Burkina : «Allons seulement» aux élections

Roch Marc Christian Kaboré et Zephirin Diabré, les deux favoris, premier et deuxième à la présidentielle burkinabé, ont tous les deux été invités au récent congrès du Parti socialiste français. La France n’a donc guère à s’inquiéter d’une remise en cause de ses intérêts dans la région. Leurs partis ont tous deux ouvert largement leurs portes aux anciens du Cdp.

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BK

Ca y est cette fois, c’est sûr, les élections au Burkina vont se dérouler le 29 novembre. Tout au long de la transition nombre de Burkinabè répétaient inlassablement « Allons seulement » pour signifier que malgré toutes les embûches, le Burkina allait de l’avant et que rien ne pouvait plus arrêter cette marche.

Le pays revient de loin et ces élections véritablement ouvertes ont été obtenues après de rudes combats qui ont fait plusieurs dizaines de morts. Une insurrection victorieuse, fin octobre 2014, après plus d’un an de manifestations massives, et un assaut de l’Assemblée nationale alors que Blaise Compaoré voulait faire voter par le parlement un amendement à la constitution qui lui aurait permis de se présenter.

Alors que Blaise Compaoré était exfiltré par les troupes françaises vers la Côté d’Ivoire, les partis politiques, surpris, semblent groggys et incapables de prendre une décision. C’est une initiative courageuse de la société civile qui va permettre de trouver une issue. Les leaders de la société civile entreprennent de négocier avec l’armée et lui demandent de « prendre ses responsabilités ».

Après diverses péripéties et quinze jours de discussion entre toutes les forces vives du pays, la transition, ses institutions et ses dirigeants sont mis en place. Le Conseil national de la Transition (Cnt), se met lentement au travail. Trois mois plus tard, il vote sa première loi, inaugurant une longue série de réformes progressistes, comme par exemple un nouveau code minier beaucoup plus favorable au pays.

L’insurrection n’avait pas achevé la mise à l’écart des ténors du régime précédent. En particulier, Gilbert Diendéré, le numéro 2 du régime de Blaise Compaoré, qui tenait toute la sécurité du pays, n’était pas inquiété. Mieux il s’est permis plusieurs coups de force contre le Conseil des ministres pour imposer ses hommes et s’opposer à la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle sur lequel il gardait le contrôle.

Cette situation ne pouvait durer. C’est Diendéré lui-même qui va y mettre fin en se lançant dans un coup d’Etat qui échoua au bout de quelques jours, après une farouche résistance populaire des civils, qui se soldat par 17 mors, puis de l’armée toute entière. L’armée neutralisait finalement les putschistes et retrouvait la confiance du peuple.

Les élections, prévues initialement le 11 octobre ont dues être repoussées au 29 novembre. Mais elles devraient se dérouler dans de bien meilleures conditions, le danger d’une déstabilisation au profit de Blaise Compaoré ayant été déjoué.

DES ELECTIONS SOUS SURVEILLANCE

Le paysage de la société civile a aussi subi d’importantes transformations. Jusqu’ici les associations les plus influentes, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme (Mbdh), les syndicats, et la Coalition contre la vie chère, qui regroupe aussi dans son sein des associations comme le Réseau national de lutte contre la corruption étaient surtout dirigées par des intellectuels, souvent liées au Parti communiste révolutionnaire voltaïque, clandestin. Mais l’insurrection a propulsé d’autres mouvements, représentant une nouvelle génération d’activistes s’investissant dans l’espace publique, apportant de nouvelles formes d’engagement, peu investis jusqu’ici, mais très dynamiques dans la préparation de l’insurrection. Ils se sont mieux organisés depuis et comptent bien continuer à peser.

Ces deux familles se sont retrouvées durant la résistance au coup d’Etat et se sont investies côte à côte dans des campagnes pour sensibiliser sur l’importance du vote mais aussi pour surveiller les élections.

La Convention des organisations de la société civile pour l’observation domestique des élections (Codel), par exemple, créé en juillet 2015, regroupe une centaine d’organisations de la société civile. Son président Halidou Ouedrago, figure emblématique des mobilisations après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, a été ancien dirigeant du syndicat des magistrats, ancien président de Mbdh, puis de l’Union Interafricaine des Droits de l'homme. La Codel « se donne pour mission d’œuvrer à l’éducation électorale, au renforcement des capacités des acteurs électoraux, au monitoring de la Transition et du processus électoral ». Près de 6000 observateurs ont été déployés dans tout le pays. Un chiffre à comparer aux 133 et aux 80 observateurs qu’enverront respectivement la Cedeao et l’Union européenne.

Selon les chiffres de la Commission électorale nationale indépendante, plus de 16 000 observateurs électoraux sont déjà accrédités faisant de ces élections sans doute les plus observées d’Afrique… surtout grâce à la société civile burkinabè.

Pour la Codel, il s’agit de suivre le déroulement de la campagne électorale afin d’éviter les dérapages et prévenir les tensions, notamment empêcher les candidats d’utiliser la fibre religieuse ou ethnique. Lors d’une conférence de presse tenue le 14 novembre la Dodel « s’est satisfaite du bon déroulement de la campagne électorale jusqu’ici ». Ce n’est pas toujours l’avis de certains internautes sur facebook qui s’insurgent des attaques peu fairplay des candidats les uns contre les autres. Le jour du scrutin, les 6000 observateurs seront présents dans les bureaux de vote de 5h30 jusqu’à la fin du dépouillement. «Ils feront un comptage parallèle pour donner des tendances avec un échantillonnage statistiquement éprouvé », a précisé Halidou Ouedraogo lors de la conférence de presse. La Codel est financé par Diakonia, une organisation suédoise, et le National Democratic Institute for International Affairs, lié au Parti démocrate américain qui prétend promouvoir la démocratie dans le monde.

De son côté le Balai citoyen, dès les lendemains de l’insurrection, avait lancé une campagne dénommée « après ta révolte ton vote », mettant particulièrement à contribution ses leaders emblématiques Sams’K Le Jah et Smockey. Il fait partie de la Codel, mais a développé en parallèle sa propre campagne « je vote je reste », qui vise à sensibiliser la jeunesse à l’importance du vote mais aussi à la surveillance des dépouillements le jour du vote. Cette campagne est financée par la coopération suisse et une organisation suédoise Diakonia. Des animations avec concert sont actuellement organisées dans différentes régions. On y invite les candidats à venir débattre en public de leurs programmes.

UN NOUVEAU CODE ELECTORAL
Nous ne reviendrons pas sur l’introduction de nouvelles conditions d’éligibilité en avril 2015. Rappelons juste ici que la nouvelle loi exclut de la présidentielle, des législatives et des municipales, « toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à tout autre forme de soulèvement, sont inéligibles ».

Trois candidats ont été exclus du scrutin présidentiel à cause de cette disposition. Djibril Bassolet, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, présenté aussi comme le grand maître de la Grande Loge maçonnique du Burkina et le colonel Yacouba Ouédraogo, ancien ministre des Sports ont tous les deux été arrêtés pour complicité avec le coup d’Etat. Eddie Komboïgo, le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (Cdp), avait préféré prendre les devants en s’enfuyant hors du pays.

D’autres dispositions visent à interdire la publicité politique, la distribution de différents gadgets, l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylos, de porte-clefs, de calendriers, les dons divers, 90 jours avant le scrutin, l’utilisation des biens de l’Etat. Les affiches ne doivent être apposées que dans des lieux délimités par les maires.

Par ailleurs, plusieurs voix se sont élevées contre le fait qu’il n’y ait pas de texte limitant les dépenses durant la campagne électorale. La partie restera très inégale, notamment entre les candidats du Mouvement du peule pour le progrès et de l’Union du peuple pour le changement, soutenus, semble-t-il, par des chefs d’Etat de la région et la plupart des autres candidats.

Un pacte de bonne conduite a été signé en août 2015. Les candidats à l’élection présidentielle, les représentants des partis politiques prenant part au scrutin législatif, les délégués des médias et des organisations de la société civile, se sont engagés à "rejeter la violence sous toutes ses formes avant, pendant et après la campagne électorale". La presse de son côté s’est aussi engagée à réserver un traitement "impartial et équitable" aux différents candidats, et à éviter tout dénigrement.

LES CANDIDATS AUX PRESIDENTIELS

Quatorze candidats sont donc en liste. Ci-dessous, la présentation des principaux outsiders :

- Ablassé Ouédraogo, candidat de Faso Autrement, a fait carrière sous l’ancien régime, comme membre du Cdp et ministre des Affaires étrangères de Blaise Compaoré, mais aussi comme ancien directeur adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (Omc). Il s’est fait remarquer au début de la campagne en affirmant qu’il avait toutes les chances de gagner car il était Moaga (de l’ethnie majoritaire) et musulman. Je me rappelle l’avoir entendu le lendemain de l’insurrection faire l’éloge de la politique extérieur de Blaise Compaoré sur RFI !

- Ram Ouedraogo, entrepreneur culturel se proclame candidat écologiste. Il fut ministre d’Etat dans le gouvernement d’ouverture qui a suivi les puissantes manifestations populaires organisées après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, mais aussi président du Comité de mise en œuvre des recommandations de la commission pour la réconciliation nationale (Cmor-Crn). A ce titre il a tenté d’associer la famille Sankara et d’autres victimes aux journées du pardon, sans succès. Si certaines familles ont pu bénéficier d’indemnités, son implication n’a pas permis que la vérité éclate sur les assassinats du régime de Compaoré, ni même que les corps de plusieurs suppliciés disparus puissent être retrouvés et remis à leur famille.

- Jean-Baptiste Natama (indépendant), ancien officier de l’armée est entré en politique quelques temps avant l’insurrection. Il a tenté de se présenter comme le candidat de la jeunesse. Il a mis en avant sa carrière internationale, en particulier son dernier poste comme directeur de Cabinet de la présidente de la Commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma. Il se présentait comme « sankariste », mettant en avant la décoration reçue par Thomas Sankara pour ses états militaires lors sa participation à la guerre du Mali. Mais il a refusé de participer à la convention des sankaristes censée proclamer l’unité dans leur rang.

- Saran Séré Sérémé (Parti pour le développement et le changement), quitte le Cdp en 2012, alors que ce parti lui refuse une nouvelle investiture eux élections législatives. Elle crée son propre parti le Pdc et rejoint l’opposition. Elle a joué un rôle important pendant l’insurrection, en organisant une importante manifestation de femmes le 27 octobre avec les pilons et spatules utilisés pour préparer le mil. Cette forme de manifestation, dans la culture du pays, est considérée comme une atteinte à la dignité de Blaise Compaoré qui était visé, et signe une malédiction contre lui.

- Françoise Toé a été investie par le Parti pour la démocratie et le progrès, Parti socialiste, longtemps dirigé par Joseph Ki Zerbo. Mais après son décès, ce parti a subi plusieurs scissions dans la période précédente qui ‘l’ont considérablement affaibli.

LES CANDIDATS QUI VONT COMPTER

Les candidats les plus importants sont Benewendé Sankara, Roch Marc Christian Kaboré, Zephirin Diabré, auquel nous rajoutons, Tahirou Barry du Parti de la Renaissance Nationale, qui vient d’être placé en troisième position dans un récent sondage.

- Bénéwendé Sankara créé son parti en 2000, alors que certains leaders dits sankaristes acceptent de participer à un gouvernement d’union nationale après l’assassinat de Norbert Zongo. Il est resté, depuis, à la tête de son parti l’Union pour la Renaissance, parti sankariste, qui a plusieurs fois changé de nom. Avocat de la famille Sankara depuis près de 20 ans, il mène sans relâche avec d’autres avocats une longue bataille judiciaire qui a connu bien des péripéties. Il bénéficie du soutien de Mariam Sankara l’épouse du Président décédé, qui a toute sa confiance. Elle devait se rendre au Burkina à la fin de la campagne, mais a dû annuler le voyage pour des raisons de santé.

Jusqu’à une période récente, les sankaristes étaient considérés, par la jeunesse, comme des « politiciens », et Bénéwendé Sankara comme l’un d’entre eux, du fait de polémiques et scissions permanentes. Mais il a à son actif d’avoir été Le premier chef de fil de l’opposition et d’être à l’initiative, en 2011, de la première manifestation organisée, sur la lancée du printemps arabe, pour demander le départ de Blaise Compaoré. Surtout depuis l’insurrection il a gagné en popularité, notamment parmi la jeunesse, pour avoir appelé à la désobéissance civile, mais aussi pour la part active qu’il a prise avec son parti lors de la résistance au coup d’Etat de septembre.

A l’initiative de Mariam Sankara, une convention des sankaristes a été organisée quelques mois avant les élections, pour créer une nouvelle dynamique unitaire, mais elle a finalement échoué. Par contre, le paysage sankariste s’est simplifié à l’approche des élections. L’Unir Ps est le seul à présenter des candidats aux législatives et à la présidentielle, les autres n’en ayant pas les moyens. Surtout la plupart des leaders des partis se réclamant de Sankara ont apporté leur soutien à Zephirin Diabré ou à Roch Marc Christian Kaboré, qui n’ont rien de sankaristes, comme nous le verrons ci-dessous. Bénéwendé apparait cependant handicapé par l’infériorité de ses moyens aux deux autres candidats ci-dessous.

Roch Marc Christian Kaboré a participé à la révolution comme membre de l’Union des luttes reconstruites puis s’est rangé derrière Blaise Compaoré après l’assassinat de Thomas Sankara. Il a occupé tous les postes les plus importants du régime précédent, Premier ministre, mais aussi vice-président puis président de l’Assemblée nationale, secrétaire exécutif du Cdp, le parti de Blaise Compaoré, avant d’en devenir le président. Il quitte la direction du parti en 2012, après la révolte qui a traversé le pays. Il est une des personnalités qui créent le Mouvement du Peuple pour le progrès, en janvier 2014, moins d’un an avant l’insurrection alors que de puissances manifestations ont déjà été organisées dans tout le pays. Ce parti prend très rapidement de l’ampleur, d’abord en accueillant de nombreux militants du Cdp mais aussi, grâce à son dynamisme et des méthodes de mobilisation empruntées à ce parti, de nombreuses personnes avides de changement. Il attire aussi les jeunes ambitieux, car il est vite apparu comme un potentiel futur gagnant des élections. Le Mpp se réclame de la social-démocratie, il postule pour entrer dans l’Internationale socialiste. Plusieurs partis qui se classaient à gauche lui apportent leur soutien.

De nombreux jeunes se plaisent cependant à rappeler sur facebook ses déclarations au lendemain du congrès du Cdp en 2010 à propos de l’article 37 : «la limitation du mandat, dans son principe est antidémocratique. Il va contre le droit du citoyen à désigner qui il veut. » (source : http://www.lefaso.net/spip.php?article35274) Ce fameux article 37, qui s’il avait été modifié, aurait permis à Blaise Compaoré de se représenter aux élections. C’est l’obstination de Blaise Compaoré à le modifier qui fut justement à l’origine de l’insurrection.

Par ailleurs, un autre dirigeant de ce parti, Salif Diallo, ancien proche parmi les proches de Blaise Compaoré, est aujourd’hui accusé par plusieurs victimes d’avoir participé à des tortures, notamment par Valère Somé, proche compagnon de Thomas Sankara, mais aussi proche ami de Kaboré qui l’a aidé lors de son exil. Le syndicat étudiant accuse aussi Salif Diallo d’avoir favorisé l’arrestation de l’étudiant Dabo Boukary, mort sous les tortures. Enfin rappelons que Salif Diallo était avec Blaise Compaoré le jour de l’assassinat de Thomas Sankara.

Roch March Christian Kaboré apparait comme le favori de ces élections. Il est souvent présenté comme un homme de consensus et de compromis.

Zéphirin Diabré. Après avoir été enseignant pendant 2 ans, il devient directeur de la Société burkinabé de brasseries (Sobbra), filiale du groupe Castel. Il sera aussi secrétaire général de l’Association burkinabè du management et du Club des hommes d’affaires burkinabè, c e qui ne l’empêchera pas de se faire élire député, le 24 mai 1992, sur la liste de l’Organisation pour la démocratie populaire, Parti du travail, alors le parti de Blaise Compaoré, dans sa province natale.

Nommé ministre en 1992, au portefeuille de l’Industrie, du Commerce et des Mines, il est en charge des privatisations, puis ministre en 1994 de l’Economie, des Finances et du Plan. Il quitte le gouvernement en 1996 et devient secrétaire du Conseil économique et social.
Il quitte le CDP en 1998 puis entre au Pnud en 1999 comme administrateur associé (directeur adjoint) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud, une nomination soutenue par Alassane Ouattara, alors directeur général adjoint du Fmi).

En fin 2005, il devient directeur Afrique d’Areva. Il affiche de grandes ambitions pour le développement de cette société en Afrique. C’est dans ce cadre qu’Areva achètera la société Uramin, autour de 2,5 milliards de dollars, alors qu’elle n’en valait que la moitié. Un long article de médiapart à http://bit.ly/1XwrFsu revient sur ce scandale où Zéphirin Diabré est cité plusieurs fois. Areva aurait sciemment surpayé Uramin, en vue de s’acheter les faveurs de Thabo Mbeki, alors président de l’Afrique du Sud, afin d’obtenir dans ce pays de juteux contrats. Mais ce dernier a été chassé de la présidence sud-africaine et Areva se retrouve depuis en grande difficulté financière et peine à s’en relever.

Il quitte Areva et créée son parti en 2009 avec d’importants moyens financiers. Il devient le chef de file de l’opposition en 2012, et dirige l’opposition jusqu’à l’insurrection. On l’a beaucoup vu discuter avec l’ambassadeur de France durant ces jours historiques. Dans la dernière période, il aime à déclarer qu’il va poursuivre l’œuvre de Thomas Sankara et s’habiller dans l’habit traditionnel, le Faso Dan Fani promu à l’époque par ce dernier !

Des bruits persistants affirment, cependant, qu’il a reçu le soutien du Cdp. Il s’est défendu en affirmant qu’aucun accord n’avait été signé avec ce parti, mais dans une interview à Jeune Afrique, il a déclaré ne refuser le soutien de personnes. Le Cdp, qui n’a pas de candidat aux présidentielles, devrait choisir le candidat qu’il soutient cette fin de semaine.

Tahirou Barry est le candidat du Parti de la renaissance nationale (Paren). Longtemps dirigé par Laurent Bado, un intellectuel qui tranchait par des positions souvent originales, chantre de la renaissance africaine, ce parti bénéficiait d’un certain écho parmi les étudiants. Il avait cependant publiquement reconnu avoir touché de l’argent de Blaise Comparé, affirmant pour se défendre que la plupart des hommes politiques de l’opposition avaient fait de même.

A moins de 40 ans, Tahirou Barry a pour lui d’être l’un des seuls candidats à représenter une nouvelle génération d’homme politique. Il est en plus soutenu par le musicien Zêdesse assez connu au Burkina. Il fut successivement journaliste, enseignant, directeur des ressources humaines de l’université de Ouagadougou, et occupe actuellement le poste de directeur des ressources humaines de la société minière Bissa Gold.

La Paren ne manque pas d’originalité dans ses propositions, mais se fait remarquer durant la campagne par son homophobie affirmée. Il s’est attaqué au président du Conseil national de la Transition, Cheriff Sy, qu’il accuse d’avoir fait échouer un projet de loi présenté par son parti demandant « l’interdiction et la répression de l’animalité, de l’homosexualité, de la pédophilie et du mariage de personnes de même sexe ». Ce genre de proposition rencontre un certain succès au Burkina, qui pourrait d’ailleurs expliquer que ce candidat se retrouve dans les 4 premiers dans les sondages.

LES ENJEUX DU SCRUTIN

Aucun candidat ne s’est prononcé, à ma connaissance, pour un retrait des troupes françaises. Quelques attaques de djihadistes ont déjà eu lieu. On soupçonne qu’elles y participent. Pourtant une nouvelle base est installée au Burkina, celle du Commandement des opérations spéciales comptant près de 200 hommes, censés intervenir au Sahel. Mais en moins d’un an, ces troupes sont intervenus par deux fois dans les affaires internes, une fois pour exfiltrer Blaise Compaoré et le soustraire ainsi à la justice de son pays, une deuxième fois en exfiltrant Kafando, lors du coup d’Etat, pour l’amener dans la résidence de France aux côté de l’ambassadeur.

Zephirin Diabré et Roch Marc Christian Kaboré, les deux favoris, ont tous les deux été invités au récent congrès du Parti socialiste. La France n’a donc guère à s’inquiéter d’une remise en cause de ses intérêts dans la région. Leurs partis ont tous deux ouvert largement leurs portes aux anciens du Cdp. Laisseront-ils la justice faire toute la lumière sur les dérives du régime de Blaise Compaoré ?

Reste que l’attente est importante, et les promesses nombreuses. Ils affirment être en mesure d’obtenir des financements extérieurs. Mais à quel prix ? La Transition avait montré sa capacité à résister aux pressions extérieures, en sera-t-elle de même pour ces deux candidats proches des réseaux françafricains. On ne peut pas dire que ces deux candidats représentent vraiment les aspirations des insurgés. Pour autant, Smockey, un des leaders du Balai citoyen, rencontré récemment à Paris reste optimiste. Pour lui, la population, surtout la jeunesse est éveillée et mobilisée et gare à ceux qui ne répondront pas aux aspirations de changement.

Par ailleurs la gestion des rapports avec la Côte d’Ivoire voisine sera au centre des premières difficultés du nouveau régime. Un enregistrement, toujours en voie d’authentification, d’une conversation entre Guillaume Soro et Djibril Bassolé circulent dans le pays. Le rapport de la commission d’enquête reste discret sur l’implication extérieure coup d’Etat, et ne cite par exemple pas de nom, mais conclut à l’implication de pays voisins. Blaise Compaoré mais aussi plusieurs anciens putschistes se sont réfugiés en Côte d’Ivoire.

On pourra s’étonner du résultat de ces deux candidats. Pour autant, le débat politique de fond sur les modèles de société a été à peine effleuré. Or la longue période de Blaise Compaoré au pouvoir, a empêché un vrai débat politique, surtout les années qui ont précédé l’insurrection. Tout tournait uniquement autour de la nécessité de l’alternance. Les années qui viennent vont donc être des années de transition. On ne peut que souhaiter que le modèle de société à mettre en place soit mis en débat. La télévision est devenue pluraliste et l’on espère que l’Assemble nationale sera véritablement pluraliste.

On assistera probablement à des tentatives de ne pas appliquer les nombreuses réformes progressistes votées durant la transition. Pour autant les voix des personnalités comme Cheriff Sy, qui présidait la Cnt et d’Issac Zida, qui ne pouvaient se présenter vont compter.

Le pays est désormais sur de bons rails, depuis la Transition, dont le bilan est très largement positif. Le pays a retrouvé une certaine sérénité, le peuple sa dignité et depuis l’échec du coup d’Etat, l’armée s’est réconciliée avec le peuple de ce pays. Des tentatives de déstabilisation ne vont cependant pas manquer et la stabilité reste encore fragile. Les nouveaux élus ne sont pas avoir la vie facile. C’est le signe aussi d’une grande avancée démocratique.

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