Statut de la Femme et partage des responsabilités devant la féminisation du sida

Présidente de la Délégation ivoirienne des Organisations de la Société civile d’Afrique Francophone (OSCAF) à la 53e Session de l’ONU sur le statut de la femme, qui a eu lieu à New York du 2 au 13 mars 2009, Eliane Ekra attire l’attention sur le fait que le travail des femmes est constamment sous-évalué. Se référant à la déclaration rendue publique à la fin des travaux, elle précise également que « l’objectif du partage égal des responsabilités, au niveau de la famille et des soins, en particulier dans le contexte du VIH/sida, ne pourra pas être atteint tant que les gouvernements ne s’engageront pas fermement à accroître et maintenir un financement public prévisible en faveur des services essentiels que sont l’eau, la santé et l’éducation ».

Les statistiques sont alarmantes. Aujourd'hui, 50 % des personnes infectées par le VIH sont des femmes. Rien qu'en Afrique subsaharienne, 58 % des séropositifs sont des femmes. Il y a dix ans, a expliqué Mme Noeleen Heyzer, directrice exécutive du Fonds de développement des Nations unies pour la femme, « les femmes étaient à la périphérie de l'épidémie. Aujourd'hui, elles sont à son épicentre. La situation est particulièrement alarmante pour les jeunes femmes du monde en développement qui, dans la tranche des 15-25 ans, ont un taux d'infection qui est le double de celui des jeunes hommes ». (…) Or, les effets dévastateurs du sida sur les femmes coûtent très cher à la société.

Le Secrétaire général de l'ONU a, quant à lui, affirmé que des changements fondamentaux qui donneraient plus de pouvoir et de confiance aux femmes et aux jeunes filles et transformeraient les relations entre hommes et femmes étaient nécessaires. Selon lui, certaines des stratégies actuelles de prévention, telles que l'incitation à l'abstinence, à la fidélité et à l'usage de préservatifs n'ont aucun sens dans des situations où les abus sexuels et la violence sont monnaie courante. Le mariage n'est pas non plus une méthode garantie de prévention de la propagation du VIH.

Un autre constat dégagé des interventions, montre que, à cause du sida, les femmes pauvres se retrouvent dans une situation économique encore plus précaire : elles sont souvent privées de leurs droits en matière de logement, de propriété ou d'héritage, voire d'accès à des services médicaux adéquats. De plus, nous savons que, dans la vaste majorité des cas, ce sont les femmes qui quittent leur emploi pour s’occuper d’un proche, avec d’importantes conséquences pour leur autonomie économique, ou encore, elles sont forcées d'abandonner leurs études pour soigner un parent malade, s'occuper du ménage ou subvenir aux besoins de leur famille et leurs propres enfants, qui à leur tour, ont moins de chances d'aller à l'école et courent davantage de risques d'être infectés.

D’où l’importance de la question de l’autonomie économique, sociale et politique des femmes. Une autonomie pour laquelle certains gouvernements restent aphones.

La crise économique mondiale risque d’aggraver la situation des femmes, compte tenu des inégalités structurelles du marché du travail. Il est donc important de ne pas seulement parler du droit des femmes au travail, mais bien du droit à un travail « décent » et insister sur la ratification et la mise en œuvre des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’égalité de rémunération, sur la discrimination en matière d’emploi et sur la protection de la maternité. Par ailleurs, le Comité africain a soutenu le plaidoyer des femmes d’Amérique latine en soulignant que les Etats doivent remplir, en dépit de la crise financière, les obligations sociales. Exemple : une éducation publique de qualité, comme outil de mobilité sociale pour briser le cycle de la pauvreté.

Les femmes des pays en guerre avec à leur tête, Ticky Monekosso, journaliste-chercheur, membre fondateur de Femmes-Afrique-Solidarité ont réclamé la révision de la résolution 1325 du Conseil National de Sécurité des Nations Unies qui a trait aux femmes dans les pays en conflits, de même que leur vulnérabilité face au VIH/SIDA. Elles ont souligné la faible nature de cet instrument qui n’oblige pas les gouvernements à rendre des comptes par rapport à leurs actions et le manque de mesures sérieuses à l’encontre du personnel de maintien de la paix « qui transmettent parfois à des femmes et des jeunes filles, le VIH/ SIDA et les abandonnent avec leurs bébés lorsqu’ils regagnent leurs pays ».

Dans tous les cas, plusieurs spécialistes ont désigné six domaines nécessitant des efforts de la part des décideurs pour obtenir réellement des résultats dans cette recherche de partage des responsabilités entre hommes et femmes:
- Fonder des démarches préventives sur les réalités de la vie des femmes.
- Réduire la violence contre les femmes.
- Protéger les droits des femmes à la propriété et à l'éducation.
- Octroyer aux femmes, des soins et traitements de qualité égale à ceux des hommes.
- Mobiliser les responsables publics contre la stigmatisation des victimes du sida.
- Affecter des ressources suffisantes aux activités des organisations féminines.

* Dr Ekra Eliane est Présidente de Business Professional Women (BPW Abidjan –Côte d’Ivoire). Elle a dirigé la délégation ivoirienne à la 53e Session de l’ONU sur le statut de la femme, avec comme thème principal «Le partage des responsabilités entre femmes et hommes, notamment pour les soins dispensés dans le contexte du VIH/SIDA».

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