Malgré le fait d’avoir des politiques claires pour protéger les dénonciateurs, le système interne de l'Onu pour la justice met à peine en œuvre ces politiques. Certains dénonciateurs ont été licenciés ou rétrogradés ; d'autres ont été soumis à des formes subtiles de violence, comme le non-renouvellement de contrats ou le transfert soudain de lieux d'affectation éloignés. Beaucoup d'autres ont été contraints de quitter pour sauver leurs moyens de subsistance, leur santé et leur réputation.
[NOTE: Ceci est une lettre de la Coalition des dénonciateurs des Nations Unies pour le Rapporteur spécial de l'Onu sur la liberté d'opinion et d'expression, David Kaye, qui présentera un rapport sur la protection des sources et les dénonciateurs à l'Assemblée générale des Nations unies en Octobre.]
Au cours des décennies écoulées, les Nations Unies et les agences spécialisées ont édictées de nouvelles directives pour les lanceurs d’alerte. Malheureusement, la mise en œuvre laisse à désirer dans de nombreuses agences des Nations Unies et les directives elles-mêmes peuvent se trouver à la traîne des standards de bonne pratique. Dans la pratique, notre expérience nous montre que ces directives n’offrent que peu de protection significative aux lanceurs d’alerte.
Comme le montre les résumés de cas ci-dessous, les représailles contre les lanceurs d’alerte peuvent affecter l’entier système des Nations Unies. Certains lanceurs d’alerte ont été licenciés ou rétrogradés. D’autres ont subis des formes plus subtiles de pression comme le non renouvellement de contrat ou le transfert subit vers des horizons lointains. Beaucoup d’entre eux subissent harcèlement et intimidation. Les lanceurs d’alerte aux Nations Unies peuvent aussi, en représailles, voir leur visa annulé ou se trouver dans l’obligation de fuir le pays où ils vivent et travaillent. Par conséquent nous pouvons affirmer que la peur de dénoncer des forfaits est commune.
Parce que les Nations Unies bénéficient d’une large immunité légale, en particulier en ce qui concerne les conflits de personnalité, les membres du personnel ne peuvent avoir recours aux Cours de justice nationale pour résoudre les disputes au travail. Il s’en suit que les lanceurs d’alerte aux Nations Unies sont contraints de passer par de longs et souvent coûteux processus d’appels internes, qui sont compromis par des conflits d’intérêts structurels. De toute façon, l’organisation est l’accusée amenée a comparaître devant le tribunal interne alors que le tribunal est hébergé et financé par l’institution.
Ainsi, le système de justice des Nations Unies fait défaut aux lanceurs d’alerte et la plupart d’entre nous ont dû quitter les Nations Unies pour conserver notre gagne-pain, notre santé et notre réputation. Le Bureau d’éthique des Nations Unies, qui reçoit les demandes de protection des lanceurs d’alerte, a documenté des représailles dans moins de 4% des cas qu’il a eu a examiner depuis sa création en 2006. Le Bureau a été contacté par plus de 440 lanceurs d’alerte potentiels, a examiné environ 120 cas et a documenté quatre cas de représailles et l’un de ces lanceurs d’alerte affirme qu’il n’a pas été protégé de façon adéquate contre des représailles.
Le système interne de justice des deux tiers, par lequel les employés des Nations Unies contestent la violation de leurs droits administratifs, a également manqué de protéger la plupart des lanceurs d’alerte. Alors que le tribunal des disputes de première instance (Undt) a statué en faveur des lanceurs d’alerte, la Cour d’appel des Nations Unies (Unat) a cassé ces verdicts pour des raisons de procédure.
L’Unat semble avoir un clair penchant en faveur du secrétaire général. Selon le 7ème rapport d’activité du Bureau de l’administration de la justice (1er janvier au 31 décembre 2013), 72% des appels des plaignants ont été rejetés par l’Unat, et seuls 18% des appels provenant du secrétaire Général ont été rejetés. Ce modèle est aussi mis en évidence lors de la plus récente session de l’Unat, lorsqu’il a rejeté la majorité des plaintes déposées par des membres du personnel et a accepté la majorité des cas soumis par le secrétaire général.
Nous sommes particulièrement préoccupés à propos du bilan de l’Unat concernant les lanceurs d’alerte. Dans un cas après l’autre les juges ont tranché en la défaveur des lanceurs d’alerte. Même lorsque l’Unat tranche en faveur du lanceur d’alerte, le tribunal souvent réduit les compensations octroyées par l’Undt, à une somme qui ne couvre pas la totalité des conséquences des représailles.. Un exemple particulièrement parlant est celui du jugement de Wasserstrom, décrit ci-dessous. Les cas de Nguyen-Kropp & Postica, Hunt-Matthes, Rahaman, Shkurtaj et Tadonki démontrent l’hostilité de la Cour d’appel à l’égard des lanceurs d’alerte.
Les droits des lanceurs d’alerte sont des droits humains. Les lanceurs d’alerte devraient être protégés par les principes de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, le Pacte international sur les droits civiques et politiques et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier lorsqu’ils travaillent pour des organisations chargées de faire respecter ces conventions. Une organisation ne devrait pas avoir le droit d’exercer des représailles contre les lanceurs d’alerte impunément, simplement parce qu’elle est au bénéfice d’une immunité au plan des lois nationales.
Nous faisons appel à vous afin que vous révisiez de toute urgence la protection des lanceurs d’alerte parmi les membres du personnel des Nations Unies ainsi que pour ceux qui travaillent dans des agences spécialisées et des organisations internationales qui ne sont pas protégés par les lois nationales. Dans le cas des lanceurs d’alerte, l’immunité peut rapidement devenir de l’impunité. Sans véritable protection des lanceurs d’alerte, des méfaits au sein des Nations Unies – que ce soit l’exploitation sexuelle, des abus de pouvoir, de la fraude ou de la corruption- seront insuffisamment rapportés et continueront de plus belles. Personne n’aura de comptes à rendre, ce qui ne peut qu’endommager l’autorité morale des Nations Unies et, au final, sa légitimité.
LES LIMITATIONS DES POLITIQUES
Le document ci-joint du Government Accountability Project, une organisation américaine à but non lucratif qui assiste les lanceurs d’alerte, décrit quelques unes des carences de la politique du secrétariat des Nations unies en ce qui concerne les lanceurs d’alerte. De plus notre association souhaite souligner les problèmes de politiques additionnels décrits ci-dessous.
En janvier 2014, le Congrès américain a adopté une législation qui prohibe l’allocation de 15% de sa contribution au secrétariat des Nations Unies ou toute autre agence des Nations Unies, jusqu’à ce que le Département d’Etat annonce que l’organisation met en œuvre les meilleures pratiques pour la protection des lanceurs d’alerte, y compris" :
- (i) la protection contre les représailles et la publication légale ;
- (ii) le poids de la preuve légale ;
- (iii) une statut de limitation pour rapporter des représailles ;
- (iv) l’accès à un organe de justice indépendant, y compris un arbitrage extérieur et ;
- (v) des résultats qui éliminent les effets de représailles prouvées".
Actuellement, les Nations Unies clairement ne remplissent pas trois de ces critères clés. Premièrement, les Nations Unies n’offrent pas l’accès à un arbitrage extérieur aux lanceurs d’alerte. Deux lanceurs d’alertes des Nations Unies - Khalilur Rahman de la Cnuced et Miranda Brown (anciennement à l’Ompi et au Hcdh) – ont récemment requis un arbitrage externe qui leur a été refusé. Le Bureau du secrétaire général leur a, à chacun, adressé une lettre, affirmant que le système de justice interne aux Nations Unies n’a pas de disposition pour un tel accès. Deuxièmement, les Nations Unies ne se conforment pas aux limitations des statuts de la meilleure pratique. Bien que la politique des lanceurs d’alerte dit que les lanceurs d’alerte ont des années pour se plaindre de représailles, en pratique ils n’ont que 60 jours pour combattre un acte de représailles au travers du système de justice de l’organisation (les statuts de la meilleure pratique accordent au moins six mois).
Les Nations Unies ont aussi un maigre bilan en ce qui concerne la protection des lanceurs d’alerte et pour ce qui est de leur accorder un secours extensif qui élimine les effets de représailles prouvées comme démontrés dans les cas ci-dessous.
DES EXEMPLES DE CAS
Les cas suivants montrent comment la protection des lanceurs d’alerte est mise en œuvre au sein des Nations Unies. Nous sommes à disposition pour fournir de plus amples informations concernant chacun de ces cas. Tous les lanceurs d’alerte ne font pas partie de notre coalition, mais nous avons été autorisés à rendre ces cas publics.
Aicha El Basri (secrétariat) : El Basri est l’ancienne porte-parole de la Mission conjointe entre les Nations Unies et l’Union africaine pour le Darfour (Unamid) Elle affirme qu’Unamid et le Département des opérations du maintien de la paix ont, de façon routinière, trompé les médias et les membres Conseil de sécurité en couvrant des crimes atroces commis par les forces du gouvernement du Soudan, y compris le ciblage ethnique, les déplacement forcés et le bombardement de civils, les viols de masse systématiques ainsi que des attaques sur les Casques bleus. El Basri a démissionné, en protestation, en avril 2013, et a demandé au UN Office of Internal Oversight Services (Oios) d’enquêter sur ses révélations. Ce qui n’a pas été fait. Le 23 juin 2014, la Cour pénale internationale a appelé le secrétaire général, Ban Ki Moon, à mener "une enquête approfondie et indépendante" sur la base des allégations publiques d’El Basri. Ban n’a pas donné suite, ordonnant à la place une enquête par une équipe interne composée de membres du personnel des Nations unies auxquels manquaient l’expertise et l’indépendance.
L’équipe a conclu que pour cinq situations Unamid a passé sous silence des preuves clés qui établissent la responsabilité des forces gouvernementales pour des crimes, y compris le massacre de 100 civils. Toutefois, l’équipe n’a pas retenu la mauvaise conduite de la Mission et son manque de franchise dans ses rapports comme étant une mauvaise conduite. A ce jour, les Nations Unies refusent de rendre le rapport public ou de demander des comptes aux responsables d’Unamid.
James Wasserstrom : (UN secretariat) : Wasserstrom, un citoyen américain était un haut fonctionnaire dans l’UN Interim Administration Mission in Kosovo (Unimik) qui a révélé un système de probables dessous de table impliquant des politiciens locaux et des hauts fonctionnaires d’Unimik. Après ses révélations, son contrat n’a pas été renouvelé, son passeport a été confisqué, sa voiture et son appartement fouillés. Il a subi une enquête administrative et pénale et sa photo affichée à l’entrée de son ancienne place de travail.
Le Tribunal des Nations unies des disputes (Undt) a trouvé que le Bureau de l’éthique des Nations unies n’a pas appliqué correctement le poids de la preuve dans ce cas et est parvenu à une conclusion fondamentalement fallacieuse lorsqu’il a omis de documenter les représailles. Undt a décrété que les représailles étaient tellement extrêmes qu’elles violaient la Déclaration universelle des Droits de l’nomme. En 2014, la Cour d’appel des Nations unies a cassé le jugement de l’Undt, estimant que le cas n’était pas recevable parce que les conclusions de l’Ethics Office ne peuvent être remises en cause dans un système de justice formel.
Khalibur Rahman (Cnuced/ secrétariat) : Le cas de Rahman est la première instance dans laquelle l’UN Ethics Office a confirmé les représailles. En 2010, le Bureau a trouvé que plusieurs hauts fonctionnaires de l’UN Trade and Development (Cnuced) ont exercé des représailles à son encontre pour avoir révélé la sérieuse inconduite de hauts fonctionnaires. Le Bureau a recommandé qu’il soit transféré et que des actions disciplinaires soient entreprises à l’égard des malfrats. Le secrétaire général a rejeté cette recommandation et a ordonné son retour à la Cnuced quand bien même celle-ci a fait savoir qu’il ne pourrait pas le protéger des représailles. Les Nations Unies lui ont refusé des compensations pour des dommages et ne l’ont pas protégé des représailles.
Bien que les auteurs des représailles se sont vus amender un tout petit peu, l’un a été promu et tous deux sont employés par la Cnuced à des postes post-retraites. Rahman a demandé un arbitrage externe mais le secrétaire général a refusé. Rahman a aussi fait appel à l’Unat pour restaurer aussi bien sa position professionnelle que financière. Dans son jugement, 2014-Unat-453, l’Unat a rejeté le cas. En réponse, George Irving, l’avocat de Rahman, a déclaré : "Les Nations Unies ont manqué l’occasion finale de satisfaire au seuil minimal accepté universellement comme meilleure pratique dans ce premier cas de représailles prouvées au sein du secrétariat. Mon client a été plus mal traité que ses tourmenteurs…"
Caroline Hunt-Matthes : (UNHcr/ Secrétariat) : Hunt-Matthes était une enquêtrice senior au sein du Bureau Général de l’Inspection du Hcr. Entre autres choses, il a rapporté des interférences avec les enquêtes sur un cas d’allégation de viol par un membre du personnel des Nations Unies, le refus d’accepter une plainte pour harcèlement sexuel de la part du Haut-commissaire et la détention illégale de réfugiés par des membres du personnel du Hcr. Après ses révélations, elle a été licenciée avec 24 heures de préavis.
Le Bureau de l’éthique n’a pas trouvé de cas « prima facies» de représailles dans ce cas. Undt a commencé par un verdict en sa faveur et critiqué sévèrement le Bureau de l’éthique. Un deuxième verdict a jugé qu’elle a subi des représailles. En 2014 Unat a infirmé le premier verdict parce que les représailles ont eu lieu avant l’établissement du Bureau de l’éthique et a renvoyé le cas à Undt pour des questions techniques. La décision de l’Unat ignore le fait que Hunter-Matthes a fait appel au Bureau pour l’éthique en 2006, c'est-à-dire après l’établissement et l’adoption de la nouvelle politique concernant les lanceurs d’alerte. De plus elle demandait la protection contre des représailles continues qui ont eu lieu en 2006. A l’heure qu’il est, Hunter Matthes continue d’attendre justice après dix ans de batailles légales.
Ms X (secrétariat) : Ms X est citoyenne américaine qui travaillait comme officier de police dans le cadre de la mission des Nations Unies en Haïti (Minustah), par le biais d’une compagnie sous contrat avec le Département d’Etat. Ms X a fait plusieurs révélations, y compris une concernant l’exploitation sexuelle potentielle, ainsi que des abus sur des femmes vivant dans des camps destinés aux victimes du tremblement de terre, par des officiers de police des Nations Unies. En représailles, on lui a fait une évaluation de prestations négative. On l’a menacée d’enquête et son contrat a été brutalement terminé. Ms X a porté plainte pour représailles auprès du Bureau pour l’éthique, lequel a conclu que la politique de protection des lanceurs d’alerte des Nations Unies ne s’étendait pas aux officiers de police et que donc il ne pouvait la protéger.
Moncef Kateb (Ompi) : Kateb était l’ancien président du Conseil du personnel de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi). Il a été licencié le 24 septembre 2014, après avoir fait plusieurs révélations de lanceur d’alerte, y compris concernant des envois illégaux d’équipements électroniques sophistiqués à la Corée du Nord. Son licenciement a eu lieu avant la réunion des gouverneurs de l’Ompi, lors duquel il était attendu qu’il critique le style controversé de gestion et le comportement du Directeur général, Francis Gurry. Aussi bien le Rapporteur spécial que le syndicat des employés des Nations Unies ont demandé la réintégration de Kateb, mais à ce jour il n’a pas été réintégré.
James Pooley (Ompi) : Pooley était le vice directeur général (Dg) de l’Ompi. Il a révélé les abus de pouvoir illimités du directeur général, Francis Gurry, son supérieur immédiat. M. Pooley a d’abord allégué qu’en ordonnant à un comité interne de procéder à des changements, Dg Gurry ne respectait pas les règles concernant les appels d’offres dans un processus de soumission compétitif afin de favoriser une compagnie gérée par un autre Australien de ses amis. Lorsque le comité a refusé, Gurry a annulé le processus et donné l’ordre que le contrat soit directement alloué à la compagnie de son ami. Pooley allègue également que Dg Gurry a donné des preuves volées à la police suisse afin d’incriminer des membre du personnel qu’il suspectait de le critiquer.
Pooley a été l’objet de représailles sous forme de restriction de voyage professionnel, l’exclusion des consultations, la marginalisation et la perte de responsabilités. Il a porté plainte pour représailles comme prévu dans la politique de l’Ompi, mais parce que son contrat expirait dans les deux mois, l’Ompi a refusé de la prendre en compte, considérant qu’il n’était plus membre du personnel.
Miranda Brown (Ompi) Brown était la conseillère en stratégies auprès du directeur général de l’Ompi, Francis Gurry. Elle a révélé des abus illimité de pouvoir de la part de Dg Gurry, qui était son supérieur immédiat. Brown a allégué que Gurry était impliqué dans des schémas de traitements dégradants, de discrimination et de comportement abusif à l’égard du personnel. Elle a aussi allégué que Gurry a donné des preuves volées à la police suisse afin de prélever l’Adn de membres du personnel et incriminer ceux qu’il pensait le critiquer. Brown a été contrainte de quitter l’Ompi. Elle est allée vers une autre organisation des Nations Unies, le bureau du Haut commissariat des Droits de l’homme, à un posté classé en dessous de celui qu’elle occupait précédemment. Dans les jours qui ont suivi son témoignage, le contrat de Brown n’a pas été renouvelé, et lorsqu’elle a fait appel il lui fût répondu qu’elle serait transférée aux Fidji (un des postes les plus éloignés de Genève) avec effet immédiat.
Ai Loan Nguyen-Kropp & Florin Postica (secrétariat) : En 2009, ces enquêteurs ont révélé que le directeur intérimaire de la division des enquêtes Oios, a retenu et manipulé les preuves dans un cas. Suite à quoi le directeur intérimaire a expulsé Nguyen-Kropp de son bureau et lui a fait une évaluation de prestation négative. Le département du management a encore aggravé les représailles en initiant une enquête à l’encontre de Nguyen-Kropp & Postica et a sollicité plusieurs organisations intergouvernementales afin qu’elles fournissent un spécialiste pour la mener. Aucun des lanceurs d’alerte n’a été informé ou n’a eu l’occasion de répondre. Le Bureau de l’éthique a trouvé un cas de représailles « prima facies », mais n’a pas documenté ces représailles. Le verdict de l’Undt a été en faveur des lanceurs d’alerte, concluant qu’«il est difficile de trouver un lien plus direct entre une activité protégée et une action adverse". Mais en 2015, l’Unat a jugé que le cas n’était pas recevable et a annulé le verdict de Undt, laissant les lanceurs d’alerte les mains vides.
Georges Tadonki (secrétariat) : Tadonki travaillait pour le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), responsable du bureau au Zimbabwe. En 2008, il a fait part de sa préoccupation quant au degré de impréparation humanitaire du pays et le sévère risque de choléra (Une épidémie de choléra incontrôlée s’est déclarée par la suite, laquelle aurait pu être évitée si les Nations Unies avaient écouté ses mises en garde). Suite à quoi Tadonki a été soumis à une enquête, abruptement renvoyé de son bureau et son contrat n’a pas été renouvelé. UNDT a jugé qu’il y avait eu représailles et a référé plusieurs fonctionnaires supérieurs au Secrétaire Général pour de possibles mesures pour renforcer la responsabilité. Plutôt que de discipliner les fonctionnaires, le Secrétaire Général a fait appel à l’UNAT qui a confirmé les représailles, mais a si bien réduit les compensations qu’elles sont insuffisantes pour réparer les torts.
Vesna Dzuverovic : (UN Habitat/Secretariat) Après avoir travaillé pendant cinq ans comme volontaire aux Nations Unies, Dzuverovic a été recruté par UN Habitat pour un poste professionnel de nature financière. Lorsque l’OIOS a mis en circulation en mémorandum invitant le personnel à dénoncer les malversations financières- confrontée à des irrégularités quotidiennes qu’elle ne pouvait empêcher- elle s’est adressée à l’OIOS selon les recommandations de l’ombudsman des Nations Unies. Une semaine plus tard elle était transférée contre sa volonté et encore transférée à des postes nouveaux et différents. Finalement son contrat n’a été renouvelé que pour 5 mois avant qu’elle puisse prétendre à la caisse de pension des Nations Unies. Elle a eu recours à tous les organes de protection du personnel mais en dépit de leur soutien, elle n’a jamais été réintégrée.
En 2011, elle a contesté devant l’Undt le refus de l’Oios d’enquêter aussi bien sur ses révélations originelles que sur les représailles qu’elle a subies (elle affirme avoir été mise sur une liste noire parce qu’elle n’a plus jamais été choisie pour un poste n’importe où au sein des Nations Unies, quand bien même elle a régulièrement postulé et était parfaitement qualifiée), mais l’Undt a jugé son cas inadmissible pour des raisons de procédure et a ajouté une recommandation de 16 paragraphes demandant au secrétaire général de revoir le cas et de rassurer les lanceurs d’alerte qu’ils sont en effet protégés. Deux ans ont passé, mais le secrétaire général n’a toujours pas donné suite.
Artjon Shkurtaj (Pnud) : Shkurtaj a révélé des irrégularités financières et administratives au sein du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en Corée du Nord, y compris le transfert apparent de devises fortes à des fonctionnaires et des entités nord-coréens, en violation des règlements du Pnud. La nomination de Shkurtaj a été révoquée et il lui fût interdit de pénétrer dans le périmètre des Nations unies. En 2007, le directeur du Bureau de l’éthique des Nations unies affirmait qu’il s’agissait bien là, « prima facies », de représailles. Ce à quoi le Pnud répondit qu’il n’était pas soumis à la juridiction du Bureau et a nommé un comité ad hoc. Le Bureau de l’éthique a passé en revue les conclusions du comité et a recommandé que Shkurtaj soit compensé parce que le Pnud a publié des conclusions négatives sans le lui notifier et sans lui permettre de répondre. Undt & Unat ont confirmé le verdict du Bureau mais l’Unat a réduit les compensations à 6 mois de salaire de base net, ce qui couvre à peine les coûts et encore moins les effets des représailles. Le sous-comité permanent d’investigations du Sénat américain a étudié le cas et a conclu que "le Pnud érode la protection des lanceurs d’alerte"
Cynthia Brzak (UnHcr) : En avril 2004, Cynthia Brzak, membre du personnel du Hcr de longue date, élue représentante syndicale, se plaint auprès de l’Oios d’avoir subi l’assaut du Haut commissaire aux réfugiés, Ruud Lubbers, et d’avoir été par la suite harcelée par Werner Blatter, le directeur des ressources humaines de l’époque. Une enquête de l’Oios en mai-juin 2004 a découvert un schéma de harcèlement sexuel et une inconduite de la part de MM. Lubbers et Blatter, l’Oios a recommandé que des mesures inter alia soient prises à leur encontre et que les conclusions de l’enquête soient communiquées au personnel du Hcr. C’est alors que le secrétaire général, Kofi Annan, a décidé que "ces allégations ne pouvaient être étayées", le rapport fût enterré et le directeur de l’Oios poussé vers la porte. Lubbers a finalement démissionné en février 2005, lorsque le gouvernement néerlandais et les Nations Unies le lui ont demandé parce qu’il devenait une nuisance de haut vol lorsque le scandale Pétrole contre nourriture a éclaté
En grande partie en raison de son cas, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé la création d’un Bureau de l’éthique et de la protection des lanceurs d’alerte qui a résulté dans la promulgation de ST/SGB/2005/21 en décembre 2005. Lorsque Ms Brzak et Nasr Ishak (un inspecteur senior supposé l’avoir aidée) ont rencontré le directeur du Bureau de l’éthique d’alors pour demander la protection contre les représailles qui avaient cours, il leur a dit "qu’ils lui faisaient perdre son temps" alors que c’est précisément le devoir du directeur de protéger les lanceurs d’alerte.
Brzak et Ishak ont porté le cas devant la Cour de justice américaine à New York où ils ont affirmé subir des représailles et du racket. Le cas a été rejeté, puis a été mis en appel pendant que le secrétaire général refusait de lever l’immunité diplomatique qui aurait permis des poursuites judiciaires. Puis en octobre 2010, la Cour suprême américaine a examiné la constitutionnalité de l’immunité diplomatique et a rejeté leur cas.
Dans l’intervalle, et bien que leur poste devait disparaître en mai 2005 et que les représailles n’ont jamais cessé, Ms Brzak et M. Ishak ont réussi à rester employés. Ms. Brszak a été hospitalisée deux fois pour des raisons professionnelles reconnues par les Nations Unies et a été contrainte de parcourir une nouveau labyrinthe procédurier qui a pris deux ans jusqu’à ce que ses frais de santé soient remboursés. Deux ans avant la retraite obligatoire, elle a pris l’option de l’accord standard de fin de service après plus de 30 ans de service.
Nasr Ishak (UnHcr) : Ishak a travaillé pendant près de 30 ans au Hcr dans des fonctions diverses, tant au quartier général que sur le terrain. Dans les années 1980 et 90, il a pris connaissance de cas de mauvaise gestion et d’inconduite y compris le viol, le harcèlement sexuel et l’exploitation, voire de tuerie/perte de vies inutile du personnel. Ces crimes ont souvent impliqué, ou tout au moins étaient connus, des échelons supérieurs du management qui, de façon routinière, n’a jamais eu à rendre de compte dans un contexte de culture du silence et l’impunité.
En 1992, alors président du conseil du personnel du Hcr, il a sifflé la fin de la partie en raison de sérieuses irrégularités de la part du directeur du département du personnel. Bien que le directeur en question ait été immédiatement suspendu de ses fonctions, Ishak a subi des menaces et des représailles, y compris de la part du Haut commissaire d’alors, qui a décidé de surseoir à la promotion recommandée d’Ishak jusqu’à ce qu’il quitte le conseil du personnel. Ce que Ishak a refusé. Ishak a alors publié un journal interne à destination du personnel et après la parution du premier numéro, a été poursuivi en justice par un haut représentant pour avoir révélé qu’il employait son épouse sous le couvert d’un projet financé par le Hcr et lui permettait de malmener le personnel et d’abuser des ressources.
Ishak a continué à dénoncer les mauvaises conduites et à subir les représailles, y compris les ingérences dans son bureau et son ordinateur et le déni de promotion. Mais c’est le cas d’accusation d’harcèlement sexuel contre le Haut Commissaire d’alors qui a porté les représailles contre Ishak à leur comble (voir le cas Cynthia Brzak), parce qu’il était supposé avoir conseillé Brzak de porter une accusation formelle contre le Haut commissaire.
En 2009, Ishak a été mis en congé de maladie et a été hospitalisé pour des maux professionnels. Lorsqu’il s’est présenté pour le processus interne, les fonctionnaires du Hcr (c'est-à-dire le directeur du Bureau de l’Ethique, le médiateur et l’inspecteur général/section investigation) n’ont pas jugé utile de prendre les mesures appropriées. Les aspects légaux du cas d’Ishak ont par la suite été revus par le Tribunal des disputes des Nations Unies et tous ont été sommairement rejetés de façon complètement arbitraire par le juge Cousin de Undt (qui a été engagé au mépris des règles édictées par l’Assemblée Générale des Nations Unies). Selon Ishak, le juge a manifestement violé son droit à être entendu sur leurs mérites respectifs et l’a menacé. A la requête du représentant du secrétaire général, le juge a même infligé une amende à Ishak de plus de 2000 dollars pour avoir exercé son droit à recourir à l’Undt. Ishak s’est retiré du Hcr en octobre 2013 sans que ses frais de santé aient été payés.
Rasna Warah (Un-Habitat) : Warah a abordé le Bureau de l’éthique des Nations Unies, le directeur exécutif de Un-Habitat et le sous secrétaire général des Nations Unies du bureau de Nairobi pour demander protection contre les représailles subies après avoir accidentellement découvert des irrégularités dans sa section de Un-Habitat, ce qui a entraîné des actions de représailles de la part de ses supérieurs.
Le directeur exécutif sortant de Un-Habitat lui a signifié de s’abstenir de prendre des mesures pour les inconduites, pendant que le sous-secrétaire à Nairobi lui a conseillé de quitter l’organisation et "de prendre du repos". A ce moment Warah avait été présélectionnée pour un poste dans sa section. Au cours de l’entretien, l’un des intervieweurs lui a demandé pourquoi elle voulait travailler pour une organisation qu’elle jugeait corrompue. Cette question, et d’autres dans la même veine, avaient clairement pour but de l’intimider. Lorsque Warah a approché le Bureau de l’éthique pour la protection, le Bureau a trouvé qu’elle s’était engagée dans une activité protégée, mais que ses rapports sur les inconduites n’étaient pas des facteurs contribuant aux représailles alléguées.
Warah a poursuivi le cas avec l’actuel directeur exécutif de Un-Habitat, dont le bureau a répondu qu’il a conduit une enquête et n’a rien trouvé de mal. Il n’a pas dit sur qui il a enquêté et n’a pas même interviewé Warha, ce qui suggère qu’aucune enquête n’a eu lieu
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** Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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