Le mouvement paysan exige une convention internationale pour ses droits.
Le mouvement international paysan s’est retrouvé à Djakarta (Indonésie) du 20 au 24 juin 2008. à l’occasion de la Conférence internationale sur les Droits Paysans. Venus de 26 pays à travers le monde, ses membres ont posé le diagnostic d’un monde où la crise alimentaire s’est exacerbée pour rendre pires encore les violations massives et systématiques des droits des paysans. Profitant de l’opportunité offerte par le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, petits paysans et paysannes du mouvement international la Via Campesina ont proposé l’instauration d'une Convention des Nations Unies sur les Droits Paysans. Il s’agira de poser, à travers ce texte, la pierre angulaire d’un mode de vie durable pour l’ensemble des habitants de la planète. La conférence de Djakarta s’est terminée par cette déclaration finale que vous propose Pambazuka News.
Déclaration finale de la Conférence internationale sur les Droits Paysans
Nous, délégués représentant les petits paysans et paysannes du mouvement international La Via Campesina, venus de vingt-six pays, nous sommes réunis à Djakarta, en Indonésie, du 20 au 24 juin 2008, à l’occasion de la Conférence internationale sur les Droits Paysans. Après sept années de discussion soutenue tant sur le contenu que sur les stratégies, c’est avec sérénité et confiance que nous augurons la réalisation prochaine d’une Convention des Nations Unies sur les Droits Paysans. Cette Convention sera la pierre angulaire d’un mode de vie durable pour l’ensemble des habitants de la planète.
Nous, paysans et paysannes, sans-terre, travailleurs agricoles, agriculteurs de petite et moyenne échelle, peuples indigènes et jeunes ruraux, représentons près de la moitié de la population mondiale et sommes la colonne vertébrale des systèmes alimentaires. La crise alimentaire a mis en évidence les violations massives et systématiques des droits des paysans.
Nous sommes expulsés violemment, et de plus en plus fréquemment, de nos terres et dépossédés de nos moyens d’existence. Les « méga » projets de développement tels les grandes plantations destinées à la production d’agro-carburants, les grands barrages, les infrastructures, le développement industriel, celui de l’industrie extractive et du tourisme ont déplacé de force nos communautés et détruit nos vies. Plusieurs conflits armés et guerres se déroulent au cœur des zones rurales. La saisie des terres et la destruction des récoltes sont souvent utilisées comme une arme à l’encontre de la population civile rurale.
Nous n’arrivons plus à avoir un revenu qui nous permette de vivre dignement. Politiques nationales et conditions imposées dans le cadre international nous mènent à l’extinction. Sont particulièrement notables parmi ces politiques : les processus de privatisation des terres, qui ont conduit à une re-concentration de la propriété foncière ; le démantèlement des services publics en milieu rural et de ceux venant soutenir la production et la commercialisation par des petits et moyens producteurs ; l’incitation des productions destinées à l’agro-exportation exigeantes en capitaux et en intrants ; la poursuite de la libéralisation du commerce agricole et de politiques de sécurité alimentaire basées sur le commerce international.
Dans nombre de pays, la dépossession de nos semences s’accélère, notre savoir agricole disparaît et nous sommes forcés d’acheter des semences aux sociétés transnationales pour qu’elles augmentent leurs profits. Ces entreprises créent des OGM et des semences destinées aux monocultures, conduisant à la perte de nombreuses espèces et à la diminution de la biodiversité en général.
Par ailleurs, nous, paysannes, souffrons d’une double marginalisation : en tant que productrices et en tant que femmes. La responsabilité de s’occuper de la famille nous incombe ; le manque et la précarité des services de soins et d’éducation pour les enfants nous conduisent à travailler de longues heures pour de faibles salaires. Les femmes qui travaillent comme manœuvres dans les champs sont forcées d’utiliser des engrais chimiques et sont par conséquent exposées à un risque élevé pour leur santé.
Qui plus est, nous expérimentons quotidiennement de violentes formes d’oppression. Des centaines de leaders paysans sont arbitrairement arrêtés, détenus, terrorisés, torturés, tués et criminalisés parce qu’ils luttent pour leurs droits. Nous, paysannes, subissons également la violence de nos maris, compagnons ou employeurs. Cette violence peut être tant physique que psychologique et menace parfois nos vies.
Nous sommes les héritiers d’une longue histoire de luttes paysannes pour la défense de nos droits. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les principaux traités relatifs aux droits humains sont des instruments majeurs de nos luttes contemporaines. Néanmoins, nous ressentons, à l’image d’autres groupes oppressés comme les peuples indigènes et les femmes, que le temps est venu d’expliciter clairement quels sont nos droits tant individuels que collectifs. Le temps de la souveraineté alimentaires est arrivé.
Il y a des manquements majeurs dans l’interprétation et la mise en œuvre des principaux traités relatifs aux droits humains lorsqu’ils sont appliqués aux paysans. De plus, nous faisons face à des exemples spécifiques de violations de nos droits, par les crimes commis par les sociétés transnationales et pour les accords de libre-échange. Afin de répondre à ces types de violation, nous avons besoin de dispositions et de mécanismes spécifiques nous permettant de protéger effectivement nos droits.
Une future Convention sur les Droits Paysans comportera les valeurs spécifiques aux droits paysans – et devrait particulièrement renforcer les droits des paysannes – qui devront être respectés, protégés et réalisés par les gouvernements et les institutions internationales.
A cet effet, nous nous sommes impliqués pour développer une stratégie à plusieurs échelles, travaillant simultanément aux niveaux national, régional et international, afin d’accentuer la prise de conscience, de mobiliser les soutiens et de créer des alliances non seulement avec les paysans mais aussi avec les travailleurs ruraux, les travailleurs migrants, les pasteurs, les peuples indigènes, les pêcheurs, les environnementalistes, les femmes, les experts juridiques, les experts en matière de droits humains, les jeunes, les organisations religieuses, urbaines et de consommateurs…
Nous chercherons également l’appui de gouvernements, de parlements, d’institutions de défense des droits humains pour développer cette Convention sur les Droits Paysans. Nous appelons la FAO et le FIDA à conserver leurs mandats en contribuant à la protection des droits paysans. Nous demandons au département des affaires juridiques de la FAO de recenser tous les instruments de la FAO utiles à la protection des droits paysans, comme premier pas allant en ce sens. Nous porterons notre Déclaration sur les Droits Paysans auprès du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
A la lumière des menaces que font peser les attaques actuelles du modèle néo-libéral et capitaliste sur les paysans et les systèmes alimentaires locaux, nous appelons tous les peuples à se rassembler pour l’avenir de l’humanité.
Nous appelons tous nos membres et nos alliés à rejoindre notre Convention sur les Droits Paysans, le 10 décembre prochain, à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Globalisons la lutte, globalisons l’espoir !
* Via Campesina est un mouvement international de paysans, de petits et moyens producteurs, de sans terre, de femmes et de jeunes du milieu rural, de peuples indigènes et de travailleurs agricoles. Ses membres viennent de 56 pays d'Asie, d'Afrique, d'Europe et des Amériques.
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