L’Oua/Union africaine et la question du Sahara Occidental

L’organisation continentale qui avait admis le Sahara Occidental en son sein en 1982, a défendu avec constance le droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple sahraoui. Mais le Maroc s’est toujours montré rusé.

INTRODUCTION

Le Sahara Occidental est le dernier cas de décolonisation à l’agenda des Nations Unies. Il a été sur la liste cette institution internationale comme un territoire ne se gouvernant pas lui-même depuis 1963, alors qu’il était sous domination espagnole. L’Assemblée générale des Nations Unies a constamment reconnu le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance et a demandé qu’il puisse exercer ce droit en accord avec la résolution 1514 (XV) qu’elle a adoptée, contenant la Déclaration pour l’Octroi de l’indépendance aux pays et peuple colonisés.

Au Sahara occidental le processus a été brutalement interrompu en raison de l’invasion et l’occupation des territoires par le Maroc le 31 octobre 1975. Malgré les efforts africains et internationaux successifs, la décolonisation du Sahara occidental reste à accomplir à cause du Maroc qui occupe une bonne partie du territoire et continue de rejeter toutes les solutions au conflit basées sur le droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple sahraoui.

Dans les pages qui suivent, nous allons examiner le rôle joué par l’Organisation de l’union africaine (Oua), à laquelle a succédé l’Union africaine, dans le cadre des efforts internationaux qui visent la décolonisation de la dernière colonie en Afrique. L’histoire de l’engagement de l’organisation continentale africaine pour le Sahara Occidental est longue et comprend de multiples facettes. Ce document va donc se concentrer sur des moments cruciaux du traitement par l’Oua/Union africaine de la question du Sahara occidental ainsi que sur la ligne politique qui a fondé cet engagement au cours de ses diverses étapes et jusqu’à nos jours. Ce document touchera également à certains des évènements politiques essentiels relatifs au développement de la question du Sahara occidental afin de situer le contexte général dans lequel l’Oua/Union africaine a entrepris de s’impliquer dans la question et comment elle a évolué au cours des six décennies écoulées.

LE TRAITEMENT DE LA QUESTION DU SAHARA ESPAGNOL/ SAHARA OCCIDENTAL PAR L‘OUA

Il est utile de rappeler ici que la politique officielle de l’Oua concernant le Sahara Occidental a été principalement guidée par les principes et objectifs de la Charte de l’Oua, en particulier les points qui traitent de la décolonisation totale des territoires africains sous occupation étrangère. On se souviendra que l’un des principaux objectifs de la Charte de l’Oua, adoptée et signée par les chefs d’Etat et de gouvernement africains réunis à Addis Ababa (Ethiopie) le 25 mai 1963, était l’éradication en Afrique de toute forme de colonialisme. (Article II ; d)

De plus, la première conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’est tenue à Addis Ababa du 22 au 25 mai 1963, a adopté la résolution Cias/Plen.2/Rev, 2 sur la décolonisation dans laquelle les dirigeants africains ont exprimé leur conviction unanime qu’il y a une urgente nécessité de se coordonner et d’intensifier leurs efforts pour aboutir à l’indépendance nationale de tous les territoires encore sous domination étrangère. Ils ont aussi réaffirmé le devoir qui incombe à tous les Etats africains indépendants de soutenir les peuples dépendants en Afrique, dans leur lutte pour la liberté et l’indépendance.

Reconnaissant que la question des frontières a un fort et permanent potentiel de dissension, l’Oua a, sans équivoque, réaffirmé l’intangibilité des frontières héritées de l’époque coloniale comme principe clé de l’organisation du continent. A cette fin, l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement qui se tenait au Caire du 17 au 21 juillet 1964, pour la première assemblée ordinaire, a adopté la résolution AHG/Res. 16 (I), concernant les disputes de frontières entre pays africains. Considérant que les frontières des Etats africains, le jour de l’indépendance, constituent une réalité tangible, l’Assemblée de l’Oua a solennellement déclaré que tous les Etats membres doivent s’engager à respecter les frontières existantes lors de l’avènement de l’indépendance nationale.

Dans ce contexte, il est aussi utile de se souvenir que la création de l’Oua, en 1963, coïncide avec l’inclusion du Sahara espagnol - comme il était alors nommé - sur la liste des Territoires qui ne se gouvernent pas eux-mêmes, sous le Chapitre XI de la Chapitre des Nations Unies qui inclut ces territoires dont la population ne jouit pas de l’autodétermination pleine et entière. Deux ans plus tard, le 16 décembre 1965, l’Assemblée générale des Nations Unies adoptait sa première résolution sur le Sahara espagnol. Dans sa résolution 2072, rappelant la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, les Nations Unies demandaient à l’Espagne, la puissance administratrice des territoires, de prendre toutes les mesures nécessaires pour libérer le Sahara espagnol de la domination coloniale.

Comme mentionné précédemment, la politique de l’Oua concernant le Sahara occidental était basée sur les principes et objectifs de l’organisation, en particulier ceux relatifs à la décolonisation et c’est sur cette base que l’Oua a été saisie du cas du Sahara espagnol comme étant un pays africain sous domination étrangère. Cette politique a été renforcée par les Nations Unies et sa définition de territoire non autonome dont la population a le droit d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination en accord avec la résolution 1514 (XV) contenant la Déclaration pour l’Octroi de l’indépendance aux pays et peuple colonisés.

C’est dans ce contexte, que le Conseil des ministres de l’Oua, lors de sa septième session ordinaire, qui s’est tenue du 31 octobre au 4 novembre 1966 à Addis Ababa, a adopté la résolution CM/Res. 82 (VII) sur le territoire sous occupation espagnole. Considérant l’Art. 2 de la Charte de l’Oua, qui faisait de l’éradication de toute forme de colonisation du continent un de ses principaux objectifs, le Conseil des ministres a exprimé son plein soutien à tous les efforts visant à la libération immédiate et inconditionnelle de tous territoires africains sous domination espagnole. (Ifni, Sahara espagnol, la Guinée équatoriale et Fernando Po). Il a aussi fait appel à l’Espagne pour qu’elle initie un processus vigoureux pour donner la liberté et l’indépendance à toutes ces régions et de s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient créer des conditions qui mettent en péril la paix et la sécurité en Afrique.

Lors de sa treizième session ordinaire, tenue à Addis Ababa du 27 août au 6 septembre 1969, le Conseil de ministres de l’Oua a adopté la résolution CM/Res 206 (XIII) sur la décolonisation et l’Apartheid. Dans cette résolution, le Conseil a réaffirmé la légitimité de la lutte au Zimbabwe, au Mozambique, en Angola, en Guinée Bissau, en Namibie, en Afrique du Sud, en Somalie française (Djibouti), au Sahara espagnol et aux Iles Comores et recommandait qu’une aide plus substantielle soit allouée aux mouvements de libération africains, matérielle, financière, diplomatique. Il a aussi pressé l’Espagne d’appliquer la résolution 2428 (XXIII) de l’Assemblée générale sur la question du Sahara espagnol. A noter que la résolution 2428 (XXIII), adoptée le 18 décembre 1968 sur la question de Ifni et du Sahara espagnol, notait la différence de nature du statut légal de ces territoires ainsi que le processus de décolonisation envisagé à leur égard par l’Assemblée générale dans sa résolution 2354 (XXII). De plus, il réaffirmait le droit inaliénable du peuple du Sahara espagnol à l’autodétermination en accord avec la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale et demandait à l’Espagne de se retenir d’entreprendre des actions susceptibles de retarder la décolonisation du Sahara espagnol.

Dans sa quinzième session ordinaire à Addis Ababa, du 24 au 31 août 1970, le Conseil de ministres de l’Oua lançait le même appel par l’adoption de sa résolution CM/Res 234 (XV) sur la décolonisation, demandant à l’Espagne de se conformer sans délai aux résolutions des Nations Unies concernant les droits légitimes à l’autodétermination de la population du Sahara espagnol. Il est utile de mentionner que cette position a été réaffirmée par le Conseil des ministres lors de sa dix-neuvième session ordinaire tenue à Rabat, au Maroc, entre le 5 et le 12 juin 1972, lorsque le Conseil a adopté la résolution CM Res. 272 (XIX) sur les mesures spéciales à adopter pour la décolonisation et la lutte contre l’Apartheid et la discrimination raciale. En ce qui concerne le Sahara espagnol, le Conseil a exprimé sa solidarité avec la population sous domination espagnol et en a appelé une fois encore au gouvernement espagnol pour qu’il crée une atmosphère libre et démocratique dans laquelle le peuple de ce territoire peut exercer sans délai son droit à l’autodétermination et à l’indépendance en accord avec la Charte des Nations Unies. C’est d’une importance capitale de noter que la résolution CM/Res 272 (XIX), adoptée à l’unanimité, y compris un vote positif du Maroc, endossait le droit du peuple du Sahara espagnol, non seulement à l’autodétermination, mais à l’indépendance.

Dans sa vingt et unième session ordinaire à Addis Ababa (17 au 24 mai 1973), le Conseil des ministres de l’Oua a adopté la résolution CM/Res.301 (XXI) sur le Sahara sous domination espagnole. Se référant à la résolution CM/ 272 (XIX), adoptée à l’unanimité à Rabat, le Conseil dénonçait les manœuvres dilatoires espagnoles et exprimait sa totale solidarité avec le peuple du Sahara sous domination espagnole. Il pressait également les Nations Unies d’assumer leurs responsabilités à l’égard de ce problème, en assurant l’application rapide des procédures énoncées dans les résolutions pertinentes pour la décolonisation totale de la région. A noter que la résolution CM/Res.301 (XXI) a été adoptée quelques jours après la fondation du Frente Populare para la Liberación de Saguiat el Hamra y de Rio de Oro (Frente Polisario) le 10 mai 1973, comme mouvement de libération qui a pour objectif déclaré la lutte armée pour réaliser l’indépendance de la domination coloniale espagnole. Le mouvement a immédiatement bénéficié d’un soutien total de la population sahraouie et a par la suite été reconnu comme seul représentant légitime du peuple sahraoui. L’année suivante, le Conseil des ministres de l’Oua a adopté la résolution CM/Res. 344 (XXIII) dans laquelle il réaffirmait, l’esprit et la lettre, de ses précédentes résolutions sur le Sahara sous domination espagnole.

En dépit de la pression exercée par les attaques de plus en plus nombreuses du Front du Polisario et des appels successifs des Nations Unies et de l’Oua à la décolonisation des territoires, ce ne fût qu’en août 1974 que l’Espagne a finalement déclaré qu’elle était prête à organiser un referendum sur la question de l’autodétermination du Sahara Occidental au début 1975. En réaction à la réponse espagnole, le roi Hassan II du Maroc annonçait que son pays ne pouvait accepter de referendum qui incluait une option pour l’indépendance du Sahara Occidental. La Mauritanie, pour des raisons d’auto préservation, s’est jointe aux revendications du Maroc sur le Sahara occidental et a demandé un arbitrage à la Cour internationale de justice (Cij) afin qu’elle se prononce sur le statut précolonial du territoire. Le 13 décembre 1974, l’Assemblée générale demandait aussi un avis de droit à la Cij sur le statut du Sahara Occidental avant la colonisation espagnole et demandait à l’Espagne de remettre à plus tard l’organisation du referendum jusqu’à ce que l’Assemblée générale puisse décider du processus de décolonisation qui inclurait l’avis de la Cour. C’est dans ce contexte que la douzième session ordinaire des chefs d’Etats et de gouvernements qui se réunissait à Kampala, en Ouganda (28 juillet au 1er août 1975), adoptait la résolution AHG/Res. 75 (XII) sur le Sahara Occidental. Dans sa résolution, l’Assemblée de l’Oua demandait à l’Espagne de s’abstenir de tout acte qui porterait préjudice au processus de décolonisation du territoire jusqu’à ce que l’opinion de la Cij soit connue

En référant la question à la Cij et en s’arrangeant pour faire suspendre temporairement les plans de l’Espagne pour l’organisation d’un referendum sur l’autodétermination dans le Sahara espagnol, le Maroc espérait que la Cour endosserait également ses revendications sur le territoire. Toutefois, l’opinion de la Cij, délivrée le 16 octobre 1975, a porté un mauvais coup au plan du Maroc. On se souviendra que l’avis de la Cij était sans équivoque et a clairement nié l’existence de tout lien de souveraineté entre le Maroc et la Mauritanie et le Sahara Occidental d’une part, et a endossé la décolonisation du territoire basé sur le principe du droit à l’autodétermination d’autre part. En réaction au verdict de la Cour, le roi Hassan II, avec la complicité de certaines puissances occidentales, a ordonnée l’invasion et l’occupation du Sahara Occidental le 31 octobre 1975, faisant ainsi éclater un conflit armé entre l’Armée de libération du peuple sahraoui et les forces marocaines.

L’occupation marocaine du Sahara Occidental est en violation de nombreuses résolutions des Nations Unies et de l’OUA ainsi que des principes d’intangibilité des frontières coloniales de l’OUA et de l’avis de droit de la Cour Internationale de Justice . En accord avec la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée Générale, qui stipule qu’aucun gain territorial résultant de menaces ou de la force ne sera reconnu comme légal, ni les Nations Unies, ni l’OUA/Union africaine et ni aucun des Etats membres des Nations Unies n’ont approuvé l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc ou ont reconnu la légalité de l’ annexion par la force du territoire. En accord avec la résolution 34/37 (1979) et 35/19 (1980), le Maroc est une puissance occupante du Sahara Occidental que les Nations Unies n’ont jamais reconnues comme la puissance administratrice du territoire.

Au lieu d’assumer ses responsabilités de puissance coloniale et administratrice des territoires, l’Espagne a entrepris des discussions secrètes avec le Maroc et la Mauritanie qui ont abouti à la signature d’un accord tripartie à Madrid le 14 novembre 1975 par lequel l’Espagne mettait un terme à son administration du Sahara Occidental. Il s’en est suivi que le 14 avril 1976, la Mauritanie et le Maroc ont signé un accord qui partageait le Sahara Occidental, le nord pour le Maroc et le sud pour la Mauritanie. Il a aussi été rapporté que l’Espagne s’est assurée les 35% du phosphate du territoire. A l’évidence, l’accord de Madrid était nul et non avenu parce que son objectif était de spolier un peuple de son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance. En signant cet accord, les signataires ont en plus violé une norme fondamentale du droit international, c'est-à-dire le devoir des Etats d’honorer en toute bonne foi leurs obligations en accord avec la Charte des Nations Unies.

Pendant que l’Espagne se retirait des territoires, laissant derrière elle le vide légal et institutionnel, le Front Polisario proclamait la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) le 27 février 1976. La proclamation de la Rasd était le résultat de la longue lutte anticoloniale menée par le peuple sahraoui qui défendait sa nation ainsi que son droit internationalement reconnu à l’autodétermination et à l’indépendance. Le 4 mars 1976, elle avait son premier gouvernement et au cours du troisième congrès du Front Polisario, tenu en août 1976, elle obtenait sa première Constitution, y compris les principes gouvernant l’établissement et le fonctionnement des institutions de l’Etat.

Dans son préambule, la Constitution souligne le caractère arabe, berbère, africain et musulman du peuple sahraoui ainsi que leur résistance anticoloniale, passée et présente, pour défendre leur liberté et leur indépendance. Depuis sa fondation, la Rasd a été reconnue par plus de 80 pays dans le monde et en 1984, elle est devenue un membre à part entière de l’Oua et membre fondateur de l’Union africaine.

Au vu de l’accélération des évènements dans le Sahara occidental à ce moment, l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Oua, lors de sa treizième session ordinaire qui a eu lieu à Port Louis (Ile Maurice), du 2 au 6 juillet 1976, a adopté la résolution AHG/Res. 81 (XIII) qui prévoit l’organisation d’un sommet extraordinaire sur la question du Sahara occidental. Rappelant les résolutions pertinentes de son Comité de libération, en particulier réaffirmant le principe sacré à l’autodétermination, l’Oua a décidé de tenir un sommet extraordinaire afin de trouver une solution juste et pacifique au problème du Sahara Occidental.

Lors de sa session ordinaire suivante, qui a eu lieu à Khartoum du 18 au 22 juillet 1978, l’Assemblée des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Oua a adopté la résolution AHG/Res. 92 (XV) sur la question du Sahara occidental. Elle y exprime sa préoccupation concernant la gravité de la situation prévalant dans les territoires et les tensions dans la région qui résultent de l’occupation persistante du Sahara occidental par le Maroc et a réaffirmer les principes et objectifs de la Charte de l’Oua, en particulier ceux relatifs à la décolonisation totale du continent. Elle prenait note de l’avis de droit de la Cour internationale de justice en ce qui concerne le respect du principe du droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et a réaffirmé la responsabilité de l’Oua dans la quête d’une solution juste et pacifique en accord avec les principes de l’organisation et de la Charte des Nations Unies. Il fût aussi décidé de mettre sur pied un comité ad hoc, composé d’au moins cinq chefs d’Etat de l’Oua, auquel a été confiée la prise en compte de toutes les données concernant la question du Sahara occidental, parmi lesquels le droit d’un peuple à exercer l’autodétermination sur son territoire. Enfin elle demandait à toutes les nations de la région de s’abstenir d’entreprendre des actions susceptibles d’entraver la quête d’une solution juste et pacifique du problème.

Le coût énorme de la guerre a amené le roi Hassan II du Maroc à comprendre que la victoire militaire était impossible au Sahara occidental. Dans une tentative d’arrêter l’avancée de l’Armée de libération du peuple sahraoui et au vu des succès diplomatiques croissants de la Rasd en Afrique et ailleurs, le roi Hassan II a été contraint de considérer, toutefois, pour des raisons tactiques, la possibilité de tenir un referendum sur l’autodétermination au Sahara Occidental, comme une sortie du conflit.

Lors de sa dix-huitième session ordinaire, l’Assemblée des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Oua, qui s’est tenue à Nairobi du 24 au 27 juin 1981, a examiné le rapport du secrétaire général et les rapports de la cinquième et sixième session du Comité ad hoc des chefs d’Etat pour la question du Sahara Occidental. Elle a aussi noté avec satisfaction l’engagement solennel du roi Hassan II du Maroc, acceptant le tenue d’un referendum au Sahara occidental qui permette à la population de ce territoire d’exercer son droit à l’autodétermination ainsi que sa promesse de coopération avec le Comité ad hoc pour rechercher une solution durable, juste et pacifique. Par conséquent, l’Oua a adopté la résolution AHR/Res. 103 (XVIII) sur le Sahara Occidental dans laquelle il est prévu de mettre sur pied un comité de mise en œuvre avec les pleins pouvoirs pour collaborer avec les Nations Unies et pour prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre aux Sahraouis l’exercice de leur droit à l’autodétermination au travers d’un referendum général et libre. Elle pressait les parties au conflit à observer un cessez-le-feu immédiat et demandait au Comité de mise en œuvre de se réunir avant la fin août 1981, et, en collaboration avec les parties au conflit d’élaborer des modalités et tous les détails pertinents pour l’observation d’un cessez-le-feu ainsi que la conduite et l’administration du referendum. Il était aussi demandé aux Nations Unies, conjointement avec l’OUA de fournir des troupes de maintien de la paix qui devront être stationnées dans le Sahara Occidental afin de garantir la paix et la sécurité au cours de l’organisation du déroulement du referendum et les élections subséquentes.

Les efforts africains pour une solution ont culminé par l’adoption de la résolution AHG/Res. 104 (XIX) sur le Sahara occidental, lors de la dix-neuvième session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Oua qui s’est tenue à Addis Ababa du 6 au 12 juin 1983. Elle réaffirmait l’esprit et la lettre de la résolution AHR/Res. 103 (XVIII), adoptée plus tôt. Elle pressait toutes les parties au conflit, le royaume du Maroc et le Front du Polisario, d’entreprendre des négociations directes afin de parvenir à un cessez-le-feu pour créer les conditions nécessaires pour un referendum pacifique et juste pour l’autodétermination du peuple sahraoui, un referendum sans contraintes administratives ou militaires, sous les auspices de l’Oua et des Nations Unies.

Pendant qu’elle décidait de rester saisie de l’affaire du Sahara Occidental, l’Assemblée de l’Oua saluait aussi l’attitude positive des dirigeants sahraouis pour avoir rendu possible la réunion en s’en retirant volontairement et temporairement. La résolution AHG/Res. 104 (XIX) de l’OUA serait la pierre angulaire sur laquelle pourraient reposer les efforts des Nations Unies qui ont pour but la décolonisation du Sahara Occidental.

En dépit des engagements préalables du Maroc auprès de l’Oua en 1981 et de ses promesses de permettre la tenue du referendum et d’en respecter le résultat, il est devenu immédiatement évident que le Maroc n’était pas sincère dans ses intentions et qu’il ne faisait qu’essayer de gagner du temps. C’est en réponse aux manœuvres et à la non coopération du Maroc que l’Oua a pris, en 1982, la décision historique d’admettre la Rasd au sein de l’organisation continentale. Il s’en est suivi que celle-ci est devenue un membre à part entière de l’Oua lors la Vingtième session ordinaire de l’Assemblée qui s’est tenue à Addis Ababa du 12 au 15 novembre 1984.

Comme nous l’avons dit précédemment, la résolution AHG/Res. 104 (XIX) de l’Oua a été décisive en posant la fondation des efforts des Nations Unies subséquents pour la décolonisation du Sahara Occidental. C’est dans ce contexte que l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 40/50 le 2 décembre 1985, basé sur une proposition introduite par le président de l’Oua, à cette époque celui du Sénégal, au nom des Etats africains. La résolution 40/50 donnait au secrétaire général le pouvoir d’entamer des discussions avec les deux parties au conflit, le Maroc et le Front du Polisario, en vue d‘obtenir leur coopération pour l’application de la résolution. En particulier, tous les paragraphes opérationnels de la résolution AHG/Res. 104 (XIX) adoptée par l’Oua en 1983, demandant aux parties d’entamer (a) des négociations directes afin d’obtenir (b) un cessez-le-feu et (c) de se mettre d’accord sur les modalités d’un referendum libre et juste sur l’autodétermination du peuple sahraoui.

Dans le cadre de la résolution 40/50 de l’Assemblée générale, le président de l’Oua et le secrétaire général des Nations Unies ont commencé, en 1986, une médiation conjointe visant l’acceptation, par les parties aux conflits, d’un plan de paix dont l’objectif principal est de permettre au peuple du Sahara occidental d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance dans des conditions acceptables aux deux parties et partant à la communauté internationale. Dans ce contexte, les Nations Unies et l’Oua ont conjointement élaboré un plan d’accord accepté par les deux parties le 30 août 1988 et adopté par la résolution du Conseil de sécurité 658 (1990) et 690 (1991) . L’objectif du plan était la tenue d’un referendum libre et juste sous la supervision des Nations Unies, par lequel le peuple sahraoui pourrait exercer son droit à l’autodétermination, en choisissant entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Le Conseil de sécurité a aussi donné mandat à la Mission des Nations Unies pour le referendum au Sahara occidental (Minurso) de superviser le cessez-le-feu entré en vigueur le 6 septembre 1991 et la tenue ultérieure du referendum à une date non spécifiée mais pas plus tard que février 1992, en accord avec le calendrier pour la mise en œuvre approuvé par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 690 (1991).

Une fois de plus et malgré ses engagements précédents auprès des Nations Unies et de l’Oua, le Maroc a immédiatement manifesté son refus de poursuivre le chemin vers le referendum parce qu’il était certain que les Sahraouis voteraient pour l’indépendance. La mission des Nations Unies est toujours présente au Sahara occidental, supervisant le cessez-le-feu, mais le referendum n’a pas eu lieu en raison de l’intransigeance du Maroc et son rejet pur et simple d’une solution au conflit résultant du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination. En tant que partenaire des Nations Unies sur le plan des négociations pour le Sahara occidental, l’Oua est restée saisie de la question du Sahara occidental tout en maintenant sa même position de principe sur la question.

L’ENGAGEMENT CONTINU DE L’UNION AFRICAINE

La transformation de l’Oua en Union africaine a été décrite comme un évènement de grande signification dans l’évolution institutionnelle du continent. Des décennies ont été nécessaires pour que la transformation institutionnelle évolue et se matérialise, mais l’année 1999 se singularise parce que c’est l’année durant laquelle l’Assemblée de l’Oua, conformément à ses ultimes objectifs d’établir l’Union africaine pour accélérer le processus d’intégration économique et politique du continent. Depuis lors, les efforts ont redoublé pour atteindre cet objectif qui a culminé lors du sommet de Durban en Afrique du Sud qui a eu lieu le 9 et 10 juillet 2002, qui est la date de fondation de l’Union africaine, et la tenue de la première assemblée des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union africaine.

Dans l’Acte de Constitution de l’Union africaine, adopté à Lomé au Togo le 11 juillet 2000, les dirigeants africains soulignaient que l’Union africaine devait fonctionner en accord avec un certain nombre de principes, y compris, inter alia, l’égalité souveraine et l’interdépendance des Etat membres de l’Union., le respect des frontières telles que dessinées lors de l’indépendance, la prohibition de l’usage de la force entre Etats membres de l’Union. Il n’est donc pas surprenant que le Maroc soit le seul pays qui ne soit pas membre de l’Union africaine, parce qu’il persiste à occuper par la force un Etat membre, la République arabe sahraouie démocratique, en violation avec les objectifs et les principes de l’Acte constitutif de l’Union.

Comme successeur de l’Oua, l’Union africaine au cours des années, a maintenu la même position de principe que celle adoptée par son prédécesseur en ce qui concerne la question du Sahara Occidental. Il est pertinent de souligner, dans ce contexte, le plan d’action (SP/Assembly/PS/PlAN (I)) adopté par les chefs d’Etat et de gouvernements qui se réunissaient à Tripoli, Libye, le 31 août 2009, lors d’une session spéciale sur la considération et la résolution des conflits en Afrique, qui incluait les mesures requises pour accélérer la résolution des conflits et des situations de crises et consolider la paix en Afrique. Concernant le Sahara occidental, les dirigeants de l’Union africaine se sont engagés à soutenir les efforts des Nations Unies pour sortir de l’impasse actuelle, à la faveur des résolutions Conseil de Sécurité qui y sont relatives. Ils ont aussi appelé à une intensification des efforts pour la tenue d’un referendum qui permettrait à la population sahraouie de choisir entre l’indépendance et l’intégration au royaume du Maroc.

Préoccupé par la situation des droits humains dans les territoires occupés du Sahara Occidental, le Conseil exécutif de l’Union africaine, lors de sa vingtième session ordinaire, tenue à Addis Ababa du 23 au 27 janvier 2012, a adopté la décision EX.CL/dec.689 (XX), basée sur le vingt-neuvième, le trentième et le trente et unième rapports d’activité de la Commission africaine sur les droits humains et des peuples. Concernant la situation au Sahara occidental, le Conseil exécutif avait demandé à la Commission africaine sur les droits humains et des peuples de mener à bien une mission dans les territoires occupés de la Rasd, en vue d’enquêter sur les violations des droits humains et de rendre compte lors de la prochaine session ordinaire du Conseil exécutif en janvier 2013. L’importance de cette décision réside dans ce qu’elle démontre l’intérêt croissant de l’Union africaine pour la question des droits humains dans les territoires occupés ainsi que la prise de position de l’Union face à l’occupation illégale par le Maroc du Sahara occidental.

L’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernements, lors de la dix-neuvième session ordinaire, du 15 et 16 juillet 2012, à Addis Ababa, a adopté le rapport du Conseil pour la paix et la sécurité sur ses activités et l’état de la paix et de la sécurité en Afrique. En ce qui concerne le Sahara occidental, l’Assemblée a réitéré son appel auprès du Conseil de sécurité pour une approche plus active de la dispute. En particulier, elle a fait appel au Conseil de sécurité afin qu’il s’efforce de créer des conditions qui permettent à la population du Sahara occidental d’exercer leur droit à l’autodétermination, en conformité avec le droit international et les décisions de l’Union africaine qui y sont relatifs, y compris le plan de l’Union adopté le 31 août 2009. Dans ce même contexte, le Conseil exécutif de l’Union, lors de sa vingt-deuxième session ordinaire du 21 au 25 janvier 2013, à Addis Ababa, a adopté la décision EX.CL/Dec. 758 (XXIII), basé sur le rapport d’activité de la Commission concernant le Sahara occidental, le Conseil exécutif a demandé à la Commission de prendre toute mesure utile pour l’organisation du referendum, en accord avec les décisions de l’Oua et les résolutions des Nations Unies.

Comme nous l’avons dit précédemment, la décolonisation du Sahara occidental a été endossée par les Nations Unies et l’Oua depuis 1960. Toutefois, en raison de l’occupation persistante d’une partie du Sahara occidental par le Maroc, ainsi que son opposition à toute solution du conflit basée sur le droit à l’autodétermination du people sahraoui, la décolonisation du territoire n’as pas eu lieu malgré les efforts constants de l’Afrique et de la communauté internationale.

Néanmoins, le peuple sahraoui poursuit l’implantation de sa stratégie nationale de défense de son droit légitime à retrouver sa souveraineté sur tout le territoire du Sahara Occidental. La République sahraouie a consolidé ses relations avec un grand nombre de pays en Afrique, dans les Caraïbes, l’Amérique latine, l’Asie et la région du Pacifique du sud-est. Au niveau régional et africain, le Rasd a participé activement, ensemble avec des pays voisins et amis, dans la consolidation et l’efficacité des structures régionales de sécurité et en combattant le crime organisé international et autres menaces, en conformité avec ses obligations d’Etat membre de l’Union africaine.

CONCLUSION

La discussion ci-dessus démontre que le traitement de la question du Sahara occidental par l’Oua/Union africaine a été fondé sur les principes et objectifs de la Charte de l’Oua et de l’Acte constitutif de l’Union africaine. En particulier, l’engagement solennel en faveur de la décolonisation des territoires africains sous occupation étrangère sur la base du droit inaliénable des peuples coloniaux à l’autodétermination, ainsi que l’intangibilité des frontières existant au moment de la décolonisation et de l’indépendance, ont été les principes directeurs de l’organisation continentale africaine concernant la question du Sahara Occidental. Dans ce contexte, pour l’Oua/Union africaine, le Sahara occidental reste un cas de colonisation auquel la doctrine et la pratique des Nations Unies, relatives à la décolonisation sont applicables. Ce qui signifie que le seul chemin viable et légal à ce problème de décolonisation réside dans le droit inaliénable du peuple sahraoui à s’exprimer par le referendum sur l’autodétermination et l’indépendance.

L’occupation et l’annexion forcée par le Maroc du Sahara occidental en 1975, qui constitue une violation de nombreuse résolutions des Nations Unies et de l’Oua ainsi que des principes d’intangibilité des frontières coloniales et de l’avis de droit de la Cour Internationale de Justice, ont constitué un déni durable du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance. De surcroît, en rejetant les plans de l’Oua/l’Union africaine et les plans successifs des Nations Unies, le Maroc a montré au-delà du moindre doute qu’il ne veut toujours pas d’une solution pacifique, démocratique, viable et durable au conflit du Sahara Occidental, c'est-à-dire le referendum sur l’autodétermination

Alors que l’Oua a réagi avec vigueur à l’intransigeance du Maroc en admettant la Rasd en son sein en 1982, la communauté internationale devrait maintenant envoyer un message fort au Maroc disant que les règles de base du système international et les droits inaliénables à l’autodétermination et à l’indépendance ne peuvent être indéfiniment pris en otage par l’intransigeance d’une puissance occupante qui a systématiquement refusé d’honorer ses engagements internationaux.

Pour résumer, le terme de la décolonisation du Sahara occidental, la dernière colonie en Afrique, au travers de la garantie du respect du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, donnera sans doute un élan additionnel aux efforts en cours, qui visent à faire face au défi de la paix et de la sécurité sur le continent et peuvent être un tremplin significatif pour la réalisation de l’intégration régionale et continentale

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** Dr Sidi M. Omar est un ancien représentant de la République sahraouie auprès de l’Union africaine. Il est maintenant basé à l’Interuniversity Institute of Social Development and Peace (IUESP), universitat Jaume I, Castellón, Espagne. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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SELECTION DE PUBLICATIONS ACADEMIQUES DE DR SIDI OMAR

1. The right to self-determination and the indigenous people of Western Sahara. Published in: Cambridge Review of International Affairs, Volume 21, Issue 1 March 2008, pages 41-57.
2. Mapping of the Conflict in Western Sahara (2009).
3. OMAR, SIDI M. (2008): Los Estudios Post-Coloniales: una Introducción Crítica, Castellón de la Plana: Universitat Jaume I. ISBN: 978-84-8021-639-5.
4. Omar, Sidi M. et al (2008): El Papel de la Sociedad Civil en La Construcción de la Paz en el Sáhara Occidental, Barcelona: Icaria-Editorial. ISBN: 978-84-9888-011-3.