effondrer.
La crise des « subprimes » avaient ébranlé la finance mondialisée et pour s’en sortir les Etats ont eu recours massivement aux « dettes souveraines » pour sauver les banques qui ont été frappées de plein fouet par les conséquences de la récession qu’elle avait entraînée. En Europe, notamment au sein de l’Eurogroupe, les banques ont été sauvées au prix d’un grave sur-endettement des Etats, que des pays comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la France, payent par un lourd chômage couplé d’une grave récession pour certains d’entre eux.
Les programmes d’austérité auxquels ces pays ont été soumis ont rencontré auprès des populations une résistance si puissante, qu’elle a fini par porter Syriza au pouvoir en Grèce, et à mettre des organisations anti « programmes d’austérité » en pôle position pour conquérir le pouvoir en Espagne et au Portugal.
Avec Syriza et son soutien populaire massif confirmé par le «Non» du référendum, c’est le maillon le plus faible de la chaine de domination et d’exploitation des peuples et des travailleurs, en Europe, qui vient de rompre. Avec 2% seulement du Pib de l’Eurogroupe, la Grèce vient, par ce référendum, ébranler cet édifice au cœur duquel l’Allemagne s’est fortement placée.
L’Allemagne voit son système économique et financier frappé lourdement, au point d’ébranler profondément les certitudes du complexe industriel et financier qui gouverne ce pays, et qui régente l’Eurogroupe à travers la Banque centrale européenne (Bce). Ces certitudes reposent sur l’efficacité de son système de retraite par capitalisation, à travers les placements financiers dans les bourses, et dans les dettes souveraines des Etats. C’est cet échafaudage qui résulte du «compromis historique social démocrate » entre le Capital et le Travail, qui a contribué à alléger le coût du travail, pour donner à l’industrie allemande la compétitivité qui en a fait la première économie de l’Euro groupe. C’est ainsi que l’Allemagne est de loin, la plus exposée des pays de l’Euro groupe par rapport à la « dette souveraine de la Grèce », dont le non remboursement va mettre en péril son système de retraite par capitalisation qui est le socle de la longue paix sociale dont elle jouit jusque là.
La France a échappé à ce sort avec l’échec de Sarkozy à imposer la « retraite par capitalisation », à la place de son système historique de « retraite par répartition ». La crise des « subprimes », avec la cascade de faillite de « fonds de pension » américains régis par la « capitalisation », l’a obligé à renoncer à cette option et à reconnaître que la France s’est mieux sortie de la crise sociale qui a frappé le monde développé, grâce à son « système de retraite par répartition ». La France a dû porter secours à ses banques par un recours à l’endettement souverain, et non à l’épargne des Français comme le fit l’Allemagne qui a exposé ainsi gravement les fonds de pension allemands.
Le payement de la « dette souveraine » de la Grèce est vital pour l’Allemagne, pour lui éviter de rentrer dans une crise économique et sociale sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
Le «Non» franc et massif du peuple grec aux nouvelles mesures d’austérité que lui imposent ses créanciers, est ressenti en Allemagne comme une « arète» à travers la gorge, et comme un risque énorme de contagion pour les pays confrontés à ces mêmes mesures. Ce qui, le cas échéant, entrainerait de facto, la faillite du système économique et financier sur lequel reposent l’Allemagne et l’ensemble des pays de la Zone Euro.
L’Allemagne a pris brusquement conscience que les politiques d’austérités qu’elle inspire en Europe ont atteint leurs limites sociales et que la Grèce va chercher dorénavant des négociations de sa « dette souveraine » qui lui permettent de ne pas hypothéquer davantage ses chances de sortir de sa grave crise économique et sociale. L’Allemagne sait maintenant que pour renter dans ses fonds, son dernier secours est la Bce qui se verrait ainsi obligée de se substituer à la Grèce. Même le Fmi est pour une renégociation de la dette grecque pour qu’elle soit soutenable par le pays. Mais dans ce cas, l’Allemagne ne veut pas que cela se fasse comme une « prime » à la révolte du peuple grec contre les politiques d’austérité. C’est ce qui explique l’intransigeance des autorités allemandes face à la Grèce, qu’elles veulent sanctionner par son exclusion de l’Eurogroupe.
C’est ce même réflexe impérialiste qui avait animé le Général De Gaule, en 1958, devant le « Non » massif du peuple de Guinée au référendum du 28 Septembre, pour rejeter la perpétuation de la domination coloniale de la France en Afrique.
Les autorités allemandes veulent, comme De Gaulle, faire payer au peuple grec son outrecuidance, pour l’isoler et l’exclure de l’Euro, et, le cas échéant, spéculer sur sa nouvelle monnaie pour tenter de mettre à terre l’économie de ce pays, accentuer les difficultés des Grecs, et déstabiliser le pays afin de créer les conditions de sa reprise en main par des sous- fifres, prêts à exercer la violence sur ce peuple si épris de souveraineté, de liberté et de dignité.
Ce scénario des Allemands ne devrait pas prospérer et interpelle gravement toutes les forces qui, en Europe, rejettent les politiques d’austérité comme solution à la crise de croissance économique et d’emplois dans leurs pays respectifs. C’est pour cela que les discours qui cherchent à monter les autres peuples d’Europe, en France et Allemagne notamment, contre la volonté du peuple Grec d’en finir avec une dette qui a fini de le ruiner, devraient être contraints sans états d’âme.
D’abord, par ce que les peuples français et allemands, sont aussi victimes que le peuple grec, des politiques de la financiarisation de leurs économies nationales, et de l’explosion des dettes souveraines en Europe pour sauver des banques.
C’est cette forfaiture commise contre leurs peuples, que les autorités françaises et allemandes veulent faire porter par le peuple Grec, en l’accusant de vouloir confisquer leur épargne et leur retraite pour avoir refusé les politiques d’austérité qui l’a déjà mis au tapis. Ensuite, ils devraient comprendre, qu’un échec de la Grèce va donner l’occasion à un recours systématique aux politiques d’austérité dans tous les autres pays d’Europe, dont les conséquences économiques et sociales sont amplement illustrées en Grèce.
Il faudrait donc se mobiliser en Europe et dans le monde entier, pour que la Grèce puisse tenir jusqu’aux élections législatives prochaines en Espagne et au Portugal, pour donner un second souffle au processus, en cours en Europe, de rupture des autres maillons les faibles de cette chaîne impérialiste de domination des peuples, et d’exploitation des travailleurs.
Le peuple Grec ne devrait pas subir le même sort que De Gaule a fait subir au peuple de Guinée, pour sa quête de souveraineté internationale et un mieux vivre.
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** Ibra Sène est membre du Parti pour l’indépendance et le travail/ Sénégal
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