Quel commerce équitable pour demain ?

Le commerce équitable commence à prendre de l’ampleur, pour témoigner de cet engagement à l’édification d’un monde plus juste, avec des citoyens responsables et solidaires pour un développement humain durable. Mais la question se pose de savoir si le commerce équitable est-il vraiment équitable, avec une véritable répartition de la valeur ajoutée, ou encore s’il s’agit d’un phénomène marginal plutôt que d’une tendance appelée à marquer de marnière profonde l’environnement mondial de la production et de la distribution. Ce livre de la Fondation Charles Léopold Mayer, « Quel commerce équitable pour demain ? », pose le débat et offre dix propositions pour refonder le projet du commerce équitable.

La Fondation Charles Léopold Mayer, au fil des années, s’est efforcée de documenter et de mettre en débat les multiples initiatives visant un nouveau modèle de développement, plus respectueux des hommes et de l’environnement. Des titres comme « Économie, le réveil des citoyens », « Les citoyens peuvent-ils changer l’économie ? », « Une finance solidaire », « Économie solidaire », etc. résument bien ce souci de mettre les citoyens et leur désir d’accorder leurs comportements et leurs valeurs, au cœur de cette recherche. Une vingtaine de livres et de dossiers, traitant ces questions sous un angle ou sous un autre sont d’ailleurs téléchargeables gratuitement sur le site web des Éditions Charles Léopold Mayer (www.eclm.fr), dans la thématique « Alternatives de développement » .

Le commerce équitable est l’une des formes les plus connues de cet engagement de citoyens responsables et solidaires, de consom’acteurs comme on dit parfois. Qui ne connaît le label Max Havelaar, ou l’enseigne des Artisans du monde ? Au contraire de certaines autres formes d’économie solidaires restées confidentielles, le commerce équitable a conquis les rayons de la grande distribution, venant représenter, pour quelques produits phares comme le café ou la banane, une part substantielle du marché.

Mais notre Fondation ne s'est pas bornée à promouvoir l’économie sociale et solidaire, le commerce équitable ou la microfinance. Elle a toujours souhaité s’interroger sur le réel potentiel transformateur de ces pratiques alternatives. Dans le cas présent, cela pose en réalité deux questions : le commerce équitable est-il vraiment équitable, en d’autres termes réorganise-t-il l’ensemble de la répartition de la valeur ajoutée ou agit-il à la marge, au sein d’une filière de production restée inchangée ? Et est-ce un « supplément d'âme » à l’économie actuelle ou cela représente-t-il une véritable alternative ?

Dès 1998, la banque d’expériences DPH (www.d-p-h.info) avait réuni un dossier passionnant sur le sujet. Il posait des questions dérangeantes. Vous pourrez lui aussi le télécharger gratuitement, il réunit des études cas fort instructives. Mais au fur et à mesure que se développaient les échanges entre des réseaux de commerce équitable, souvent en concurrence ou dans l’ignorance mutuelle, nous avons voulu aller plus loin et pour cela prendre la distance nécessaire à l’égard des activités militantes sans pour autant renoncer aux valeurs de responsabilité et de solidarité qui les inspirent. Pour cela un dialogue, confiant mais exigeant, entre des militants du commerce équitable et des universitaires était nécessaire. C’est ce qui a donné naissance à ce livre collectif.

Fidèle à l’esprit de notre maison d’édition, le livre se conclut par dix propositions très concrètes pour refonder le projet du commerce équitable. Ce mot, refonder, ne doit pas faire frémir. Il n’est pas un désaveu implicite des « pères fondateurs ». Mais il en est du commerce équitable comme de toute dynamique qui connaît la réussite ! Elle naît d’initiatives parfois éparses mais convergentes, elle imprègne progressivement les consciences et c’est à ce moment qu’il faut procéder à une refondation, à la construction d’un socle, nourri par les multiples expériences concrètes, à partir duquel le mouvement peut prendre un nouvel élan.

La question du commerce équitable pose à la fois celle des conditions sociales de production, celle de la préservation de l’environnement, celle de la construction et du rôle des labels de qualité qui se multiplient, celle du partage de la valeur ajoutée. Selon moi, le véritable avenir du commerce équitable est de nourrir un mouvement beaucoup plus général appelé à transformer à terme l’ensemble de l’économie : le mouvement qui vise à définir les critères de « filières de production et d’échange durables » sur la base desquelles je pense se reconstruiront les règles du commerce international.

Si le commerce équitable peut apparaître un jour comme le précurseur de cette transformation fondamentale de l’économie, il aura réellement joué son rôle historique. J’espère que la lecture de ce livre fourmillant d’anecdotes, d’une lecture facile et vivante mais aussi d’une grande rigueur intellectuelle vous conduira sur ces pistes.

* Pierre Calame est Directeur de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme

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