Sénégal : Après la politique, le Développement !

En politique, les Sénégalais ont réussi là où de nombreux autres peuples ont échoué. En économie, ils échouent là où des peuples moins bien dotés réussissent. Ce statut peu enviable ne relève d’aucune fatalité. Comme le disent les économistes, les nations tirent leur richesse du travail, de la terre et du capital. Le problème, c’est plutôt la gestion de la richesse, son affectation efficace entre les secteurs économiques et sa répartition équitable entre les différentes couches de la population et entre les générations actuelles et futures.

2012 a été une grande année pour nous tous. Elle n'a pas été grande parce qu'elle aurait permis à certains d'entre nous d'accomplir quelque projet personnel important, quoiqu’il aurait été plus que légitime de poursuivre un tel but, mais bien parce qu'elle nous a vu porter et mener à bon port, ensemble et en tant que peuple, un projet collectif de transformation sociale et politique, initié des années plus tôt. Un tsunami a déferlé sur le Sénégal, emportant avec lui le clan Wade, ses clients et courtisans qui, pendant douze années, ont œuvré jour après jour à pervertir les mœurs politiques, affaisser la République, détourner l’économie de sa vocation et déstructurer les bases sociales du Sénégal. Ce tsunami politique et citoyen est né de la rencontre des rivières et torrents de frustrations et de colères, qui se sont agrégés pour donner des fleuves de volonté, d’engagement et d’énergie populaire savamment canalisés et organisés.

Aucun parti ou coalition de partis, aucune organisation de la société civile, mouvement religieux, syndicat, groupes hégémoniques ou autres, n'aurait pu réussir seul à relier les volontés les unes aux autres pour en faire le moteur de notre sursaut national. Nous avons pensé, agi et réussi ensemble, en dépit de nos différences et nos divergences. Tel a été notre génie. Le génie sénégalais. Mais quelle que fut la grandeur du défi que nous avons relevé, nous ne sommes qu'au commencement d'une nouvelle ère qui nous en imposera d'autres encore, plus complexes et plus grands. En politique, nous avons réussi là où de nombreux autres peuples ont échoué. En économie, nous échouons là où des peuples moins bien dotés que nous réussissent. Telle est la dialectique de la vie me direz-vous! Mais nous savons tous que la pauvreté de notre pays (près de 57% de la population) ne se justifie pas quand on sait tout ce que nous sommes en mesure de faire grâce à nos ressources humaines.

Après la politique, attaquons-nous tous ensemble à l'économique et au social. Je comprends bien que ces trois réalités ne sont pas détachables, car l'économique est un aspect de la politique et tous deux sont enchâssés dans le social, pour parler comme Polanyi. Parler de « l’après politique » n’est donc qu'une façon de parler et d'appeler tout le monde à l'action pour créer la richesse nécessaire à la satisfaction des besoins de nos populations, dont les plus saisissants sont l'emploi des jeunes, la santé, en particulier dans le monde rural, et l'éducation. Il y a un temps pour la politique, surtout lorsque celle-ci n’est le plus souvent qu’invectives, disputes stériles, sarcasmes et quolibets, plutôt qu’échanges structurés et productifs sur des projets de société, des stratégies de développement et des projets et programmes de création de richesses. Mais il y aussi un temps pour le travail, la production et le progrès. Le Sénégal est l’un des quarante huit pays les moins avancés du monde. Ce statut peu enviable ne relève d’aucune fatalité. Et nous devons avoir l’ambition commune de nous hisser sur la rampe de l’émergence dans les cinq prochaines années, avant de nous installer durablement dans l’ère du progrès économique et social irréversible.

Nous devons créer de la richesse. De plus en plus de richesses, en comptant avant tout sur nos ressources propres, notre force de travail et nos stratégies. Et croyez-moi, créer de la richesse dans un pays comme le Sénégal, ce n’est pas sorcier. Comme le disent les économistes, les nations tirent leur richesse du travail, de la terre et du capital. Nous aurons le capital si nous avons un leadership suffisamment crédible pour convaincre les sénégalais d’investir leur épargne dans la production. Nous avons aussi la terre, des milliers d’hectares de terres arables, de l’eau et du soleil. Et le travail, n’en parlons pas ! Des millions de jeunes qui ne demandent qu’à travailler.

Notre problème, c’est plutôt la gestion de notre richesse, son affectation efficace entre les secteurs économiques et sa répartition équitable entre les différentes couches de la population et entre les générations actuelles et futures. Si les dirigeants d’hier et d’aujourd’hui ont une qualité, c’est bien celle d’être des champions du monde toute catégorie en matière d’enrichissement rapide, sans cause et illicite. Pour la plupart des acteurs publics, l’entrée en politique n’est qu’un moyen d’accéder à des ressources publiques et de les drainer durablement et massivement vers leurs clients politiques, leurs familles, les membres de leurs milieux et communautés d’adhésion ou d’appartenance. Des ressources qu’ils n’auraient jamais pu acquérir grâce à leur intelligence ou leur génie propre.

C'est pourquoi les initiatives en cours du gouvernement dans la traque des biens mal acquis et pour l'instauration de la culture du mérite, de la redevabilité et de la bonne gouvernance doivent être les grands chantiers de 2013. Le gouvernement doit agir sans faiblesse. L’heure de la vraie rupture a sonné. L'intégrité, la compétence et la responsabilité des dirigeants sont les piliers essentiels à la refondation d'une République. La bonne gouvernance est un impératif de développement. Et c'est pour ces principes que nous nous sommes tant battus en 2011 et 2012. Restons donc plus que jamais déterminés et mobilisés. Ne laissons plus jamais notre pays à quelques individus, jeunes ou vieux politiciens, pour qu'ils vivent dans l’opulence pendant que des malades meurent aux portes des hôpitaux faute de soins, que des femmes accouchent sur des charrettes sur les pistes cahoteuses de nos brousses ou que des enfants aillent à des écoles manquant de tout, avec le ventre vide.

Les acteurs politiques partisans, dont la plupart ne rêve d’ailleurs que de privilèges, sont certes des acteurs politiques importants, mais tous les citoyens sont aussi des acteurs politiques. Plus importants encore dans une République. Et cette dernière est un bijou trop précieux pour qu'on la laisse entre des mains inexpertes et immorales sans veille. Le combat citoyen ne fait que commencer, car nous avons un Futur à Construire.

En ce début d’année 2013, je convoite de Dieu qu'il nous donne la force, l'engagement et la conscience de toujours mettre notre pays au dessus de tout. Je convoite de Dieu qu'il nous aide et accompagne nos actions et nos œuvres pour bâtir un futur de prospérité et de paix pour notre peuple. Je convoite de Dieu qu'il nous protège tous et toutes et répande sa miséricorde sur nous et nos proches. Que 2013 soit une année encore meilleure pour chacun et chacune d'entre nous.

Pour l’avenir du Sénégal et de l’Afrique!


CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS





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** Cheikh Tidiane Dièye est Docteur en Etudes du développement


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