Rwanda : Une justice illégitime pour juger Hissène Habré

Le dossier Habré s’enlisant au Sénégal, l’Union Africaine (UA) explorerait une nouvelle piste visant à confier son procès aux autorités rwandaises. Kigali aurait accepté l’offre, mais pour les ressortissants de ce pays réfugiés au Sénégal, le Rwanda n’a pas les attributs d’un Etat de droit lui permettant de juger l’ancien dictateur tchadien.

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J K

L’Union des Ressortissants Rwandais au Sénégal (URRS) a appris avec étonnement que le gouvernement Rwandais se proposait de juger l’ancien président tchadien, Mr. Hussein Habré au Rwanda. Notre association est totalement opposée à cette initiative de l’Union Africaine pour cinq raisons fondamentales.

Le Rwanda n’est pas du tout un Etat de Droit et ne devrait donc pas servir de modèle pour une justice équitable. A titre de rappel :

1 - Le Rwanda a refusé de ratifier la convention créant la Cour Pénale Internationale (CPI).

Le 1er octobre 2010, la Commission des Nations Unies aux Droits de l’Homme a publié un rapport sous le nom de Mapping report, relatant et documentant les massacres et les exactions perpétrés sur les réfugiés rwandais et les civils congolais en RD Congo de 1993 à 2003 par les hauts responsables de l’APR (Armée Patriotique Rwandaise). Ces massacres ont été qualifiés de « génocide » par les experts des Nations Unies.

Il a été par ailleurs prouvé dans ce rapport que les autorités rwandaises actuellement au pouvoir sont sérieusement impliquées dans ces massacres. Ces mêmes experts ont recommandé, dès lors, de poursuivre les enquêtes en vue de l’inculpation des coupables. En 2006, le magistrat français M.Bruguière avait recommandé des poursuites contre le président Kagame devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour sa « participation présumée » à l’attentat contre l’avion présidentiel le 6 avril 1994.

Faisant fi du principe de la séparation des pouvoirs, le Rwanda avait préféré rompre les relations diplomatiques avec la France. Et pourtant, Dr Théogene Rudasingwa, secrétaire général du FPR au 6 avril 1994, ancien ambassadeur aux Etats-Unis et ancien Directeur de cabinet du président Kagame, vient de désigner ce dernier comme celui qui a donné l’ordre d’abattre l’avion de Habyarimana, déclenchant ainsi le génocide.

A nos yeux donc, tant que la justice internationale n’a pas encore tranché, les autorités rwandaises ne sont pas bien indiquées pour juger l’ancien président tchadien Hussein Habré.

2 - Il est à signaler que l’actuel président de la République Rwandaise a déclaré publiquement que l’espace politique de son pays est saturé. En fait, il est verrouillé et l’on en a pour preuve, l’emprisonnement de Mme Victoire Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU-INKINGI) dont le seul tort est d’avoir voulu se présenter candidate aux élections présidentielles de 2010 contre Kagame. Elle est inculpée sous des lois non rétroactives, pour des prétendus crimes commis en dehors des limites territoriales des juridictions rwandaises.

3 - La liberté d’expression est inexistante au Rwanda et nous doutons de la transparence des autorités actuelles qui n’admettent aucune voie discordante (les journalistes en prison, en exil et tués pour leurs opinions).

4 - Le système judiciaire du Rwanda, que l’Union Africaine voudrait présenter comme modèle, est totalement dépendant du pouvoir exécutif et il est devenu inopérant. Il s’avère que le modèle des « Gacaca », ou Tribunaux populaires, que l’on avait salués au début de leur fonctionnement, sont devenus des tribunes de règlement de comptes à la solde du pouvoir (voir rapport Human Rights Watch sur le fonctionnement de ces tribunaux).

Ces tribunaux sont une arme redoutable utilisée par le système répressif pour se débarrasser des adversaires politiques indésirables dans l’arène en les accusant « d’idéologie génocidaire ». Les résolutions de la dernière session de la commission onusienne des droits de l’homme ont recommandé la révision de cette législation.

6 - Enfin, les organisations de défense des droits de l’homme sont interdites au Rwanda, seules sont opérationnelles sur le terrain celles qui se mettent à la solde du pouvoir en place parce qu’elles lui sont inféodées. Il serait malvenu pour l’Union Africaine (UA) de chercher à donner un certificat d’honorabilité à un pays avec un aussi triste Record en matière d’état de droit.

* Samuel Hakizimana est président de l’Union des Ressortissants Rwandais au Sénégal

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