Le Maroc joue avec le feu du terrorisme
Des actes graves se passent dans les prisons marocaines : les services secrets du Royaume chérifien sont accusés de tortures contre des détenus politiques sahraouis pour les retourner et les amener à collaborer dans des actions terroristes simulées. Ils les revendiqueraient alors au nom de la RASD, histoire de lier le mouvement au terrorisme islamiste et le discréditer.
Peut-on jamais croire que les services secrets marocains sont impliqués dans la planification ou même l’exécution d’actes terroristes? En tout cas, des indications et le témoignage d’un jeune Sahraoui confirment cela. Les services secrets marocains ont au moins essayé de contraindre ce jeune prisonnier politique, du nom de Mohamed Daihani, à travailler sous leurs ordres et à accomplir “au nom d’Al-Qaïda et du Polisario” des actes terroristes à El-Ayoun, la capitale occupée du Sahara occidental, avec pour buts : l’association du Polisario au terrorisme et le dénigrement de la lutte pacifique de la résistance sahraouie.
Cette histoire n’aurait jamais pu être révélée au public si le jeune Daihani, enlevé le 28 avril 2010, avait cédé au chantage et aux pressions, dans la fameuse prison secrète de Témara (au sud de Rabat), où il a passé 6 mois de détention secrète. Dans cette prison, il a subi des tortures pendant plus de 10 jours. Et, après 6 mois de vaines tentatives visant à forcer la main au jeune Daihani, les autorités marocaines ont fini par le transférer, le 29 octobre 2010, à la prison de Salé, pour être présenté un an plus tard (le 27 octobre 2011), devant un tribunal marocain qui a prononcé un emprisonnement ferme de 10 ans. Mohamed Daihani était accusé d’avoir préparé des opérations terroristes dignes d’un mauvais film d’espionnage. Le 30 avril dernier, le tribunal marocain de 2e instance, à Rabat, a confirmé la sentence, malgré toutes les anomalies enregistrées par les avocats de la défense et les déclarations de la victime.
La famille Daihani, soutenue par l’Association marocaine des droits de l’homme, avait organisé une conférence de presse, le 8 mai dernier, animée par la présidente de l’ONG marocaine, Mme Khadija Riyadi, et le président de l’Association sahraouie des victimes des graves violations commises par l’État marocain, Brahim Dahan. Elle a fait part du témoignage de Mohamed, qui leur a raconté en détail comment il a été torturé, comment des agents marocains lui ont ensuite proposé d’arrêter de le torturer s’il collaborait, ce qu’il a accepté dans un premier temps, sous la torture, avant de découvrir ce qu’ils attendaient de lui : se déclarer responsable d’opérations terroristes que les services “allaient faire échouer” ou même commettre pour faire vrai.
De plus, les agents voulaient qu’il déclare à la presse “après son arrestation” qu’il avait des plans et des ordres venant du Front Polisario, pour poser une bombe à la prison d’El-Ayoun et libérer des prisonniers politiques, assassiner des Sahraouis collaborateurs avec les autorités marocaines, supprimer de hauts fonctionnaires marocains, attaquer des voitures de police (avec des bombes), attaquer ou assassiner des touristes et des étrangers aux abords de l’hôtel Neggir, à El-Ayoun-Plage. Tout cela, en se déclarant coupable également de la préparation de quelques attaques terroristes contre des objectifs en Italie, puisqu’il avait résidé dans ce pays de 2002 à 2008.
La victime avait aussi révélé que le harcèlement et les intimidations ont été poursuivis contre lui dans la prison de Salé, où il a eu la chance de rencontrer d’autres prisonniers politiques sahraouis et des familles, y compris la sienne, pour les informer de ce qui lui arrive.
L’histoire de Mohamed conforte les analyses et les différents indices qui pointent du doigt les services secrets marocains, les accusant d’implications dans plusieurs opérations douteuses de trafic de drogue, de relations avec des groupes terroristes, de responsabilité fort probable dans le kidnapping de 3 représentants d’ONG internationales opérant dans les campements des réfugiés sahraouis, et aussi d’organisation d’une soi-disant “découverte d’armes à Amgala cachées par un groupe terroriste, près du mur militaire marocain, du côté occupé du Sahara occidental”.
Enfin, l’histoire de Mohamed Daihani confirme les déclarations faites au journal El Khabar, en août 2007, par Abdelhak Layada, fondateur du groupe terroriste algérien GIA, qui avait affirmé que les services marocains lui avaient proposé de recruter des étudiants sahraouis, pour les faire entrer dans les territoires occupés du Sahara occidental, où ils seraient arrêtés, offrant aux Marocains la possibilité d’engager tout une campagne médiatique contre le Polisario. Le Maroc joue avec le feu, mais il oublie peut-être que cela peut lui être plus fatal encore, quand ce feu se répandra dans toute la région, en l’enfonçant dans un futur sombre et explosif.
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** Malainin Lakhal est secrétaire général de l’Union sahraouie des journalistes et écrivains
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