La 46ème session ordinaire de la CADHP boycottée

Paris, Nairobi, Dakar, Ouagadougou, Genève, le 11 novembre 2009 – Le 21 septembre 2009, lors d'une émission diffusée à la télévision et à la radio nationale, le Président de la République de Gambie, Yahya Jammeh, a menacé de tuer tous ceux qui chercheraient à saboter ou à déstabiliser son gouvernement, notamment les défenseurs des droits de l'Homme et tous ceux qui les soutiennent [1].

Parce qu'il n'est pas acceptable qu'un président de la République menace impunément de porter atteinte à l'intégrité physique des défenseurs des Droits de l'Homme, et parce qu'elles réitèrent leur soutien à la résolution adoptée le 11 octobre 2009 par la Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP) qui a son siège à Banjul (Gambie) sur la détérioration de la situation des droits de l'Homme en République de Gambie[2], nos organisations ne participeront pas aux travaux de la 46ème session ordinaire de la CADHP qui doit se tenir, du 11 au 25 novembre 2009, à Banjul. Cette décision a été prise du fait de l'absence de changement d'attitude des autorités gambiennes sur la question des défenseurs des Droits de l’Homme depuis la déclaration du président Jammeh et l'absence de réaction publique de l'Union africaine (UA) à ces propos ainsi que sur l'éventualité d'un changement de siège de la CADHP.

Nos organisations sont en effet vivement préoccupées par le contexte fortement hostile dans lequel interviennent les défenseurs des Droits de l'Homme et les journalistes en Gambie, où les entraves à la liberté d’expression, les arrestations, détentions arbitraires, assassinats et harcèlements judiciaires à leur encontre sont récurrents. Nous rappelons notamment que l'assassinat, en décembre 2004, de l’un des plus illustres journalistes gambiens, M. Deyda Hydara, n'a toujours pas été élucidé. Ces violations contreviennent ouvertement aux précédentes résolutions de la CADHP sur la situation des droits de l'Homme en Gambie, qui ont appelé les autorités nationales à «respecter les droits des journalistes et autres défenseurs des droits de l'Homme».[3]

Cette hostilité affirmée à l'encontre des défenseurs des Droits de l'Homme est par ailleurs contraire à l'accord de siège conclu entre l'UA et la Gambie. Dès lors, le maintien en Gambie du siège de la CADHP, organe de l'UA chargé de promouvoir les Droits de l'Homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique, remet fortement en cause la crédibilité de cette instance, qui représente un lieu d'expression indispensable pour les défenseurs des Droits de l'Homme.

Nos organisations appellent le président gambien à revenir sur ses propos et déclarer publiquement son soutien au travail des défenseurs des Droits de l'Homme et rappellent que les autorités gambiennes se sont engagées à garantir l'intégrité physique et morale des défenseurs qui participeront à la 46ème session de la CADHP[4].

En outre, nous appelons une nouvelle fois l'UA à condamner fermement les propos tenus par le Président gambien et à considérer le transfert du siège de la CADHP dans un État membre garant du respect des libertés fondamentales, notamment d'expression, d'association, de réunion ou encore d'opinion aux fins de permettre aux défenseurs qui souhaitent participer aux sessions de la CADHP d'exprimer ouvertement et sans craintes leurs préoccupations et recommandations sur la situation des droits de l'Homme dans leurs pays respectifs.

Nos organisations, qui ne participeront pas aux travaux de la 46ème session ordinaire de la CADHP, observeront néanmoins avec attention les conclusions et recommandations qui seront adoptées lors de cette session. La CADHP demeure en effet pour nos organisations une instance fondamentale pour la protection et la promotion des droits de l'Homme sur le continent africain.

NOTES
[1] Cf. Communiqué de la FIDH, La Commission africaine des droits de l'Homme et des peuples ne doit pas rester en Gambie.http://www.fidh.org/La-Commission-africaine-des-droits-de-l-Homme-et communiqué de presse de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme, programme conjoint de la FIDH et de l'OMCT, et de Front Line diffusé le 25 septembre 2009.

[2] Préoccupée par les propos tenus par le président Yahya Jammeh, la CADHP a adopté, le 11 octobre 2009, une résolution appelant l'UA à examiner la possibilité de convoquer sa 46ème session ordinaire dans un autre pays et à envisager le transfert du siège du secrétariat de la Commission, établi à Banjul. Suite aux consultations entre la Commission de l'Union africaine, la CADHP et les autorités gambiennes, et après l'engagement de ces dernières d'assurer la sécurité et de garantir la liberté d'expression de tous les participants, l'organisation de la 46ème session de la CADHP a été maintenue en République de Gambie.

[3] Résolution de la CADHP sur la situation des droits de l'Homme en République de Gambie, Abuja, Nigeria, Novembre 2008.

[4] Cf. Communiqué de presse de la CADHP du 22 octobre 2009,http://www.achpr.org/francais/Press%20Release/press%20release_46_OS.pdf

* Les signataires : Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (RADDHO), Union interafricaine des droits de l'Homme (UIDH), Fédération internationale des Associations des chrétiens contre la torture (FIACAT

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