Mourir dans la boue ou mourir debout ?
La catastrophe climatique au Sahara occidental a des conséquences politiques. Quand le peu restant est perdu, que reste-t-il aux réfugiés, à un peuple plongé dans la boue, que l’urgence d’une solution qui est la récupération de leur terre légitime, le Sahara Occidental ? Vaut-il mieux être noyé ici ou là-bas ? Être blessé par la chute d’un mur ou par une balle ennemie ?
Du 16 au 27 octobre, il a plu au Sahara occidental territoire libéré et dans les campements de réfugiés sahraouis (sud ouest algérien, à proximité de Tindouf). Une alternance de jours et nuits de pluies torrentielles et d’accalmie, sur une très vaste étendue couvrant une partie du Sahara occidental libéré et les campements de réfugiés.
Les dégâts dans les campements de réfugiés sont importants, notamment dans la willaya de Dakhla. La grosse quantité d’eau tombée en peu de temps a glissé sur les salines, et constitué des lacs et rivières. Les maisons des réfugiés, les bâtiments des institutions, construites majoritairement en sable et situées à proximité ou dans les écoulements de l’eau, sont tombées. Dans les prochaines semaines, d’autres bâtis vont s’écrouler parce que l’eau a dissout les sédiments et qu’en séchant les murs vont redevenir sable fin.
La gestion de l’urgence s’est mise en place, de l’aide humanitaire est arrivée de différents pays, les Ong sur place ont exprimé leurs besoins supplémentaires auprès de leurs bailleurs habituels. Les équipes de traitement de l’eau ont tenu compte de la situation et la chloration a été augmentée. Il n’y a rien à faire d’autre que constater la prolifération excessive des mouches et moustiques.
En territoire libéré, toutes les constructions individuelles sont en sable donc fragiles, et sont tombées. La route menant des campements vers le territoire libéré a été coupée pendant une semaine, les problèmes de logistique ont augmenté la précarité des familles.
Les chiffres qui circulent entre les Ong et le Croissant rouge sahraoui font état d’au moins 7 000 familles ayant perdu leur maison, ce qui fait plus de 40 000 personnes…
La particularité des pluies de cette année, comparée aux épisodes de 1969, 1987, 1994 ou 2006, c’est que toutes les willayas ont été touchées. Il n’y a pas eu de possibilité d’entraide inter willaya puisque tout le monde avait à faire chez soi. Il est probable que les dernières pluies de cette ampleur et durée remontent à 50 ou 60 ans dans la région.
Mais finalement le problème est-il la pluie ou la gestion d’un épisode extrême et long ? Les infrastructures construites dans les campements de réfugiés ne sont pas destinées à résister à la pluie, au vent, à la canicule ou au gel… à des phénomènes climatiques majeurs durant plus de 2 jours.
Avec l’extension du temps du refuge, 40 ans cette année, tout a été développé sans planification ni cohésion, créant aujourd’hui une catastrophe dans la catastrophe. Dans les campements de réfugiés il n’y a pas de rues, pas de système d’égout, pas d’aménagement du territoire. Puisque la situation est celle d’un refuge, temporaire, cela n’a pas été jugé utile.
Quand arrive la catastrophe climatique comme actuellement, il reste le constat impuissant de l’absence de plan de gestion de l’urgence, pour la protection civile, l’organisation de la distribution alimentaire ou sanitaire, la communication… Les récentes constructions de route ont permis qu’aucune des willayas ne soit isolée. Mais ce réseau routier ne constituait pas une stratégie sinon une opportunité.
L’après catastrophe confronte, elle, à une problématique globale. Que va-t-il falloir ajouter aux infrastructures pour résister à des situations similaires ? Des constructions en dur, des lieux de mise en sécurité individuels et collectifs ? De telles constructions dans un plan d’aménagement du territoire, la formation de la population à la protection civile, à la communication d’urgence en situation déjà précaire, additionnées au coût de l’exil depuis 40 ans, cela finit par être incroyablement plus élevé que le coût de la solution de l’indépendance du peuple.
La question en suspens et qui est nouvelle aussi, c’est celle de la responsabilité dans la catastrophe actuelle et de qui va payer pour la mise en sécurité du peuple. Le Polisario ne peut pas, l’Onu ne veut pas. Les Ong et la société civile mondiale n’interviendront pas dans les jours qui viennent, d’abord à la recherche de fonds, ou ne pourront ou ne voudront pas.
Il faudrait de toute façon penser le modèle qui va être reconstruit après la pluie. Le plus pertinent serait de construire des infrastructures durables et permanentes, considérant que le peuple sahraoui n’y est que de passage, et qu’il laissera la place à d’autres. Le propriétaire de la terre peut faire ce choix.
Et pourtant, ce qui va surement se passer c’est quelque chose à coût zéro, rien ne se fera, hors le palliatif consommable immédiat. Cela produit une situation de plus en plus fragilisée, qui coute chaque fois potentiellement plus cher.
Le premier responsable spontanément désigné par le peuple est le gouvernement sahraoui, le front de libération, qui n’a que les moyens de la main d’œuvre et démontre ainsi ses limites et incapacité à réagir dans une telle situation. Il en sort affaibli, de même que le choix maintenu de la recherche pacifique au problème de la décolonisation du Sahara Occidental.
La catastrophe climatique a des conséquences politiques. Quand le peu restant est perdu, que reste-t-il aux réfugiés, à un peuple plongé dans la boue, que l’urgence d’une solution qui est la récupération de leur terre légitime, le Sahara Occidental ? Vaut-il mieux être noyé ici ou là-bas ? Être blessé par la chute d’un mur ou par une balle ennemie ?
Mourir dans la boue ou mourir debout ?
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