Le drame rwandais : La vérité sur les acteurs
Le Rwanda, comme en 1959 et en 1994, est de nouveau à un carrefour, avec un chemin qui mène à la guerre civile et encore davantage d’effusions de sang.
Merci M. le président de m’avoir invité à parler lors de cet évènement.
Je remercie les organisateurs pour leur générosité et leur hospitalité.
Permettez-moi de saisir cette occasion pour remercier les distingués orateurs et les participants rassemblés ici aujourd’hui pour discuter opportunément d’un sujet très difficile : le drame du Rwanda et la vérité telle que racontée par les acteurs de ce drame.
Alors que nous commençons nos délibérations, nous nous souvenons douloureusement de la date de cet évènement. Pour tous les Rwandais, avril est toujours un mois difficile. Nous voulons à la fois nous souvenir et oublier, parce que la douleur que cela suscite est persistante et marquante.
Vingt ans plus tard nous nous souvenons toujours de l’horreur, lorsque des Rwandais tuaient des Rwandais.
Je vous invite à une minute de silence à la mémoire de tous ceux qui ont péri au cours du génocide et des massacres de 1994.
Comme vous le savez tous, le Rwanda est une nation vieille de plusieurs siècles, bien connue pour ses deux groupes ethniques, les Hutus et les Tutsis. Il y en a un troisième, les Twa, qui sont toujours ignorés aussi bien des Rwandais que des non Rwandais parce qu’ils n’ont pas activement participé au drame récent du Rwanda.
Pour comprendre comment le président Paul Kagame et le parti au pouvoir, le Front patriotique du Rwanda (Fpr) exercent un pouvoir absolu, je voudrais brièvement mentionner trois moments qui ont été des tournants dans l’histoire du Rwanda au cours des 100 dernières années, dont chacun a porté la semence qui a produit les séries d’évènements qui ont suivi :
- La monarchie est instaurée à la fin du 19ème siècle au moment de la colonisation allemande à laquelle succède la colonisation belge.
- En 1959, le Rwanda devient une République après la Révolution (Hutu)
- Invasion de 1990 par le Front Ppatriotique du Rwanda (Tutsi) qui accapare le pouvoir en 1994
La période avant 1959 voit l’émergence d’une population hutue marginalisée, menée par une élite hutue qui défie le statu quo de la monarchie. La naissance de la République rwandaise et la fin de la colonisation belge ont été des évènements violents. Alors qu’elle apportait des bénéfices sociaux, économiques et politiques à la communauté hutue précédemment marginalisée, la révolution de 1959 a fini par marginaliser la communauté tutsie.
De nombreux Tutsis ont été massacrés et des centaines de milliers sont partis en exil. La révolution a produit des réfugiés tutsis, suivis par des vagues d’insurrection (Inyenzi) qui ont pris fin dans les années ‘60’
Au Rwanda, la courte période du multipartisme politique a pris fin suite à la réduction de l’espace politique et le pays est devenu un Etat au parti unique sous la férule du Mdr Parmehtu. Le pouvoir a aussi été excessivement centralisé dans les mains du président Grégoire Kayibanda qui a de plus en plus privilégié et dépendu des Hutus de sa communauté de Gitarama, dans le sud du Rwanda.
En 1973, il y a eu une révolution de palais et le général Juvenal Habyarimana, un Hutu du nord, est parvenu au pouvoir et a par la suite formé son propre parti le MrndD.
Le régime est resté un régime hutu de plus en plus biaisé en faveur du nord. Le Rwanda était toujours un pays au parti unique. A l’instar de la monarchie d’avant 1959 et du régime de Kayibanda jusqu’en 1973, le pouvoir était excessivement centralisé dans les mains du président Habyarimana.
Les Tutsis sont restés en exil et ceux restés au Rwanda étaient marginalisés. Vers la fin de 1980 et au début de 1990, le régime du président Habyarimana a perdu de son momentum et était attaqué aussi bien à l’intérieur par des partis politiques (surtout des Hutus du sud) et par l’invasion des réfugiés tutsis venant d’Ouganda (Fpr).
Sous la pression politique, économique, militaire et diplomatique, le président Habyarimana a accepté avec réticence de négocier les accords de paix d’Arusha avec le Fpr. Les accords de paix prévoyaient la démocratisation et le règne de la loi, le partage du pouvoir entre le Mndr, le Fpr et d’autres partis politiques d’opposition ainsi que l’établissement de nouvelles institutions de sécurité (armée et gendarmerie) et le retour des réfugiés de 1959.
Pour un bref instant, les Rwandais ont espéré que la paix, la réconciliation et l’autorité de la loi s’installaient enfin au Rwanda.
Alors général, Kagame a donné l’ordre d’abattre l’avion dans lequel voyageaient le président Habyarimana, le président du Burundi Cyprien Ntaryamira, des Français et d’autres personnes qui tous ont été tués. L’assassinat a déclanché le génocide et les massacres. Le Fpr a finalement pris le pouvoir à la tête de l’Etat en juillet 1994, en gagnant la guerre civile mettant ainsi un terme aux accords d’Arusha comme nous les connaissions.
Pendant que le président Kagame commémore ses vingt ans de règne de la terreur, il est important d’identifier les aspects fondamentaux de sa stratégie pour se maintenir au pouvoir lui-même et le Fpr, un pouvoir absolu et violent.
Premièrement, parce que le pouvoir a été obtenu par des moyens violents, par une minorité, il a dû asseoir sa légitimité par l’élaboration d’un récit, une histoire qui commence par le génocide, continue avec un génocide qui définit sa raison d’être et est projetée dans le futur.
Selon ce récit, des extrémistes hutus ont abattu l’avion du président Habyarimana, ceci afin de donner un prétexte pour commencer le génocide. Le colonisateur belge est le géniteur de la division ethnique et de l’idéologie du génocide. Les Français ont aidé les Hutus à commettre le génocide et la communauté internationale a abandonné le Rwanda. Le Rwanda remonte spectaculairement la pente et pour cela les Rwandais sont redevables au Fpr et à son seul héros, le président Paul Kagame. Pour parfaire sa narration, le régime du FPR a été jusqu’à bannir le français comme langue d’instruction au Rwanda.
Chaque changement doit avoir sa narration et ses disciples. Et il doit avoir des amis pour la promouvoir et la défendre et des ennemis contre lesquels il doit se mobiliser et s’organiser. A l’origine, la France et les Hutus étaient les seuls ennemis. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont émergé comme les nouveaux amis, pendant que Tony Blair et le président Clinton devenaient les champions enthousiastes du nouveau gospel. Celui qui ne concorde pas avec cette narration est considéré comme cherchant la division, révisionniste et génocidaire. La mort, l’emprisonnement, l’exil ou le silence sont le sort de ces critiques.
Deuxièmement, depuis sa prise de pouvoir en 1994, le régime Fpr de Kagame a fait usage de la violence organisée et de la guerre comme moyens de politique intérieure et étrangère. : l’avion du président Habyarimana abattu a déclenché le génocide, le meurtre d’évêques et de prêtres (1994), le rapport de Robert Gersony qui documente les massacres à grande échelle du Fpr (1994), les massacres de Kibeho (1995), le UN Mapping Report de 2010 qui documente les crimes de guerres, les crimes contre l’humanité et même de possibles actes à caractère de génocide contre les Hutus, les assassinats des opposants à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour ne mentionner que ceux-là.
En 1994, il a assassiné le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira. En 2001, il a assassiné le président de la République démocratique Congo (Rdc), Laurent Kabila, après avoir envahi ce pays deux fois et avoir maintenu sa présence par l’intermédiaire de groupes comme le M23. Pas loin de 6 millions de personnes ont péri en Rdc en raison des politiques et actions de Kagame. Les troupes de Kagame ont combattu les troupes ougandaises en Rdc en 2000. Il a cherché querelle à la Tanzanie et maintenant à l’Afrique du Sud. Il a combattu le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie en Rdc.
Troisièmement, il a créé une armée dans l’armée au sein des institutions militaires et de sécurité (Garde républicaine et Forces spéciales), des services de renseignements en compétition et des réseaux informels tout en excluant ou marginalisant d’une façon ou d’une autre les rivaux réels ou supposés.
L’armée est la colonne vertébrale du gouvernement rwandais. Le président Kagame discute des politiques majeures et prend ses décisions avec les officiers supérieurs avant que de les discuter avec des assistants civils. Des officiers militaires choisis sont le véritable gouvernement. Les civils du gouvernement sont des technocrates au service des militaires. Les forces de défense du Rwanda (Fdr) ne sont pas dans leur essence une institution nationale. Ils doivent leur allégeance non pas à l’Etat ou au peuple, mais à une organisation politique, le Front patriotique du Rwanda et son chef suprême, le président Kagame. Pas surprenant que ce dernier appelle les Fdr "mon armée" et ses officiers "mes officiers"
Les Fdr sont déployés dans tout le pays et ses officiers dans les ambassades du monde entier. Ces derniers servent aussi d’agents dans un vaste réseau global. Ils remplissent de nombreuses fonctions politiques pour le Fpr. Les militaires sont responsables pour la mobilisation de la population en faveur du parti. Ils convainquent ou contraignent les faiseurs d’opinion de rejoindre et de servir le Fpr. Des officiers militaires sont responsables pour la supervision les élections des responsables locaux désignés par le Fpr.
Les Fdr sont chargés du trucage des élections en faveur du Fpr et les officiers militaires sont responsables et doivent s’assurer que les opposants du régime sont partout identifiés et détruits. Les officiers des Fdr sont presque à 100% tutsis !
Quatrièmement, au sein du Fpr, sa stratégie consiste à marginaliser ou à éliminer des ennemis réels ou imaginés et à transformer le parti en une assemblée qui approuve sans discussion la volonté du président. Le Fpr est officieusement le seul parti autorisé à faire de la politique au Rwanda.
Le parti est l’instrument du président Kagame pour contrôler tous les aspects de la vie au Rwanda. Le parti contrôle le pays par les fonctionnaires qu’il nomme à des fonctions publiques à tous les niveaux. Ses membres représentent largement la majorité dans toutes les institutions.
Le parti maintient un contrôle strict de tous les officiels qui sont contraints de prêter serment et par des procédures disciplinaires, ce qui constitue une violation de la loi qui demande que certains fonctionnaires publics soient indépendants.
Le secrétariat du parti fonctionne comme un bureau parallèle à celui du Premier ministre. Le secrétariat du Fpr est responsable des nominations de tous les fonctionnaires publics civils, y compris les ministres, les juges et les législateurs, et prépare les recommandations pour l’approbation de Kagame si ce dernier a pris sa décision au préalable.
Il est responsable de la discussion et de l’approbation pour le développement de toute politique, y compris les propositions de politiques et les décisions importantes qui doivent être discutées au parlement. Il lui revient également de discipliner tous les fonctionnaires public civils qui sont membres du parti, y compris les ministres, les juges et les législateurs qui du point de vue de la loi devraient être indépendants. Le parti est un vaste réseau de mécanismes gouvernementaux informels qui opèrent à tous les niveaux de l’organisation de l’administration de l’Etat.
Cinquièmement, les institutions gouvernementales formelles (parlement, judiciaire et l’exécutif) sont situées bien bas sur l’échelle des structures du pouvoir au Rwanda. Les Hutus, qui sont accommodés par le système, se trouvent principalement dans le gouvernement formel. Les membres du gouvernement formel ne sont rien de plus que des technocrates mettant en œuvre les politiques décidées par d’autres et n’ont pas d’influence à moins d’avoir d’excellentes relations avec le parti, les militaires ou le président et son épouseEn fait, le Fpr s’assure que les départements du gouvernement les plus importants sont confiés à des membres tutsis de confiance.
Les institutions les plus essentielles à l’égard des stratégies du président Kagame et de sa mainmise absolue sur le pouvoir sont contrôlées par des Tutsis (Banque centrale, ministère des finances, ministère de la Santé, les services fiscaux, le ministère de la Justice et le ministre des Affaires étrangères)
Sixièmement, en ce qui concerne les partis politiques, la stratégie consiste à les coopter, corrompre, marginaliser ou à les détruire. Depuis la brève expérience de coopération avec d’autres partis politiques en 1995, le Fpr, sous la direction de Kagame, a totalement fermé l’espace politique aux partis politiques. Les seuls partis politiques autorisés à exister et à fonctionner légalement au Rwanda sont ceux alliés au Fpr. Les chefs de l’opposition qui ont osé exercer de façon indépendante leur droit de participer à la politique rwandaise ont été incarcérés, tués ou sont en exil (l’ancien président Pasteur Bizimungu, Charles Ntakirutinka, Victoire Ingabire, Bernard Ntaganda, Deo Mushaidi et d’autres).
Septièmement, fermer l’espace aux médias indépendants, à la société civile ou à l’expression libre des intellectuels. Des journalistes rwandais, les militants pour les droits humains, les dirigeants d’Ong ont été emprisonnés, tués à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda et les journaux indépendants sont interdits.
Huitièmement, manipuler les relations avec les étrangers, usant de la culpabilisation et de l’intimidation. Le président Kagame et le Fpr ont cultivé un réseau élaboré d’étrangers (et quelques Rwandais) qui doivent "vendre" l’image du président Kagame ainsi que le narratif dont il est le seul héros comme sauveur du Rwanda.
Le Rwanda dépend grandement de l’assistance étrangère qui découle de la réputation de Kagame, le dirigeant célébré par l’Occident pour avoir fait du Rwanda "un nouveau Singapour de l’Afrique". Cette réputation est donc vitale pour maintenir le flux continu de l’aide. Il s’ensuit que ce groupe de personnes joue un rôle essentiel pour maintenir et promouvoir une telle image. Au travers de ce qu’il nomme le Presidential Advisory Council (Pac), il réussit à promouvoir une douce et trompeuse image de lui-même à l’étranger, particulièrement à l’endroit des plus importants : les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Par du lobbying, des relations publics et l’accès au média, ces facilitateurs aident le président Kagame à se promouvoir lui-même et le protègent d’avoir à rendre des comptes pour les crimes qu’il a commis au Rwanda, en Rdc et ailleurs à l’étranger.
Dans ce groupe, les plus véhéments et les plus puissants sont Tony Blair, le président Bill Clinton et l’évangéliste américain Rick Warren. Ils vantent le président Paul Kagame comme étant l’un des dirigeants les plus visionnaires au monde.
Neuvièmement, par son contrôle personnel et absolu sur les affaires d’argent, le président Kagame finance une stratégie en trois points pour se maintenir au pouvoir au Rwanda :
- Etablir un service de renseignement capable d’identifier et de neutraliser toutes les menaces réelles ou imaginaires,
- Maintenir une armée forte capable de protéger le régime et de projeter sa puissance à l’étranger,
- Assurer les ressources pour financer les activités des militaires et les institutions de sécurité qui le maintiennent au pouvoir.
Ces ressources, le président Kagame les tire des fonds publics et des activités commerciales du Fpr. Les hommes et les femmes responsables pour générer, gérer et livrer ces ressources sont très influents. Crystal Ventures (anciennement Tri-Star investments) et le Horizon group, qui sont ostensiblement la propriété du Fpr et du département de la Défense, sont pratiquement sa propriété. Lui seul contrôle cet empire commercial. Les comptes de ces entreprises sont secrets et ne sont jamais soumis à un audit indépendant. Les gestionnaires de ces entreprises ne rendent des comptes qu’à Kagame lui-même. Kagame lui-même ne rend pas de comptes à quelque organe que ce soit du Fpr sur ses affaires ou en matière de finance.
Dixièmement, la pièce centrale et décisive dans le drame rwandais contemporain est le président Kagame lui-même. On me demande souvent ce qui motive Paul Kagame ? Comment son caractère, formé par son statut de réfugié à un jeune âge et son implication dans de violents conflits en Ouganda, au Rwanda, en Rdc, a-t-il affecté le regard qu’il pose sur le monde ?
Depuis les années 1980, Paul Kagame a été au centre de violents conflits qui s’étendaient de l’Ouganda, au Rwanda et à la République démocratique du Congo. Dans ces conflits il y a eu des tueries à large échelle et d’autres effroyables violations des droits humains. Kagame porte une responsabilité personnelle pour avoir été le commandant pour nombre de ces crimes, y compris des assassinats et d’autres sérieuses violations des droits humains.
Après une vie d’une violence inimaginable, il apparaît que Kagame est un tueur en série et un assassin de masse, une personne sans regret ni remords pour ses actes de violences, que lui ou ceux qui agissent sur ses instructions, ont commis. Il n’a pas de scrupule à ce propos. Au contraire, il n’hésite jamais à dire dans des conversations publiques ou privées, que ces opposants doivent mourir.
A propos de sa plus récente victime, le colonel Patrick Karegeya, assassiné à Johannesburg en Afrique du Sud, le président Kagame a froidement dit : "Le Rwanda n’a pas tué cet homme… J’aurais souhaité que le Rwanda l’aie fait… Vraiment je l’aurais souhaité." Lorsqu’il lui fût demandé ce qu’il pensait de l’avion du président Habyarimana abattu, il est cité comme ayant dit : "Je n’en ai strictement rien à faire"
Il ne s’arrête jamais et prend des risques de plus en plus grands, bien au-delà de tout comportement rationnel. Quelques semaines après l’assassinat du colonel Karegeya, des agents rwandais ont tenté d’assassiner le général Kayumba Nyamwasa pour la troisième fois, déclanchant ainsi une crise diplomatique entre l’Afrique du Sud et le Rwanda
Probablement en raison de ses crimes passés, le président Kagame est très paranoïde et redoute des complots qui le destitueraient et craint pour sa sécurité en général.
Les actions de Kagame sont largement influencées par son passé. Kagame croit que le nom d’une personne ou sa réputation est sa possession la plus précieuse. Il a établi une fausse réputation de frugalité, d’incorruptibilité et de responsabilité de son gouvernement et celle du héros qui a mis un terme au génocide. Préserver cette fausse image est cruciale pour la préservation de son monopole du pouvoir du Rwanda. Le plus grand souci de Kagame est que des gens puissent avoir des informations (y compris concernant la corruption et sa responsabilité dans les assassinats, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en Ouganda, au Rwanda et la Rdc) qui pourraient ternir l’image publique qu’il s’est fabriquée)
Le passé criminel de Kagame et la nécessité d’éviter toute responsabilité expliquent pourquoi il veut rester au pouvoir à tout prix, y compris par les assassinats d’opposants, particulièrement ceux qui le connaissent très bien.
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de résumer les traits saillants des vingt ans de règne de terreur du président Paul Kagame et du Fpr : une narration pervertie et trompeuse qui criminalise les Hutus en particulier et tous leurs opposants en général, un recours excessif à la violence et à la guerre au niveau national et régional, la "tutsification" du leadership de l’armée tout en éliminant des prétendants au pouvoir réels ou imaginaires, l’usurpation et la centralisation excessive des pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs, la fermeture de l’espace politique pour les partis politiques, la société civile, les médias indépendants et les activités intellectuelles, le contrôle personnel d’un empire financier qui s’étend du secteur public au secteur privé et la mentalité d’un tueur en série et d’un meurtrier de masse qui agit sans relâche en toute impunité.
C’est cet état des choses qui a amené quelques uns d’entre nous, anciens membres du Fpr et partenaires du président Paul Kagame, à quitter ses rangs et, avec d’autres Rwandais de toutes les ethnies, à fonder le Rwanda National Congress (Rnc) qui a les objectifs suivants :
- Mettre un terme et prévenir les conflits violents, y compris le génocide et les graves violations des droits humains dont le peuple rwandais a souffert périodiquement et qui se sont historiquement étendus aux hommes, aux femmes et aux enfants des Etats voisins,
- Eradiquer la culture d’impunité quant aux violations des droits humains,
- Créer un environnement favorable à l’inclusion sociale, au développement économique pour toute la population du Rwanda,
- Etablir, soigner et institutionnaliser une gouvernance démocratique, particulier le respect de la loi dans tous ses aspects,
- Etablir des institutions militaires et civiles professionnelles indépendantes et neutres,
- Construire une société stable qui promeut et protège l’égalité, embrasse et célèbre la diversité et favorise l’inclusion de tous les aspects de la vie nationale ; promeut la guérison et la réconciliation individuelles, communautaires et nationales ; promeut les relations harmonieuses, la réconciliation et une collaboration mutuellement bénéfique avec les peuples et les gouvernements des Etats voisins,
- Résoudre le problème chronique des réfugiés et
- Favoriser une culture de tolérance à diverses idées, la liberté d’expression, la discussion et le débat des questions importantes
Au cœur de notre programme, largement partagés par la majorité des Rwandais et le groupe auquel notre organisation appartient avec le Fdu-Inkingi et Amahoro People’s Party, il y a le triple de défi de :
- élaborer une armée et des institutions de sécurité nationales plutôt qu’otage d’une clique basée sur l’ethnie,
- garantir les libertés fondamentales et la démocratie avec des garanties pour les minorités et,
- rechercher la vérité, la réconciliation et la justice pour tous comme une condition indispensable pour une paix durable au Rwanda et dans la région des Grands Lacs.
Nous avons prêché cela et le dialogue comme chemin vers un changement pacifique mais le président Paul Kagame a constamment répondu par la violence, déclarant et agissant résolument pour exclure toute possibilité pour une réforme pacifique au Rwanda. Maintenant le Rwanda, comme en 1959 et en 1994, est de nouveau à un carrefour, avec un chemin qui mène à la guerre civile et encore davantage d’effusions de sang.
Le président Paul Kagame et son FPR sont armés et dangereux. Ils ont pris onze millions de Rwandais en otage et menacent une fois de plus de mettre toute la région des Grands Lacs à feu et à sang. Une autre guerre civile et un autre génocide ne sont pas inévitables. On peut les prévenir. Toutefois, la fenêtre d’opportunité se ferme rapidement.
La communauté internationale a une obligation d’aider les Rwandais à résister, à contenir, à arrêter et à inverser le règne de terreur du président Paul Kagame. Vingt ans d’apaisement ont simplement rendu son régime plus intransigeant et toujours prêt à agir en toute impunité.
Le premier pas dans ce processus est que la narration sur le Rwanda soit juste. Je suis content que cette conférence vise cet objectif.
Le deuxième pas consiste à surmonter la peur et la culpabilité et à dénoncer. L’Histoire montre que la peur et le silence sont des armes très puissantes dans les mains de régimes dictatoriaux.
Le troisième pas est de ne pas nuire. Si vous ne pouvez aider le peuple rwandais au moins n’aidez pas ceux qui le tuent. A ceux qui se sont alliés à lui, à Londres et à Washington Dc, nous disons : assez c’est assez ! Arrêtez d’aider et de récompenser le comportement criminel du président Kagame.
Enfin, puissions nous rester en contact et créer des réseaux. Les régimes dictatoriaux adorent confronter les opprimés dans la solitude, pour les vaincre les uns après les autres.
Si nous pouvons rassembler nos esprits et nos actions, nous ferons de la devise de la France "Liberté, Egalité, Fraternité", elle-même une aspiration humaine universelle, pertinente et possible pour le Rwanda comme elle l’a été durant des siècles pour la France
Je vous remercie
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** Dr Théogène Rudasingwa a été le chef d’Etat major du président Paul Kagame, ambassadeur du Rwanda aux Etats-Unis et secrétaire général du FPR, le parti au pouvoir. Actuellement, il est le coordinateur du Rwanda National Congress et l’auteur de Healing a Nation : a testimony – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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