Madagascar : Ces élections censées être différentes

Bye bye aux pratiques voilées, complices, inquiétantes de la communauté internationale, des commissions électorales et tout ce beau monde si familier à Madagascar, qui semble se diriger vers le Zimbabwe. Bye bye aux prérogatives ministérielles, place au citoyen lambda candidat, pour la prochaine présidentielle !

Je rentre de la campagne où les élections n’ont aucune, alors aucune, résonance. Quand on n’évite pas de parler des affaires nationales, on s’en remet à Dieu pour résoudre les problèmes, tellement le sentiment d’impuissance face à l’énormité du problème met le citoyen à l’écart de tout pouvoir d’agir. Voter ? Moi, influencer le cours de l’histoire ? Pfff… Peu y croient.

Je vous avoue que ça m’a inquiétée car je voyais la caravane de la propagande venir. Musique, nouvelles têtes, grosses bagnoles, cadeaux (t-shirt, casquette, riz, viande,… toutes ces choses que la misère rend fort désirable). Divertissement d’un jour dans la vie campagnarde très calme, voire silencieuse, car sans électricité, sans information, sans rien. Je comprends les liesses quand le candidat (même mal vu) arrive en ville ou au village, c’est de l’attraction, quelque chose qui brise momentanément la monotonie de la vie paysanne.

Sur les 7 millions 133 915 électeurs recensés dans la liste électorale provisoire, combien sont des citadins, combien des paysans ? Il se peut que ce soit à égalité, étant donné que les citadins sont « documentés » (titulaires de cartes d’identité nationale, même d’actes de naissance, entre autres), passage obligé pour être sur la liste électorale. Mais le passage du premier au deuxième tour pourrait se faire ou défaire par le vote rural, quelques dizaines de milliers de voix, ou quelque pourcentage de points. Ce vote rural, qui a la soif de connaître, mais à qui on ne dit rien (ou le petit peu que l’on veut). Ce n’est pas bien mieux en ville, non plus.

Les élections de sortie de crise étaient censées être différentes : la liste électorale allait être revue en long et en large, mais qu’en est-il ? Où était la société civile ? La date des scrutins allait éviter la période non seulement de pluie mais de grande productivité paysanne pour ne pas dire de fêtes de fin d’année, mais on sait que cela n’est plus. Le bulletin unique allait favoriser l’égalité mais devient maintenant l’instrument de la confusion totale (il y aura des numéros sans nom, sur un document déjà difficile à lire et inchangé !). Les candidats devaient démissionner de leurs postes pour éviter à ce qu’ils utilisent les prérogatives gouvernementales (voitures, téléphones, staff, carburant, antenne télé…) pour la campagne, mais voilà qu’on essaie de désigner son successeur. Et l’égalité d’accès aux médias nationaux, de la Rnm et de la Tvm, reste à prouver (4 minutes par candidat est exactement ce que Ra8 a bien voulu concéder en 2006, rien apparemment n’a changé).

Il n’est pas encore trop tard mais il le sera bientôt. Les médias doivent ne pas laisser les uns et les autres occuper la place médiatique. Bye bye aux trois écartés ! Place aux programmes et débats. Bye bye aux pratiques voilées, complices, inquiétantes de la Ci, Cenit (Commission électorale nationale indépendante pour la transition), Ces (Commission électorale spéciale) et tout ce beau monde qui semblent se diriger vers la zimbabwéenne. Place à la communication et la transparence. Bye bye aux prérogatives ministérielles, place au citoyen lambda candidat !

Place, en court, à l’électeur, au citoyen, pour une fois, mettons le en priorité ! Car pour y croire, il faut avoir confiance, et pour avoir confiance, il faut une démonstration crédible de progrès (carte d’électeur, bulletin final orienté vers la compréhension des électeurs et pas les préférences des politiques, accès égalitaire aux antennes nationales, abandon de prérogatives ministérielles).

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** Sahondra Rabenarivo
est Sahondra Rabenarivo, juriste et membre du Sefafi (Observatoire de la vie publique)

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