Conflit touareg au Mali : les vrais et seuls responsables
La nouvelle guerre qui embrase le nord du Mali depuis le 17 février, avec la résurgence de la rébellion touarègue, menace autant l’intégrité et la sécurité du pays que les équilibres identitaires. La situation devient dangereuse et l’Etat malien n’est pas exempt de responsabilités, tout comme le gouvernement, dans l’enchaînement d’un conflit qui s’aggrave. Mais les solutions ne manquent pas.
Les maliens doivent comprendre que les responsables de cette situation désastreuse à tous points de vue ne sont pas les paisibles communautés touareg, maures et arabes. Les vrais et seuls responsables sont :
- ATT (NDLR : Amadou Toumani Touré) et son gouvernement ;
- Le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) ;
- Certains anciens militaires de Lybie ;
- AQMI ;
- Les narcotrafiquants.
Une situation grave, désastreuse, tragique sévit dans le Nord de notre pays.
Elle est grave en ce sens que l’unité et l’intégrité territoriale sont entachées. Des populations du même pays s’opposent. La guerre s’installe. Une partie du pays est occupée par des rebelles. La situation est désastreuse, en ce sens que les populations civiles et militaires laissées à elles-mêmes, vivent dans le dénuement, la peur, le désarroi. Elles se terrent si elles ne fuient pas. Elles errent dans la brousse ou entre les campements, si elles ne s’exilent pas.
Comment comprendre l’attitude du ministre de l’Agriculture, Aghatam Ag Alassane, qui va au Burkina Faso « sécuriser sa famille » au lieu de proposer au gouvernement une stratégie de protection pour toutes les victimes potentielles ? C’est inacceptable !
Enfin, la situation est tragique, en ce sens que des Maliens meurent depuis le 23 mai 2006, date de la 1ère rébellion de l’ère ATT. Les tueries n’ont plus cessé, qu’elles soient d’origine mauritanienne, de l’Alliance du 23 mai, ou récemment du MNLA à Aguel Hoc où la façon barbare de tuer des soldats désarmés, ligotés, dépasse tout entendement.
LA RESPONSABILITE D’ATT
Sa gestion solitaire des problèmes du Nord l’a conduit à des décisions contraires aux principes de la République, aux intérêts de notre pays, à l’esprit et à la lettre du serment qu’il a prêté devant la Cour Suprême les 8 juin 2002 et 2007. Je cite : « Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité le régime républicain de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je m’engage solennellement et sur l’honneur à mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité africaine » (Aricle 37 de la Constitution de 1992).
En quoi il n’a pas respecté son serment ? Les Maliens et les Maliennes se souviennent que le 23 mai 2006, l’ancien caporal chef Ibrahim Ag Bahanga et le lieutenant-colonel félon Hassan Ag Fagaga et des hommes de troupe attaquent la caserne de Ménaka, la caserne et le Centre de communication de Kidal. Un homme est tué. Les bandits commettent des actes criminels comme l’attaque du poste militaire de Diabali dans la zone de l’Office du Niger, du camp militaire d’Abeibara dans la nuit du 20 au 21 mai 2008 faisant 27 morts et 31 blessés.
Le bandit de Bahanga qui a flirté avec le GSPC (AQMI) en Algérie a développé des relations aussi au Niger. Il a établi des bases au Mali dont la principale était Boureïssa à la frontière algérienne. Il circulait librement. Son complice déserteur était intégré dans l’armée. Il a été vu à Kidal en tenue militaire à la fête du cinquantenaire en 2010.
L’accord d’Alger signé en 2006 avec l’Alliance du 23 mai, dont Bahanga était le premier responsable, a signifié clairement l’abandon de souveraineté. L’Assemblée nationale n’a pas été saisie de la signature de cet accord par le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales le général Kafougouna Koné, l’envoyé du président de la République. Le point ahurissant et inacceptable de cet accord était que l’armée se retire des régions du Nord. Ce qui va permettre à ces bandits d’avoir les coudées franches pour s’installer et maitriser la zone.
A cette rébellion armée se sont ajoutées d’autres monstruosités dans cette partie du pays abandonnée par l’Etat, à part une administration prédatrice.
1. AQMI s’implante, développe ses tentacules jusque dans notre société, de la frontière mauritanienne à la frontière nigérienne. Le monde sait les moyens militaires et financiers de cette bande d’assassins.
2. Les narcotrafiquants ont eu des complicités pour faire atterrir deux avions bourrés de drogue dure. Une des personnes impliquées au plus haut niveau a été arrêtée et déferrée à la prison de Bamako. Elle vient d’être libérée sans autre forme de procès.
3. Les militaires de l’armée libyenne ont eu les mêmes facilités d’arrivée sur notre territoire où ils se sont installés avec toute leur logistique (véhicules, armes sophistiquées). Nos voisins comme l’Algérie, le Niger, la Mauritanie ont désarmé les leurs avant de leur permettre de rentrer sur leurs territoires.
C’est autour de toutes ces forces existantes de 2006 à maintenant que s’est constitué le MNLA (Mouvement Nationale de Libération de l’Azaouad). Le MNLA est le fruit de l’abandon de souveraineté par ATT.
Il n’est pas compréhensible et acceptable que depuis la naissance de l’Alliance du 23 mai, avec toutes les attaques qui ont été perpétrées, qu’un Etat ne se prépare pas à la guerre. C’est mettre le pays en péril que de ne pas prendre les dispositions sur le plan de la préparation militaire, sur le plan de l’implication des institutions de la République, des partis politiques, de la société civile, sur le plan de l’information, toutes choses qui auraient permis d’éviter cette tragédie et l’inimitié entre les peuples de notre pays.
ATT, loin de faire face à ses obligations pour sauver le pays et respecter son serment, engage l’organisation des festivités du Cinquantenaire (de l’indépendance du Mali) pour 7 milliards 500 millions de FCFA annoncés. Il engage aussi un referendum constitutionnel dont les préparatifs sont évalués à 9 milliards de francs CFA. Tout dernièrement, il nomme un gouvernement de 33 membres, introduit un découpage administratif, nomme plusieurs Généraux. Autant d’activités qui nécessitent des engagements financiers énormes.
ATT est responsable de cette situation et a montré ses limites.
Le peuple malien n’est ni par sa culture ni par son histoire, ni son éducation un peuple à comportement tribaliste. Il n’y a jamais eu au Mali de pogroms contre des communautés ou des ressortissants d’autres nationalités même pendant les moments les plus difficiles comme par exemple la guerre avec le Burkina en 1985, les massacres de Maliens en Côte-d’Ivoire en 1999, 2002, et 2011, les rebellions successives de 1963, 1990, 1992, 2006.
C’est le sentiment d’injustice suscité par la politique de corruption de l’Etat qui se formalise par des :
- intermédiaires véreux qui font des mouvements de rébellion un fonds de commerce ;
- privilèges injustifiés et régulièrement accordés à ceux qui prennent les armes ;
- investissements massifs par rapport à la situation générale des zones et couches déshéritées du territoire malien ;
- complicités avérées de certains éléments des communautés à tous les niveaux, y compris dans les plus hautes institutions de l’Etat avec les différentes rebellions, qui expliquent ces débordements regrettables que nous avons connus ces derniers temps.
Et le fait que l’Etat et la communauté internationale ignorent la souffrance des autres citoyens maliens et des familles touchées par le deuil et mettent en avant les exodes massifs de réfugiés touaregs, arabes et maures au Burkina Faso, au Niger et en Algérie, attise ce sentiment de révolte générale dans le pays.
Pour le Parti SADI, les racines de cette colère populaire sont le résultat du déni de droit et d’humanité pour les autres Maliens qui sont touchés par le problème, la désinvolture et le larbinisme des autorités qui ne sont soucieuses que de satisfaire les attentes de la soi disant « communauté internationale ».
LA RESPONSABILITE DU GOUVERNEMENT
Il a montré ses carences pour enrayer les différentes crises : crises de l’école, de l’emploi, de la famine, de la corruption, de la cherté de la vie, de l’insécurité qui frappe aujourd’hui toutes les villes du Mali. Le gouvernement a aussi étalé son incapacité à organiser les élections crédibles et transparentes, sa volonté étant de privilégier le candidat de son choix. C’est pourquoi au jour d’aujourd’hui aucun fichier électoral n’est présenté à notre peuple à trois mois des élections.
LA RESPONSABILITE DU MNLA
Ce mouvement s’est constitué dans une alliance entre la première rébellion et un groupe de militaires venu de Lybie. L’avenir nous dira la réalité des rapports tissés avec AQMI. Le MNLA a posé la revendication de l’autodétermination ; sans attendre qu’un dialogue soit mis en place il engage des opérations militaires et occupe Ménaka, Anderaboukane, Abeibara, Tinessako, Léré et Aguel Hoc où il commet des atrocités qui ne sont dénoncées ni par l’ONU ni par l’Union Européenne, encore moins la France dont le ministre des Affaires étrangères, dans sa demande de cessez-le-feu, reconnaît au MNLA d’avoir réussi d’importants succès. Ce qui est un soutien direct à l’attaque d’un territoire légalement constitué par un groupe armé.
Cela n’est pas étonnant puisque la France a agi de même contre AQMI en violant notre territoire en duo avec la Mauritanie. La Mauritanie avait d’ailleurs tué une famille de 4 personnes dont un enfant, famille qui voyageait tranquillement dans une 4X4. Ni ATT, ni son gouvernement n’avaient réagi à cette époque contre ces interventions militaires sur notre territoire et l’assassinat de quatre de nos compatriotes. Aujourd’hui encore, aucune réaction n’est faite contre les propos d’Alain Juppé. Un silence est observé quant au schéma qui se profile à l’horizon c’est-à-dire la prise en charge par les Nations Unies et les puissances occidentales de la question du Nord comme au Soudan. Les Maliens doivent percevoir cela clairement et s’y opposer de façon patriotique. Le MNLA a non seulement tué sauvagement, mais il est aussi responsable que le gouvernement du dénuement, de la peur, du désarroi et de l’exode massif des maliens du Nord.
Le Parti SADI, loin de se confiner dans le chauvinisme a toujours eu en perspective les intérêts généraux des travailleurs, des peuples et de ceux qui luttent pour le changement démocratique et le progrès social par delà les frontières.
Concrètement, c’est dans le cadre de la nation, c’est-à-dire d’un pays avec son territoire, sa société organisée, ses institutions communes, que l’action de lutte pour le changement doit se réaliser. Car, comme le veulent les rebelles du MNLA, si on liquide cette base, c’est-à-dire le cadre dans lequel les gens se reconnaissent et s’identifient, on supprime toute possibilité d’organiser et de mobiliser les forces démocratiques. Le MNLA est condamnable et n’a aucun potentiel révolutionnaire tout comme est condamnable l’usage de la force. Il n’est pas un mouvement de changement démocratique et son passage douloureux à Aguel Hoc prouve qu’il ressemble à un groupe terroriste.
Dans cette nation, les Maliens ne sont pas martyrisés seulement dans sa partie nord. Ils le sont, ô combien dans sa partie sud, dans sa partie est et ouest par un gouvernement qui a tourné le dos à leurs intérêts et aux idéaux de mars 1991.
LES PROPOSITIONS DU PARTI SADI POUR UNE SOLUTION DEFINITIVE DE LA CRISE
Au-delà de toute cette situation de tourmente que nous vivons, du peu de crédit du président Amadou Toumani Touré et de son gouvernement, l’unité nationale et la cohésion sociale recommandent une direction claire et responsable au pays. Le président actuel et son gouvernement peuvent-ils en répondre ? Notre réponse est non ! La vague déferlante des femmes de Kati, des populations de Kati et Bamako, de Ségou, Kita, Kayes, Sikasso, Koulikoro a montré à suffisance que le peuple malien n’a plus confiance aux hommes et aux femmes qui le dirigent.
Les Maliens sont inquiets. Ceux qui sont partis précipitamment le sont encore plus. Ceux qui sont dans les camps de refugiés dans les conditions pénibles demandent à être rassurés. Nous devons tout faire pour les protéger et les faire venir dans leurs foyers. Il faut d’autres hommes et d’autres femmes pour prendre en charge la fin de la guerre et instaurer le dialogue.
- Le président de la République et son gouvernement doivent démissionner.
- Le nouveau gouvernement doit être réduit à 15 membres pour mettre fin à la fin à la guerre et mener le dialogue avec le MNLA, assurer la sécurité dans le pays, organiser sérieusement les élections présidentielles et législatives.
- Le référendum, de toute évidence, n’a plus sa raison d’être en considération des évènements qui prévalent. L’allègement du gouvernement et la suppression du référendum vont dégager suffisamment de fonds pour faire face aux problèmes cités plus haut : la crise de l’école, l’insécurité, la famine…
- L’argent des partis politiques, 1 milliard 115 millions de francs CFA peut aider nos compatriotes dans les camps de réfugiés.
Dans la perspective d’un dialogue entre le nouveau gouvernement et la rébellion du MNLA, les dispositions suivantes sont obligatoires :
- Désarmement immédiat et sans condition des rebelles ;
- Retrait des villes et villages occupés par le MNLA pour assurer le retour des populations partis à l’exode et pour leur sérénité ;
- Rejet de tout schéma d’interposition entre notre armée et les rebelles. Les agitations de la France et des Nations Unies sont suffisamment claires d’une telle éventualité.
- Tenue du dialogue sur notre territoire et plus précisément à Mopti, qui de par sa position géographique se trouve au milieu du Pays.
- Audit de tous les projets affectés dans le Nord-Mali ;
- Condamnation ferme des exactions des deux côtés (MNLA et Forces Armées et de sécurité) des populations civiles et militaires désarmées ;
- Soutien total aux Forces Armées et de Sécurité du Mali ;
- Ouverture d’une enquête judiciaire sur tous les cas d’atrocités avérées afin de poursuivre leurs auteurs.
La situation est grave : les dernières nouvelles indiquent une poussée des actes de sabotage des installations stratégiques des villes par le MNLA. Après Kidal et Tessalit, maintenant c’est le tour de Tonka, Léré, Ménaka, Tessit, Tinzawaten.
Il faut sauver le Mali !
Pour le Bureau Politique
CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS
* Cheick Oumar Sissoko est le président du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l'Indépendance (SADI). Ce texte a été prononcé à l’occasion d’une conférence de presse du sur la situation dans le Nord-Mali
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