La sixième réunion ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’est terminée juste avant Noël, mais les résultats ne représentaient pas de cadeau pour l’Afrique. L’accord général était que le « projet de développement » n’a pas réussi à cacher des pertes dans les domaines de services, de l’agriculture et des subventions aux exportations. Dans cet article, Mohau Pheko et Liepollo Lebohang Pheko, du « Gender and Trade Network », montrent que l’assemblé à Hong Kong a créé un pr...lire la suite
La sixième réunion ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) s’est terminée juste avant Noël, mais les résultats ne représentaient pas de cadeau pour l’Afrique. L’accord général était que le « projet de développement » n’a pas réussi à cacher des pertes dans les domaines de services, de l’agriculture et des subventions aux exportations. Dans cet article, Mohau Pheko et Liepollo Lebohang Pheko, du « Gender and Trade Network », montrent que l’assemblé à Hong Kong a créé un programme de « contre-développement » pour l’Afrique et ses habitants, surtout les femmes.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ressemble à un jeu complexe dans un casino. Les participants parient, créent et recréent des équipes – le G90, le G33, le G20, le 11 NAMA (l’accès au marché non-agricole) et, bien sûr, les quatuors de pays les plus riches de l’Union Européenne (UE), le Canada et le Japon. Comme toujours dans les pourparlers entre les pays riches et les pays pauvres, les règles du jeu changent selon les caprices des riches. En fin de compte, les pays riches industriels, en conspirant et en faisant des gestes vides (voir le programme « aide pour commerce » par exemple), gagnent de plus en plus de concessions des pays pauvres africains. Encore une fois – ce sont les pauvres qui ont perdu.
A Hong Kong, les riches ont consacré beaucoup de temps à préparer des programmes de « développement » - ceux qui visent à diviser et à conquérir. Ce programme était un cas de romance sans finance – il était vide, dérisoire et basé sur des prêts qui augmenteraient les problèmes financiers des pays africains les plus pauvres. Les pays les moins développés, qui ont essayé de résister à ces programmes nuisibles, étaient attaqués pour leurs efforts visant à « causer l’échec du sommet ».
Le sommet a même fait la sourde oreille à l’audace extraordinaire des parlementaires africains, qui ont insisté pour « la résolution des inquiétudes concernant le développement des négociations élevées par les membres africains ». Les ministres de commerce africains n’étaient pas en accord, et ils ont soutenu le dernier texte, avec tous ses défauts. Après six journées d’acrimonie dans les négociations, tout le monde, même le trio de l’UE, les Etats-Unis et Pascal Lamy, le secrétaire général de l’OMC, est conscient de ce qui a eu lieu au sommet. Les problèmes auxquels l’OMC fait face ont été dissimulés pour éviter un troisième échec du sommet. La conclusion des négociations indique que le système de « commerce libre » est hypocrite, incohérent et inefficace, surtout pour les femmes africaines. Le sommet de l’OMC à Hong Kong a avec réalisme souligné ces contradictions.
On ne peut pas rejeter toute la faute sur les pays riches ; ils avaient à coopérer avec des pays du Sud pour réussir à créer une compromission trompeuse. Les coupables sont les pays du groupe « G-20 », surtout ceux qui ont des économies émergentes – le Brésil, l’Inde, la Chine, le Pakistan et l’Afrique du Sud. Sous la direction de Celso Amorin (Brésil) et Kamal Nath (Inde), le groupe « G-20 » a dupé les pays en développement, en échange de l’accès au marché agricole pour le Brésil et de la délocalisation des services pour l’Inde. A la suite de ces affaires, les pays en développement auront à subir l’accès agressif au marché de services. Les pays africains devront accorder aux investisseurs étrangers les mêmes droits qu’aux fournisseurs locaux dans le domaine de services importants comme la distribution d’eau. Ceci représente une attaque contre les services publics, les services sur lesquels les femmes comptent pour leurs familles. En Afrique du Sud, ceci travaillera contre les efforts à promouvoir l’amélioration de la situation économique des noirs et des femmes. Ces groupes seront en compétition avec des investisseurs étrangers dans le tertiaire.
D’après l’adoption d’une formule suisse sur l’accès au marché non-agricole (NAMA), les pays africains auront à casser les prix pour ce qui concerne leurs frais industriels. Ceci pourrait conduire à la chute de l’industrie locale, la diminution du développement industriel, et une importante perte d’emplois dans les domaines du minage, de la pêche et de l’industrie. On verra aussi la destruction de l’industrie artisanale des femmes et le remplacement des fabricants locaux.
Quant à l’agriculture, les intérêts critiques de l’Afrique ont été ignorés. L’échéance de la subvention aux exportations en 2013, qui équivaudra à trois milliards d’euros, est insignifiante auprès des 55 milliards d’euros de dégâts que des fermiers africains auront à essuyer à cause des mesures de soutien domestique dans les pays occidentaux. Il est clair que les pays riches, surtout l’UE et les Etats-Unis, ont échappé à ce point de friction. Ce sont les femmes africaines qui ont perdu – elles seront déplacées par de grandes sociétés, comme Monsanto, qui produisent des graines génétiquement modifiées, et qui créent une crise de sécurité alimentaire pour le monde africain.
L’opposition de certains pays, comme ceux du groupe « G90 » (essentiellement des pays en développement), ainsi que le Venezuela et la Cuba, était annulée grâce à cause de la forte pression exercée par les pays riches. Il est clair que ces pays se sont servis du Doha Development Round pour suivre leur engagement selon l’OMC à ouvrir leurs marchés, même si cette action ne soutenait pas de buts de développement nationaux. Le commerce libre se conduit comme l’idéologie d’un chef religieux dévoyé – faites ce que je dis, pas ce que je fais. Quand les pays africains ont exigé un traitement spécial, les pays riches les ont traités comme un cas de charité. Les pays riches ont aussi intimidé les pays en développement, en leur offrant deux options : à s’adapter à la libéralisation du commerce ou à se cacher derrière le protectionnisme du passé. Ceci représente une fausse dichotomie. La vraie dichotomie se trouve dans le combat entre le développement et les règles inégales du commerce libre tranchées par les pays riches.
Le sommet à Hong Kong n’est pas devenu un jalon sur le chemin vers le « development round ». Il a plutôt créé un climat de « contre-développement » pour l’Afrique et ses habitants.
Les gains économiques promis par l’OMC lors de son lancement il y a 11 ans n’ont jamais été matérialisés. Les conditions économiques pour la plupart des Africains se sont détériorées. Ceci évoque une chanson célèbre de Billie Holiday : « them’s that’s got shall get, them that’s not shall lose », qui veut dire « les riches continueront à gagner, les pauvres continueront à perdre ».
Selon une étude récente réalisée par la Banque Mondiale, les pays pauvres subiront une perte nette si le programme actuel de Doha se prolonge. Il est cynique – même pour l’OMC – d’essayer de déclarer que ces négociations soutenaient le développement. Une perte nette sera subie par la plupart de l’Afrique, les Caraïbes, et la majorité des pays du Proche Orient. Le texte ministériel du sommet de Hong Kong en montre le vrai résultat. Malgré des journées de campagnes publicitaires sur l’importance du développement pour le programme de Doha, l’Afrique a été hypothéquée pour garantir la prospérité future des pays industrialisés les plus riches.
* Les auteurs sont membres du secrétariat du « Gender & Trade Network in Africa » (GENTA) à Johannesburg. GENTA a participé au sommet ministériel à Hong Kong.