Les formes de démocraties dominantes à l’heure actuelle ne répondent pas aux besoins et aux exigences de l’avenir de l’humanité. Cette situation de torpeur politique devrait faire le jeu d’une Gauche politique qui non seulement prétend représenter les intérêts des majorités pauvres et marginalisées ou défavorisées des populations, mais aussi prétend avoir une vision d’une société future capable d’apporter ensemble une vie meilleure pour tous, sur la base d’un mode de production et de consommation durable. La Fondation Rosa Luxemburg ouvre le débat.
« …Malgré les promesses de la démocratie libérale en général, et des élections multipartites en particulier, partout en Afrique les partis émergent souvent comme des véhicules tout à fait incapables de traduire les besoins plus larges de la société en des politiques publiques concrètes. Alors que les messages de campagnes paraissent si sincères pendant les batailles animées de ces campagnes, dans l’intervalle entre les élections, les partis et les politiciens ne parviennent généralement pas à cultiver des liens durables avec ceux qui n’ont pas l’appui financier nécessaire pour offrir quelque chose en retour. Naturellement, ce problème ne concerne pas seulement l’Afrique ». (Richard Whitehead, Pambazuka News, 2010-11-18, Issue 505)
« Après l’effondrement du Bloc de l’Est nous n’avons jamais été délivrés de ‘l’idéologie de la terreur’. Au contraire, nous sommes tous devenus esclaves d’une idéologie unique ». (Jakob Augstein, Sabotage, 2013)
En effet, ce n’est « pas seulement en Afrique » que le système de démocratie politique fondé sur des élections multipartites semble avoir mené à un cul-de-sac. Les « anciennes » élites politiques ont réussi à détourner le « danger » potentiel que les élections multipartites provoquent un changement politique. Quel que soit le parti qui remporte les élections, les politiques mises en œuvre par la suite sont manifestement presque toujours les mêmes. Leur intérêt pour le sort des pauvres n’est que de pure forme, car ce sont les intérêts des élites économiques qui donnent toujours le ton. C’est comme si les électeurs sont seulement autorisés à choisir les personnes mais pas les politiques que les gagnants mettront en œuvre par la suite. Un vrai « changement de régime » semble être hors de portée dans le « système démocratique tel que nous le connaissons ». Et ce phénomène est bien loin d’être une particularité de l’Afrique ; il est très répandu en Europe tout comme dans d’autres régions.
Cependant, face aux défis globaux comme le changement climatique, les conflits (régionaux) au sujet de ressources essentielles comme la terre et l’eau, ou la migration transcontinentale, la situation est encore pire. Il est manifeste que les systèmes politiques démocratiques œuvrent en faveur de majorités qui ont tendance à défendre le statu quo. Malgré l’abondance de la recherche scientifique montrant que le modèle consumériste « occidental » qui domine actuellement n’est pas viable et mènera, selon toute vraisemblance, à une catastrophe environnementale et par la suite sociale, les partis politiques qui préconisent des actions politiques fermes en vue de changer les modes de production et de consommation restent en marge du système politique. Tant que les votes majoritaires décideront de qui sera au pouvoir, il est évident que les ajustements politiques et économiques d’une nécessité urgente face aux dangers qui se profilent à l’échelle planétaire seront impossibles. Compte tenu de la perspective à courte vue du « mandat électoral » des politiciens et du vieillissement de l’électorat, des changements politiques radicaux, prévoyants et vitaux deviennent de plus en plus improbables. La transition mondiale nécessaire de la production et la consommation est manifestement incompatible avec le système actuel de démocratie politique.
Cela signifie que les formes de démocraties dominantes à l’heure actuelle ne répondent pas à la fois aux besoins et aux exigences de l’avenir de l’humanité, sur deux aspects déterminants. Premièrement, elles sont incapables de provoquer un « vrai changement de régime » qui se traduirait par des politiques favorables aux pauvres. Deuxièmement, la règle de la majorité – réaffirmée dans des élections générales périodiques – est sur le point de bloquer la relance socioéconomique essentielle qui serait nécessaire pour faire face aux défis mondiaux.
Cette situation de torpeur politique devrait faire le jeu d’une Gauche politique qui non seulement prétend représenter les intérêts des majorités pauvres et marginalisées ou défavorisées des populations, mais aussi prétend avoir une vision d’une société future capable d’apporter ensemble une vie meilleure pour tous, sur la base d’un mode de production et de consommation durable.
La question fondamentale, entre autres, est : Comment pouvons-nous réunir l’écologie, l’égalité, la démocratie et l’efficacité ? Ou en d’autres termes : Comment pouvons-nous bâtir un monde de paix, de tolérance et de solidarité, où le progrès économique dans une région ne se traduit pas par la destruction de l’environnement et la pauvreté et la souffrance dans d’autres ?
Jusqu’à présent, beaucoup de gauchistes en Afrique ainsi qu’en Europe n’ont pas vraiment réussi à convaincre les majorités avec leurs « approches alternatives ». Oui, il existe de nombreux slogans attractifs sur la « protection des règles démocratiques existantes », sur la nécessité « d’approfondir la démocratie », ou même sur une « démocratie radicale » – mais qu’est-ce que tout cela signifie, et pourquoi ne parvient-elle pas (dans sa forme actuelle) à toucher, captiver et radicaliser « les masses » ?
Compte tenu de la situation plutôt sombre de nombreux mouvements et partis de gauche tant en Europe qu’en Afrique, comment pourraient-ils néanmoins soutenir la cause du mouvement en faveur d’un changement social et économique qui prend de plus en plus d’ampleur ?
Où se situe l’équilibre entre, d’une part, la représentation démocratique aux parlements (au sein desquels les représentants élus ont tendance à s’éloigner de ceux qu’ils représentent et à être victimes de la « ligne de parti ») et, d’autre part, la demande « excessive » de participation démocratique radicale à la prise de décision de chacun à tout moment et sur toutes les questions ?
Y a-t-il des alternatives démocratiques « traditionnelles » aux parlements élus et aux politiques partisanes ? Jusqu’où va le principe de subsidiarité ? Que peuvent apporter les alliances mondiales ?
Pour surmonter le manque de clairvoyance de la politique, avons-nous besoin de nouvelles formes d’élections qui combinent les votes pour les partis politiques avec des référendums sur certaines questions de politique (par exemple la poursuite de l’utilisation de charbon ou de l’uranium comme sources d’énergie, ou la promotion de programmes de transport public) ?
Si nous (devons) accepter la position défensive actuelle de la Gauche, jusqu’où le pragmatisme – soutenir des améliorations même mineures ou de petits changements, quand bien même on aurait le sentiment que c’est trop peu et qu’ils sont proposés par « l’ennemi politique » – nous (la Gauche) mène-t-il ?
Ces questions – ainsi que d’autres – sont proposées pour faire l’objet de discussions au cours du 3e Forum de dialogue de la Gauche africaine et européenne organisé par la Fondation Rosa Luxemburg et ses partenaires en Afrique, en coopération avec le Parti de Gauche en Allemagne (Die Linke) et ses représentants au sein du Parlement allemand et de l’Assemblée européenne.
Le présent document de concept n’est cependant pas encore l’ordre du jour définitif du Forum. Tous les partenaires et les camarades de parti sont invités à proposer d’autres suggestions et idées qui doivent être incluses dans le débat au 3e Forum de la Gauche africaine et européenne.
L’évènement aura lieu du 27 février au 2 mars 2014 à Dakar/Sénégal. Le programme définitif de la réunion sera établi une fois que les participants (éventuels) auront envoyé des suggestions et des recommandations au :
Département Afrique de la Fondation Rosa Luxemburg à Berlin, à l’attention de Arndt Hopfmann via [email][email protected] ou bien : Bureau régional de la Fondation Rosa Luxemburg à Dakar, à l’attention de Ndongo Samba Sylla via [email][email protected]
La date limite de réception des suggestions est fixée au 20 décembre 2013.
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