Djibouti : Élections présidentielles tronquées
L’élection présidentielle organisée à Djibouti le 8 avril est partie pour donner un troisième mandat au président Ismail Omar Guelleh. Devant lui se dressait Mohamed Warsama, candidat indépendant et ancien président de la Cour constitutionnelle, soutenu l’opposition qui avait initialement appelé au boycott. Mais pour la LIDH, ces élections ne sont qu’une mascarade.
La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et son organisation membre à Djibouti, la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), dénoncent les conditions dans lesquelles vont se dérouler l'élection présidentielle du 8 avril 2011, contraires aux dispositions des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l'Homme, et appellent les autorités djiboutiennes à respecter les libertés publiques.
« Le pouvoir djiboutien doit arrêter sa fuite en avant et stopper immédiatement les violations des droits de l'Homme (1) afin de permettre aux djiboutiennes et aux djiboutiens de manifester librement sans craindre d'être arrêtés, détenus et torturés comme c'est le cas actuellement » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
Depuis plusieurs mois, des manifestions populaires sans précédent dans l'histoire de ce pays ont été organisées pour contester les conditions non-transparentes de l'organisation du scrutin présidentiel et les manipulations constitutionnelles d'avril 2010 permettant au président sortant Ismaël Omar Guelleh de briguer un 3ème mandat. Le gouvernement a répondu à cette contestation par l'interdiction de toute manifestation et par des arrestations, des détentions et des poursuites arbitraires de manifestants pacifiques, de défenseurs des droits de l'Homme et de dirigeants de l'opposition (2). Dans ces conditions, les partis d'opposition on décidé de boycotter l'élection présidentielle.
« Il reste au moins 71 prisonniers politiques arbitrairement emprisonnés à Djibouti et un défenseur des droits de l'Homme, Farah Abadid Heldid, membre de la LDDH qui a été arrêté le 5 février et emprisonné le 9 février en même temps que moi » a déclaré Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH.
Depuis, le ministre de l'Intérieur, M. Yacin Elmi Bouh, a systématiquement refusé d'autoriser les rassemblements ou manifestations des partis d'opposition, comme ce fut le cas le 25 février et le 3 mars dernier, en prétextant que seuls les partis présentant un candidat à la présidentielle étaient en droit d'en organiser.
La FIDH et la LDDH rappellent que cette interdiction générale de manifester contrevient à l'article 15 de la Constitution djiboutienne, qui protège le droit à la liberté d'expression ; aux articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et aux articles 8 et 11 de la Charte africaine des droits de l'Homme et des Peuples auxquels Djibouti est partie, qui consacrent le droit à la liberté d'expression et le droit de réunion pacifique.
« Les élections qui vont se dérouler le 8 avril sont une farce électorale. Face aux violations des droits de l'Homme perpétrées chaque jour à Djibouti et particulièrement en cette période électorale, la communauté internationale doit réagir et en premier lieu l'Union africiaine. l'Union européenne, la France et les États-unis, qui sont des partenaires importants de Djibouti, ne peuvent pas avaliser ce déni de démocratie » a déclaré Roger Bouka, secrétaire général de la FIDH.
NOTES
(1) Voir notamment http://www.fidh.org/-Djibouti,63-
(2) Le 18 février 2011, une manifestation de grande ampleur a été réprimée à balles réelles entraînant la mort d'au moins 5 manifestants et une centaine de blessés. Plus d'une centaine de personnes ont été arrêtés dont 3 dirigeants de partis politiques d'opposition. Si ces derniers ont été relâchés, ils ont fait l'objet d'enquêtes judiciaires pour « sédition » sans qu'ils n'aient été finalement inculpés. Les manifestants ont, eux, été inculpés « d'atteintes à l'intégrité physique ou psychique d'individu » et de « participation à une manifestation non autorisée » prévus par les articles 336 et 182 du Code pénal. Le 27 février, environ 80 personnes ont été présentées devant la Cour des flagrants délits, et alors que le juge Souleiman Cheick Moussa avait déjà relaxé 40 accusés sur le fondement de plusieurs nullités, les audiences ont été suspendues et le ministre de la Justice, Mohammed Barkat Abdillahi, a révoqué le juge et l'a remplacé. Les avocats des accusés ont signalé que le nouveau juge s'était empressé de condamner 25 autres accusés à des peines d'emprisonnement.
* Karine Appy et Arthur Manet sont les Contacts presse de la FIDH
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