Un «autre monde» cherche à consolider ses repères à Dakar
Bousculer les repères établis pour construire un autre monde, créer des synergies et fédérer les énergies pour des solidarités agissantes en vue d’un développement adossé à la justice sociale. Le Forum social mondial 2011 s’est tenu à Dakar, du 6 au 11 février, pour perpétuer une mobilisation qui en est à sa onzième édition. Pour le président Evo Moralès qui a participé à la marche d’ouverture, cette dynamique reste porteuse de changement importants, car «les luttes de conquête ne peuvent partir que des mouvements sociaux».
Sur un parcours d’environ 3 km la marche inaugurale de la 11e édition du Forum Social Mondial a mobilisé quelque 70 000 personnes dans les rues de Dakar, le 6 févier. Avec un hôte de marque en la personne du président bolivien Evo Morales. Une présence qui n’est pas symbolique, mais militante, pour saluer la vigueur de ce mouvement dans lequel son engagement a balisé le chermin qui l’a mené vers les sommets du pouvoir.
Solidaire de ce mouvement dont il perpétue l’idéal dans la quête d’une justice sociale plus affirmée en Bolivie, Morales s’est trouvé en phase avec cette mobilisation dans laquelle transparaît « un message contre l’impérialisme nord américain’’. Quant à sa présence à un événement où toute ingérence politique est bannie, le président bolivien souligne qu’il n’y a aucun paradoxe dans sa démarche. ‘’Je fais partie de ceux qui ont été formés et éduqués dans les mouvements sociaux. Je ne suis pas là en tant que chef d’Etat, mais en tant que leader syndical’’, clame-t-il.
L’expérience des luttes fécondes menées en Amérique latine reste un ferment pour peuples qui se mobilisent et combattent à travers le monde pour plus de justice sociale. ‘’En Afrique vous avez connu la domination, nous l’avons également vécue en Amérique Latine. C’est à travers le combat de résistants qui ont parfois donné leur vie que nous avons recouvré la liberté’’. Un combat qui, pour être porteurs de réalités nouvelles, doit, selon le président bolivien, aller au bout de l’action politique. «Il est certes utile de lutter contre l’injustice, mais il faudrait également penser à la prise du pouvoir. C’est cela qui doit nous intéresser afin de pouvoir passer de la lutte sociale à la lutte électorale et pouvoir changer les choses’’, indique Morales.
Devant un public coloré, exalté et en phase avec son discours, le président bolivien ajoute : ‘’Cette lutte de conquête ne peut partir que des mouvements sociaux. C’est ce qui nous a motivés, dès notre arrivée au pouvoir, en 2006, à lutter pour changer les choses. Il nous fallait nous mobiliser dans les mouvements sociaux, avec pour finalité de conquérir le pouvoir à travers ceux qui n’avaient de moyens de s’exprimer qu’à travers leur vote’’. Cette lutte de conquête de souveraineté et prise en main de leur destin, par les peuples, Morales la trouve nécessaire pour une meilleure gestion publique des services sociaux de base comme l’eau, l’électricité, le téléphone, la santé, entre autres. Des secteurs sur lesquels les multinationales bâtissent leurs richesses, dans un environnement où la recherche du profit se fonde sur la négations des droits des populations à des services sociaux de base abordables et de qualité. C’est ainsi que la pauvreté devient une réalité désormais structurelle.
L’impératif de combattre ces réalités se lisaient sur les pancartes et les banderoles, était chanté ou déclamé par les dizaines de milliers de personnes qui ont participé à la marche d’ouverture du FSM. Pour les uns, ce forum «est un moment de faire dialoguer les systèmes formels et non formels». D’autres sont là pour dire qu’«il y a des jeunes et des adultes déscolarisés ou qui n’ont jamais été scolarisés et qui méritent aujourd’hui de bénéficier d’une offre éducative de qualité».
A Pambazuka, Pr. Iba Der Thiam, premier vice-président de l’Assemblée nationale du Sénégal confie : «Ce forum constitue une satisfaction, une fierté et un espoir non seulement pour le Sénégal mais aussi et surtout pour le monde en général, et une volonté de corriger les inégalités et les maux dont souffre l'humanité.» Pour Penda Mbow (universitaire et historienne),«c'est une fierté que Dakar abrite ce forum ; cela démontre encore qu'il reste beaucoup à faire. Pour les jeunes surtout, cette expérience ne doit pas rester vaine, l'alternative doit être assurée pour sauvegarder la stabilité dans le monde.». Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti Anti-Capitaliste (NPA) et ancien candidat à l’élection présidentielle française de 2007 souligne que « c'est l'occasion pour ce beau monde de faire des alliances pour la bonne cause. (Pour cela), il faut suivre les exemples de la Tunisie et de l'Égypte.»
Le virus de la revendication sociale se répand dans le bas peuple. Dire qu’ « un autre monde est possible » n’est pas un simple slogan. C’est la remise en cause d’un système capitaliste dans sa philosophie, ses instruments et ses tenants. Dans la convergence des altermondialistes vers Dakar, pour porter ce combat, il en est qui sont venus du Togo. Membres du Forum social togolais, installés à bord d’une camionnette que d’autres suivent à pied, leurs slogans sonnent au vent : « Agbody (dehors) la Banque mondiale, Agbody ; Agbody le FMI, Agbody».
Près d’eux, un groupe d’une dizaine de militants défenseurs de « la Charte mondiale des migrants » entonne des chants décrivant leurs conditions de vie au Maroc. « Nous nous battons pour l’intégrité territoriale, la suppression des frontières, le renforcement de la solidarité entre les peuples et nous dénonçons surtout la politique discriminatoire pratiquée sur le continent africain et par les africains contre les africains. Comment peut-on demander des visas aux jeunes Guinéens, Sénégalais et autres », martèle Oumar Diao devant sa troupe.
La charte en question donne une opportunité aux migrants de montrer au monde les injustices dont ils sont victimes en Afrique et dans l’Hexagone. Plus de 30 nationalités s’y retrouvent. Ibrahima Ndiaye, la quarantaine révolue, est un exilé mauritanien au Sénégal depuis 21 ans. «Nous refusons d’être tout simplement des réfugiés au Sénégal et dans notre propre pays. En Mauritanie nos droits d’insertion ne sont pas respectés, il y a même nos frères rapatriés qui rebroussent chemin», soutient-il. Sur la pancarte qu’il tient, on peut lire : « Non à l’arrêt des opérations de rapatriement ».
Co-président du Mouvement de la paix, Pierre Villard s’enthousiasme devant cette mobilisation qui a lancé le FSM 2011. « Les forums sociaux ont un impact positif sur la vie des peuples même si ce n’est pas palpable. Nous avons les exemples de la Tunisie, de l’Algérie et maintenant de l’Egypte. Tous ces exemples confirment le pouvoir qu’a le peuple, mais que certains ignorent », clame-t-il. Pendant les cinq jours du forum, son organisation a professé pour la lutte contre les guerres et la promotion de la paix. En soulignant que budget militaire de l’année 2008 s’élevait à 850 milliards de dollars et celui de 2009 à 1531 milliards, soit une augmentation de 80%.
* Mouture de différents articles réalisés par les étudiants du CESTI et de l'ISEG
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