L’affaire « Charlie » est devenue un dossier politique ! Tant pis pour ceux et celles qui souffrent sincèrement de la hiérarchisation communautariste des morts, des victimes et des laissés pour compte dans la société française. La politique d’indignation sélective ne semble pas susceptible, dans l’immédiat, d’être modifiée.
Les plus hautes autorités de la République française sont ouvertement déterminées à tirer le maximum de profit politique du drame qui a frappé mercredi 7 janvier des journalistes de « Charlie Hebdo ». Nous ne reviendrons pas ici sur la dénonciation sans appel de cette expédition punitive menée par des produits finis typiques de la société française contre des dessinateurs de presse assez irresponsables et téméraires pour choisir de mourir de la sorte. C’était leur choix.
Avec la récupération politicienne de cette affaire, consacrée par une « marche mondiale » à laquelle des chefs d’Etat et de gouvernement éligibles à la Cour pénale internationale ont pris part, le ridicule poursuit son petit bonhomme de chemin chaotique.
L’interpellation et la garde à vue du polémiste Dieudonné pour « apologie du terrorisme » en sont un. La grossièreté de cette mesure policière parachutée de l’Elysée et de Matignon va à l’encontre de tous ces beaux principes auxquels les politiciens et les médias de l’Hexagone ont appelé la France et le monde dimanche 11 janvier 2015.
Le problème du duo Hollande-Valls n’est plus et n’a jamais été fondamentalement celui de la liberté d’expression ni, encore moins, celui du sort de « Charlie Hebdo » et de ses journalistes impudents, imprudents. L’épisode contre l’humoriste le prouve en partie.
Ces deux là sont d’ores et déjà en campagne électorale car, jusqu’à nouvel ordre, leurs sorts sont étroitement liés. Si l’un meurt politiquement dans l’immédiat, l’autre est condamné.
« Charlie Hebdo », canard moribond mis en quarantaine autant par la presse anglo-saxonne que par son partenaire d’hier, le norvégien « Jyllands-Posten », est devenu l’instrument de leurs ambitions de reconquête des suffrages du peuple français. Comme les tueurs présumés l’étaient de leurs commanditaires d’Al Qaïda ou de certains Services.
Au sommet de l’Etat français, Hollande et Valls ont choisi de jouer une carte commune dans le registre le plus cynique, le plus retors, en s’appuyant sur un fidèle à l’Intérieur, le « soldat » Cazeneuve. Politiciens expérimentés, talentueux et adroits, ils nous apparaissent en dirigeants sans état d’âme qui ont appris à cheminer ensemble, notamment lorsque le Catalan (Ndlr : Manuel Valls) devenu Français en 1982 a été le directeur de la communication du Corrézien à la présidentielle de 2012. En intelligence quasi parfaite jusqu’aux prochaines contradictions, ils ont déserté le terrain glissant de la liberté d’expression pour migrer sur celui, plus en phase avec leur agenda et leur nature, de la politique.
L’affaire « Charlie » est devenue un dossier politique ! Tant pis pour ceux et celles qui souffrent sincèrement de la hiérarchisation communautariste des morts, des victimes et des laissés pour compte dans la société française.
Le pire, c’est que la politique d’indignation sélective ne semble pas susceptible, dans l’immédiat, d’être modifiée. En bons pirates, et avec l’aide précieuse de certaines officines médiatiques, ils ont capturé et corrompu à des fins électoralistes la quintessence du message essentiel que l’on peut tirer de la marche historique du 11 janvier 2014 : liberté, respect, dignité, paix sociale. Le tout au détriment des valeurs cardinales de la Révolution française.
Et pour maintenir la cadence de la récupération politicienne, des mesures « exceptionnelles » destinées à renforcer la lutte contre le terrorisme ont été esquissées par Valls à l’assemblée nationale française, lors d’un discours jugé historique. Elles vont concerner le contrôle d’internet comme espace de propagation des principes du djihadisme violent, les prisons comme lieu dit de radicalisation des jeunes français, la mise en place d’un nouveau fichier pour les terroristes en liberté, etc.
Mais en attendant, il aurait été intéressant que les Français exigent des comptes de Hollande, Valls, Le Drian, Fabius, Sarkozy, Juppé et autres à propos de leurs rapports sous-jacents avec des noyaux durs du terrorisme international qu’ils disent combattre et dont ils ont contribué à élargir les tentacules. Jusqu’aux portes de « Charlie ». Au fait, de quoi Irak, Syrie, Gaza, Lybie, etc., sont-ils le nom ? Merci à Badiou pour l'emprunt de l'expression !
Qu'il soit bien noté, cependant, que toute cette machinerie visant à récupérer les dividendes politiques de l'attentat contre "Charlie" n'est pas incompatible avec le fait que François Hollande et Manuel Valls aient pu éprouver une douleur sincère face aux douze morts du 7 janvier.
Post scriptum : Les chefs d’Etat africains dont le nôtre, Macky Sall, qui s’étaient rendus à la manifestation parisienne du 11 janvier sont aujourd’hui dans leurs petits souliers. Piégés par un manque de courage pathétique !
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