L’instauration d’une zone de libre échange entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest, à la faveur des accords de partenariat économiques, constitue une équation pour le Bénin. Ceci à l‘image de tout pays qui alimente son budget à partir ressources essentiellement fiscales. Principaux pourvoyeurs du Trésor public, les recettes douanières contribuent pour environ le tiers du budget national. ‘’Les risques fiscaux associés à l’application des Ape sont certains’’, note donc Toussaint Houeninvo, Expert sur les questions du commerce multilatéral.
Pour M. Houeninvo, la mise en œuvre des APE occasionnera une érosion des recettes douanières. Le manque à gagner pour le Bénin serait globalement de l’ordre de 174,9 milliards sur la période 2008-2019, selon les scénarios prévus par les différentes études d’impact.
S’il est évident que la suppression progressive des droits de douane peut conduire à une baisse des recettes douanières, Epiphane Adjovi, économiste, situe le taux de pertes de droits de douane à une moyenne annuelle d'environ 9,48%. «Mais cette perte de recettes douanière est compensée dans une certaine mesure par le renchérissement des taxes indirectes qui augmenterait de 4,8% en moyenne par an», nuance-t-il.
Les études, tout en reconnaissant l’érosion probable des droits de porte, indiquent par contre une possibilité d’amélioration de la fiscalité intérieure. Ce passage du fléchissement des recettes douanières au renforcement de la fiscalité intérieure sera induit par la baisse des prix des équipements et des facteurs de production, favorable à une amélioration de la compétitivité de certaines filières agricoles et des entreprises en général.
Mais l’hypothèse d’un renforcement de la fiscalité intérieure suscite, de la part de certains analystes, quelques réserves. D’une part, la création d’un marché de libre-échange constitue en elle-même une menace pour les entreprises locales. Akouété Johnson, Responsable de TradeCom Bénin, note que la hausse des importations en provenance de l’Union européenne à la faveur des Ape pourrait générer une perte de compétitivité des branches de production qui aurait pour causes essentielles des difficultés d’adaptation des filières de production à la concurrence des produits extérieurs. Les études d’impact indiquent une contraction de l’ordre de 45,60 % de l’offre globale de production.
D’autre part, la structure de l’économie béninoise, à forte proportion d’entreprises informelles, constitue un facteur limitatif. Une enquête réalisée en 2001 par l’Observatoire africain des statistiques (Afristat) recense, dans la seule ville de Cotonou, capitale économique du Bénin, 201 160 unités de production informelles avec un chiffre d’affaire annuel de 532 milliards de francs Cfa et 154 milliards de valeur ajoutée annuelle. Aujourd’hui, près 90% des entreprises béninoises ne paient pas d’impôt et échappent au contrôle fiscal. Dans un document de position produit à l’issue d’un atelier régional tenu en juin 2007 à Cotonou, le secteur privé a attiré l’attention des Etats sur « le risque d'un accroissement du poids de la fiscalité sur les entreprises du secteur formel en cas de démantèlement tarifaire et de la transition fiscale qui va en découler ».
* Gnona Afangbédji est journaliste au quotidien béninois L'autre Quotidien. Il fait partie d'un groupe de journalistes africains documentés et appuyés par l'Institut Panos Afrique de l'Ouest et Oxfam, pour assurer une production régulière d'informations sur ces négociations, afin de sensibiliser le public.
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