Quelle diaspora africaine ? Le point de vue de la descendante d’esclaves, 500 ans plus tard

Pourquoi le monde, consciemment et délibérément, n’inclut par la traite transatlantique des esclaves dans les fondamentaux des discussions sur la migration globale et le trafic d’êtres humains ?

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Ne serait-il pas plus juste de reconnaître, et de dire, qu’il existe plus d’une "diaspora africaine" ? En 2002, alors que nous vivions à Nairobi au Kenya, mon mari et moi-même, la descendante des victimes de la traite des esclaves, avons fait un pèlerinage sur la Côte de l’Océan Indien. Notre première visite nous a conduits dans la Vieille Ville de Mombasa pour visiter Fort Jesus, où un nombre inconnu d’Africains ont été vendus - par d’autres Africains - aux Arabes puis aux Portugais.

Pendant la majeure partie de ma vie d’adulte, j’ai eu à me demander pourquoi le monde, consciemment et délibérément, n’inclut par la traite transatlantique des esclaves dans les fondamentaux des discussions sur la migration globale et le trafic d’êtres humains. Pour moi, il est évident que ce "commerce" (parce que c’est exactement ce qu’il fut) doit être pris en compte, pour lequel des comptes doivent être rendus, dans l’exact mesure de ce commerce.

Au lieu de quoi, c’est comme si, quelque part, parfois ou de façon répétée selon les besoins, un accord tacite a été conclu de sorte que, quel qu’en soit la longévité, la traite transatlantique, les groupes ou les populations déportées et leurs descendants directs aujourd’hui ne pourront jamais prendre leur place entièrement dans cette migration forcée sans précédent.

J’ai une ascendance africaine aux Amériques et plus précisément aux Etats-Unis et en Amérique du Nord. Je descends de la diaspora africaine, américaine et des Amérindiens aux Etats-Unis et avant cela, dans les colonies nord américaines, des esclavagistes génocidaires blancs de Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de France et d’Espagne

Pendant presque deux décennies j’ai aussi vécu en Italie, au cœur de l’Europe méditerranéenne. En 2001, après avoir été témoin de la marginalité des femmes d’ascendance africaine en Amérique centrale et du Sud et dans une partie des Caraïbes, puis des femmes africaines (Nigeria) victimes de trafic d’êtres humains en Italie, j’ai écrit un article dans lequel j’essayais de partager mon vécu et ce que j’avais vu ("International trafficking in Black Women "La africana" et la"mulata", avec le monde : African women and women of African descent, publié par LolaPress.org)

Alors que je vivais à Nairobi au début des années 2000, j’ai eu la chance extraordinaire d’avoir une conversation téléphonique avec la dernière tante survivante de ma mère. Elle avait 88 ans et vit toujours dans le Midwest américain. Ceci a été une conversation historique alors qu’elle me relatait l’histoire familiale tel que l’on l’a lui a racontée. Une histoire que moi je n’avais jamais entendue.

Ma grand-tante m’a révélé que l’un de nos ancêtres aurait dit à d’autres membres de la famille, au cours de la traite transatlantique, qu’elle-même a été déportée aux Etats-Unis depuis son foyer en Afrique, l’Etat insulaire de Madagascar.

Pour moi c’était et c’est encore une information étonnante concernant l’histoire de ma famille, concernant une partie de nos origines d’avant la traite des esclaves d’origine africaine. Pourtant, je suis toujours hantée par la question restée sans réponse depuis 150 ans, qui est de savoir si en réalité l’histoire de l’Afrique, en tout ou partie, intéresse qui que ce soit en Afrique continentale.

Toute ma vie, j’ai aimé l’histoire et la planète. Pourtant au fil du temps, je me suis trouvée confrontée à la question lancinante liée au fait qu’à de nombreux niveaux il n’y a toujours pas d’espace reconnu pour nous autres Américains d’ascendance africaine, où ceux établis sous d’autres latitudes, suite aux déportations hors d’Afrique à travers l’Océan Indien.

Deux principales diasporas africaines distinctes semblent restées exclues - assez abandonnées - suivant l’actuel paradigme opérationnel, de ses peuples, de ses dirigeants et de la majeure partie du monde du 21ème siècle, post-moderne (moderne tardif)

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** Marian Douglas-Ungaro est un écrivain afro-américain, fondatrice de Afroamericas, un réseau pour les descendants noirs d’esclaves dans les Amériques. Elle croit que la décennie internationale pour les peuples d’origine africaine, 2015-2024, sera une grande occasion d’apprentissage et attend avec impatience la prochaine opportunité de retourner en Afrique. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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