Afrique : CODESRIA, atelier méthodologique sous-régional sur les sciences sociales en Afrique

La session 2006 sera consacrée à l’examen des conditions de la mise en œuvre et de la validité d’une perspective qualitative sur les terrains africains. L’atelier méthodologique est destiné aux étudiants doctorants et aux jeunes chercheurs africains de la sous-région. Les pays concernés par cet atelier sont Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, l’Uganda, et le Soudan. Les langues de travail sont le français, l’anglais et l’arabe.

Session 2006 pour l’Afrique de l’Est

Thème: Terrains et théories de l’enquête qualitative

Date: 20 – 24 novembre 2006
Lieu: Dar Es Salaam, Tanzanie

Appel à candidatures

Une des faiblesses majeures de la recherche sociale contemporaine sur et en Afrique est le peu de considération qu’elle accorde aux questions épistémologiques et méthodologiques. Cette faiblesse s’est manifestée à un moment où les complexités croissantes des dynamiques sociales qui forment la vie sur le continent et le contexte mondial général appellent un plus grand investissement dans le perfectionnement des procédures et outils d’enquête et d’analyses pour une évaluation plus exacte et plus holistique de réalités qui changent rapidement. Mais au lieu d’un tel effort, nous assistons de plus en plus à un étonnant abandon ou mal application de la théorie et de la méthode à une échelle et avec une fréquence qui requièrent une intervention. A un niveau, l’abandon constaté comprend une banalisation des protocoles de base de la recherche et leur réduction à une évocation fétichiste de recommandations superficielles mal déguisées avec des appels à la rigueur qui ne se pas reflètent pas dans les analyses. A un autre niveau, les questions méthodologiques sont tout simplement instrumentalisées pour assurer que les considérations idéologiques et des résultats prédéterminés prennent le pas sur la science. De plus, il est courant de rencontrer des études dans lesquelles les questions méthodologiques sont carrément ignorées au nom d’une prétendue immédiateté spécifique qui placerait les réalités sociales africaines hors des débats universels sur la validité de la science. Le résultat est que les sciences sociales y sont le plus souvent un mélange de pur discours littéraire sans fondement empirique ou un exposé d’anecdotes masquées par un discours «savant» aussi pompeux que vide. Dans un tel contexte, les connaissances produites perdent toute portée heuristique pour n’apparaître que comme simples justificatifs, voulus ou non, d’une politique économique, sociale plus ou moins adaptée. Ceci n’est clairement pas acceptable, ne serait ce que parce que cela appauvrit la recherche sociale africaines. Il est urgent de discuter des fondements méthodologiques de nos connaissances actuelles pour mettre fin à l’impunité scientifique en Afrique et en dehors et ainsi insuffler un nouvel élan aux sciences sociales africaines à travers le soutien de jeunes chercheurs.

Le devenir des jeunes chercheurs en sciences sociales commence par une excellente maîtrise des processus de la recherche et leur utilisation patiente à des situations concrètes tel que requis par leur travail sur le terrain, aux archives et à la bibliothèque. Malheureusement, la combinaison des crises prolongées dans les systèmes d’enseignement supérieur et du nombre grandissant d’africanistes qui ont succombé à la tentation de prendre des libertés avec la rigueur méthodologique, signifie que les chercheurs sont mal préparés pour la recherche sociale indépendante. C’est la raison pour laquelle le secrétariat du CODESRIA propose de réunir de jeunes chercheurs africains autour des questions épistémologiques et méthodologiques dans le but de contribuer à la création d’un espace critique qui concilierait l’empirisme courant avec la rigueur logique des préalables épistémologiques si indispensables à l'avènement de toute imagination scientifique. Une telle perspective commande que soient soumis à la critique du terrain africain les étapes, les outils et les grands courants théoriques contemporains qui y sont engagés. La question principale sera alors la suivante: comment établir un lien fécond entre théories et terrains en tenant compte de l’état des savoirs et des techniques mobilisables et de l’évolution des sociétés africaines? L’opposition habituelle entre méthodes quantitatives et qualitatives repose sur le fait que la pratique scientifique a été alourdie par une fausse perception de la validité des procédures de la recherche: une trop grande fétichisation du chiffre a laissé peu de crédit aux orientations qualitatives perçues comme trop inconstantes par rapport à l’exactitude supposée et à la «dureté» de la souveraine quantification. Or, au-delà des querelles académiques, il nous faut insister sur la recherche de moyens appropriés à l’exploration de la dynamique sociale africaine, extrêmement complexe, qui échappe souvent à la rigide emprise, trop systématique, des approches quantitativistes.

La session 2006 sera consacrée à l’examen des conditions de la mise en œuvre et de la validité d’une perspective qualitative sur les terrains africains. A cet effet, les ateliers sont ouverts à toutes les disciplines des sciences sociales qui sont toutes confrontées aux difficultés d’appréhension de la réalité sociale comme elles sont constamment en prise avec les performances limitées des techniques de collecte et d’analyse des données suspectées, parce que dites «qualitatives», d’un grave manque de rigueur scientifique. Le dévoilement du sens caché de la vie sociale leur serait ainsi irrémédiablement inaccessible. Les axes suivants doivent alors être placés au centre de la discussion:

1. En partant d’une remise en cause de la distinction hâtivement établie entre recherche «quantitative» et recherche «qualitative», l’atelier s’efforcera par l’examen critique de ce clivage traditionnel de poser le problème de la mesure dans les sciences sociales; le mode de traitement des données recueillies répond à la fois aux contraintes du terrain et aux choix paradigmatiques d’interprétation des données. Une telle remise en question devrait nous conduire finalement à interroger les formes et les conditions de «quantification» du «qualitatif». Le caractère non métrique et compréhensif de l’approche qualitative, opposé à celle mathématique et explicative de la quantification, est-il définitivement certifié?

2. Contre l’illusion du savoir immédiat, il est impératif de poser clairement les principes méthodologiques de la «construction de l’objet» comme articulation hypothétique d’une reconstruction théorique de la réalité sociale. Cette opération cruciale impose que soit soumis à une intense vigilance épistémologique le statut du chercheur, le rôle systématique des théories et des outils de recherche.

3. L’enquête en tant que procédure de confrontation au terrain d’un corps d’hypothèses nécessite que soit fait un choix raisonné des instruments techniques de collecte des données, des «faits». Mais une telle sélection n’est jamais neutre. Les faits sont toujours faits. Seront passés en revue afin d’en déterminer les modalités de leurs participations à la recherche, les outils habituels de l’enquête qualitative, entretien, observation, études d’archives ainsi que ceux moins usuels à l’exemple de la photographie.

L’atelier méthodologique est destiné aux étudiants doctorants et aux jeunes chercheurs africains de la sous-région. Les pays concernés par cet atelier sont Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, l’Uganda, et le Soudan. Les langues de travail sont le français, l’anglais et l’arabe. La session sera conduite par un directeur secondé par une équipe de trois enseignants tous reconnus pour leur compétence sur le thème de la session. L’équipe pédagogique outre la préparation effective des cours et des sorties sur le terrain proposera aux lauréats un recueil de textes sur le thème de l’atelier. Les chercheurs désirant faire partie de l’équipe pédagogique sont priés d’envoyer leurs dossiers de candidatures qui comprendront un CV actualisé et un résumé des questions qu’ils souhaiteraient aborder en quatre cours de deux heures chacun. Le résumé soumis devra être assez détaillé pour permettre au directeur de l’atelier de préparer un syllabus pour les personnes ressources et les lauréats. L’équipe pédagogique outre la préparation effective des cours et des sorties sur le terrain proposera aux lauréats un recueil de textes sur le thème de l’atelier.

Quant aux jeunes chercheurs qui aimeraient participer à cet atelier, ils doivent envoyer un dossier de candidatures qui comprendra les pièces suivantes :

1. Une lettre de candidature indiquant le thème de recherche du postulant.
2. Un projet de recherche (trois à cinq pages maximum) présentant clairement la problématique, la pertinence du terrain, le cadre théorique et méthodologique utilisé ainsi que les problèmes méthodologiques et épistémologiques rencontrés.
3. Un curriculum vitae détaillé et actualisé.
4. Deux lettres de recommandation:
a- une du directeur de la thèse ou d'un autre superviseur montrant la pertinence du projet de recherche, l’état d’avancement de la recherche et l(es) approche(s) théorétique(s) et méthodologique(s) utilisée(s) et les résultats attendus;
b- une autre du directeur du département ou d'un autre professeur sur les mérites et le potentiel académiques du candidat.
5. Une lettre d’affiliation institutionnelle.

La sélection des dossiers se fera en fonction du caractère novateur de la proposition de recherche, de l’équilibre en genre et de la répartition géographique qui en elle même sera une important aspect des ateliers.

La date limite de dépôt des dossiers de candidature est fixée au 10 septembre 2006. Les dossiers sont adressés à:

Ateliers méthodologiques sous-régionaux
CODESRIA

B.P. 3304, Dakar, CP 18524 – Sénégal.

Tél: +221-825.98.22/23 — Fax: +221-824.12.89

E-mail: [email][email protected]