Papouasie occidentale : La guerre oubliée

C’est un des génocides silencieux que connaît le monde. En Papouasie Nouvelle-Guinée, la partie ouest fait l’objet d’une occupation indonésienne où les violations des droits humains, les violences, les tortures, les meurtres et déplacements forcés font le lot quotidien des populations. Les richesses de ce pays et les intérêts usaméricains qui s’y développent font que le combat pour l’identité politique et culturelle de ce peuple noir suscite peu l’attention de la communauté internationale.

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B F

Le 31 août, la Free West Papua Campaign (Campagne pour une Papouasie occidentale libre) organisait pour la troisième fois un week-end pour rassembler des fonds à la Court Lodge Farm, dans le comté du Sussex, au sud de l’Angleterre. Ce week-end, qui comportait la construction d’un four en terre et des prestations musicales, était principalement l'oeuvre de Clare Harding, qui a grandi dans cette ferme. Ses parents y font de l’agriculture laitière biologique et fabriquent un excellent yaourt à boire. Il y a quelques années Clare a effectué un voyage en Nouvelle-Guinée qui l’a conduite entre autres en Papouasie occidentale, un territoire occupé par l’Indonésie, où elle a établi des contacts avec quelques combattants pour l'indépendance, ce qui n’est pas sans danger. Depuis elle s’est engagée dans cette campagne, qui se propose d'aider les Papous occidentaux à accéder à l'indépendance et à l'autodétermination, ce qui exige qu’ils se libèrent de la domination indonésienne.

LA PAPOUASIE OCCIDENTALE

Jusqu’à la fin du 19ème siècle, l’île de Nouvelle-Guinée constituait une entité. Nombre de ses habitants continuent aujourd’hui encore à mener une vie de chasseurs-cueilleurs ou pratiquent une agriculture d’autosubsistance. Ils sont extrêmement intelligents, possèdent une connaissance encyclopédique de leur flore et de leur faune ainsi qu’une inventivité et des dons musicaux incroyables. C’est alors que les conquérants coloniaux anglais et néerlandais sont arrivés et ont pris possession de l’île : la partie occidentale de l’île a été occupée par la Hollande et l’est (Papouasie -Nouvelle-Guinée) par les Britanniques.

En 1961, la Papouasie occidentale a accédé à l’indépendance, mais quelques mois après l’Indonésie l’occupait militairement afin d'en revendiquer la possession. En 1969 a eu lieu un vote, le prétendu « Act of Free Choice », mais c’était une simple farce : environ 1000 chefs de tribu ont été contraints, pistolet dans le dos, à choisir le rattachement à l’Indonésie. À ce jour les forces armées indonésiennes ont tué environ 400 000 Papous occidentaux.

La population est victime au quotidien de violations des droits humains, violences, tortures, meurtres et déplacements forcés. Des milliers d’Indonésiens originaires d’autres régions ont été installés en Papouasie occidentale dans le cadre d’une nouvelle répartition géographique de la population et on leur donne les meilleurs emplois. Ce qui se passe là-bas est donc un génocide silencieux que le monde oublie.

LA PAPOUASIE OCCIDENTALE

Pour quel motif ? Eh bien, la Papouasie occidentale dispose d’énormes réserves d’or, de pétrole et de cuivre et l’exploitation de ses ressources est extrêmement lucrative pour l’Indonésie et les grandes entreprises, par exemple la firme US-américaine. Mais la raison décisive de l’oubli où les Usa et ses affidés laissent la guerre en Papouasie occidentale, c’est la parfaite intégration de l’Indonésie dans l’ordre capitaliste mondial - ce pays est un modèle de néolibéralisme, un paradis pour les investisseurs et un enfer pour le grand nombre.

Donc inutile de pratiquer une « intervention humanitaire. » Cette situation est l'oeuvre des Usa, dont les services secrets ont renversé en 1965 le gouvernement démocratiquement élu du président Soekarno et mis au pouvoir leur fantoche, le dictateur Suharto. Le bain de sang qui a suivi a coûté la vie à 500 000 Indonésiens au moins, vraisemblablement à près d’un million.

LE FOUR EN TERRE

Quand je suis arrivée à la ferme, les Papous avaient déjà creusé une imposante fosse pour y installer leur four et l’on chauffait les pierres sur un grand feu de camp. Benny Wenda, chef de tribu et fondateur de la campagne, sa famille et ses amis avaient déjà passé plusieurs jours aux préparatifs : récolter herbes aromatiques et feuilles, fabriquer des pinces avec de grosses branches pour transporter des pierres du feu à la fosse et ils avaient en plus acheté quelques feuilles de bananier. Le creux a d’abord été garni d’une couche de pierres brûlantes, puis venaient une couche de feuilles, ensuite des légumes racines (betteraves, patates douces, courges, pommes et de terre et épis de maïs, ensuite d’autres couches de feuilles, de chou vert et blanc, de marrow (courgettes arrivées à complète maturité) de betteraves rouges et au-dessus de gros morceaux de viande de porc (des bêtes engraissées à la ferme et abattues le matin) et deux lapins, et entre chaque couche des herbes aromatiques, des feuilles et des pierres brûlantes.

Lorsque la viande et les légumes entassés eurent formé une joli petit tertre, on recouvrit le tout de toile à sac (en Papouasie on utilise des feuilles de bananier) sur laquelle on posa quelques lourds morceaux de bois. Après deux bonnes heures de cuisson, notre repas du soir était prêt! C’était délicieux et nous y avons fait honneur. malgré l’absence de sel c’était goûteux et plein d’arôme.

Ensuite Benny Wenda nous a exposé les projets de la Campagne pour une Papouasie occidentale libre : l’achat d’un territoire en Papouasie -Nouvelle-Guinée, où vivent de nombreux les réfugiés papous. Le pays ne leur reconnaît pas le statut de réfugiés - en raison des pressions exercées par l’Indonésie - mais seulement celui de frontalier et ils ne reçoivent aucune subvention. On vise la création d’infrastructures rurales permettant aux Papous de cultiver des légumes, d’aller à l’école, d’acquérir une formation professionnelle ou de faire des études, afin de leur offrir un avenir. Il faudrait réunir environ 94 000 euros.

Benny Wenda nous a aussi raconté sa propre histoire. Il avait deux ans quand son village a été bombardé par les forces armées indonésiennes, et plusieurs membres de sa famille tués. Il a été contraint de se réfugier dans la forêt vierge où il a vécu cinq ans. Quand il était jeune, les chefs des tribus l’ont choisi comme leader en raison de son caractère. Comme il exerçait en Papouasie une influence croissante, les autorités indonésiennes l’ont emprisonné ; il a été déféré en justice et il risquait de longues années de détention.

Durant sa détention préventive, il a passé plusieurs semaines à l’isolement, pieds et mains enchaînés, et a survécu à plusieurs tentatives d’assassinat. Une suite de hasards heureux lui a permis de s’échapper. On lui a fait traverser secrètement la forêt vierge pour l’emmener en Papouasie-Nouvelle-Guinée où il a fini par retrouver sa femme Maria et sa fille Koteka dans un camp de réfugiés. Grâce à des soutiens, il a pu ensuite se réfugier en Angleterre où il a demandé l’asile politique. Il a choisi de s’installer à Oxford, où il a initié la Campagne pour l’indépendance de la Papouasie occidentale, qui a depuis créé des relais en Hollande et en Australie. J’ai été impressionnée par sa façon objective de raconter, sans trace d’amertume. Mais il a ajouté : même si vu de l’extérieur nous paraissons joyeux, au fond de nous nous continuons à verser des larmes. Puis il a chanté avec les Lani Singers quelques chants à la gloire de la liberté. Sa petite fille Koteka, 12 ans, a elle aussi chanté une chanson vraiment émouvante qu’elle avait composée elle-même. Nous avons également entendu quelques beaux chants de Liz Ikamba et Beccy Elder.

Papua Merdeka!

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** Susanne Schuster est traductrice, militante, linguiste, penseure, blogueuse. Texte traduit par Mikaela Honung (Source: http://tlaxcala-int.org/article)

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