Mali : le Protocole de Maputo cinq ans après son adoption
Le Protocole de Maputo a été adopté le 11 Juillet 2003 par la Conférence des chefs d’Etats et de gouvernement de l’U.A. réunie à Maputo au Mozambique. Par l’adoption du Protocole, ils ont reconnu, que malgré la ratification par nombre d’entre eux des instruments juridiques relatifs aux droits des femmes, leur mise en œuvre continue de poser problème et les discriminations contenues dans les différents textes et dans les faits ainsi que les pratiques néfastes à l’égard des femmes persistent encore en Afrique.
Le Protocole de Maputo est venu combler une insuffisance dans la promotion et la protection des droits des femmes africaines. Ce texte est le fruit d’une collaboration soutenue entre la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et les Organisations de la société civile africaine.
Le processus de ratification du Protocole a fait l’objet d’un véritable plaidoyer des sociétés civiles africaines et a été, dans beaucoup de pays, un processus long et laborieux. Aujourd’hui, grâce aux différents plaidoyers et à la détermination des femmes africaines, plus de la moitié des Etats Africains l’ont ratifié (29 ratification dont le Mali)
Au nombre de ces sociétés civiles africaines, l’Association des juristes maliennes (Ajm) a joué un rôle majeur au Mali tant en ce qui concerne la ratification, la diffusion et la mise en œuvre du Protocole de Maputo. Composée de femmes magistrats, d’avocates, de notaires, d’huissiers de justice, de juristes d’entreprises et de commissaires priseurs, elle œuvre pour la défense et la promotion des droits de la femme et de l’Enfant. (…) Au nombre des activités qu’elle a menées par dans le cadre de la diffusion au Protocole, il y a lieu de noter, entre autres :
- La formation des membres de l’Ajm pour une mise à niveau des membres de l’association,
- Les séminaires de formation à l’endroit des professionnels du droit (magistrats, avocats, notaires, huissiers, officiers de police judicaire, greffiers, etc.)
- Les séances de formation et d’information à l’endroit des acteurs de la société civile (association de femmes, communicateurs traditionnels, religieux, organes de communications (presse écrite et parlée).
- Des causeries-débats ont été organisées dans les six communes urbaines de Bamako à l’attention des populations en général et des femmes en particulier.
- Des causeries débats avec des séances de démonstration ont été organisées dans les communes rurales de Kambila, de Téné, de Ouezzinbougou, du Mandé.
- Un séminaire de formation a été organisé dans la commune rurale du Mandé à l’intention des élus (es) municipaux et des femmes leaders de la localité.
Toutes ces activités ont été menées grâce à l’appui de la Soawr à l’endroit de l’Ajm.
L’Ajm est en négociation avec le ministère en charge de la Promotion de la femme, de l’enfant et de la famille en vue de la signature d’un partenariat pour la promotion, la diffusion et la vulgarisation du Protocole de Maputo à travers le Mal. Mais malgré toutes ces actions, il faut reconnaitre que des défis majeurs sont à relever.
LES DEFIS
Au nombre de ces défis, il faut noter:
- Le non-adéquation de certains textes juridiques internes avec le Protocole.
- Le Protocole est en conflit avec le droit religieux musulman, le droit coutumier relativement aux règles qui régissent les questions de droits humains des femmes : mariage, divorce, répudiation, succession, accès à la terre, mutilations génitales féminines et autres pratiques néfastes.
- L’analphabétisme et la pauvreté des femmes constituent un handicap majeur à leur accès au service public de la justice.
- L’insuffisance des ressources financières limite l’impact des campagnes de sensibilisation des O.N.G féminines qui travaillent au niveau local et national.
- La faiblesse de la capacité des femmes à influencer les décideurs et à négocier leurs propres intérêts.
- Les Avocats n’invoquent pas ou peu les dispositions du Protocole de Maputo devant les tribunaux au niveau national du fait de l’insuffisance de la formation et de la sensibilisation des praticiens du droit sur les textes relatifs aux droits des femmes.
- La non intégration du Protocole de Maputo dans le droit interne des Etats.
CONCLUSION
Les cinq prochaines années seront décisives dans la promotion et la protection des droits des femmes à travers le Protocole en Afrique en général et au Mali en particulier. Le Protocole de Maputo constitue un instrument juridique précieux pouvant rendre à la femme africaine l’effectivité de tous ses droits.
Au Mali, le projet du Code des personnes et de la famille qui avait été voté par l’Assemblée Nationale et renvoyé par le président de la République devant cette même institution pour une seconde lecture pourrait constituer pour les femmes maliennes une source d’espoir. Il faut noter que le projet initial était en phase avec l’esprit du Protocole de Maputo.
Il est à espérer que le combat des femmes triomphera de toutes les forces conservatrices traditionnelles ou religieuses.
Le combat des femmes doit être au cœur de toutes les actions, de toutes les politiques de nos Etats. Il y va de leur avenir voire de l’avenir de l’humanité.
* Me Saran Keita Diakité est vice-présidente de l’Association des juristes maliennes
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