Elections législatives togolaises du 21 juillet 2013 : Illégales, discriminantes et sans consensus
Les lendemains électoraux risquent d’ouvrir la voie à des lendemains incertains au Togo. Surtout si la Communauté internationale choisit d’avaliser au Togo – comme elle le fit hier en Rdc – un processus politique sans dialogue et non consensuel, reposant exclusivement sur le principe de banalisation de la fraude électorale et de la contrevérité des urnes.
Le gouvernement togolais a unilatéralement décidé de fixer la date des élections législatives, retardées depuis décembre 2012, au 21 juillet 2013. Des doutes sérieux persistent sur les conditions du recensement et surtout sur le contenu final des listes électorales où de nombreuses irrégularités sont constatées surtout en zones rurales.
L’ILLEGALITE DE LA LEGALITE ELECTORALE AU TOGO
Quand la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) décide elle-même de jouer la transparence en identifiant plus de 16 007 doublons sur le fichier électoral, il faut bien comprendre que le principe de comptage n’est pas respecté. Pourtant cela s’apprend en Cours préparatoire 1ère année (Cp1). Si un véritable audit des derniers recensements électoraux a lieu avec des experts indépendants, les doublons et les incohérences pourraient atteindre 30 % du fichier électoral, ce qui invalide complètement la position de la Ceni. Quoique celle-ci tente de minimiser l’importance du nombre de doublons constatés, au regard du nombre total d’électeurs d’inscrits, elle ne peut pas éluder le fait, que l’existence même de ces doublons apporte la preuve évidente d’une entreprise délibérée en vue de fausser le résultat du scrutin à venir.
En effet, nous sommes ici dans une élection législative. A la différence d’un scrutin du type élection présidentielle où tous les résultats sont compilés au plan national, il suffit dans une circonscription électorale d’un basculement de quelques voix pour inverser les résultats. C’est peut-être ce qui explique que l’on arrive à un nombre de doublons constatés très variable au niveau de chaque préfecture, allant de 62 cas à 987 cas dans celle où le phénomène est le plus accentué. Il sera intéressant – si la Ceni daigne publier le « palmarès » des doublons par préfecture -, d’examiner méticuleusement ce qui pourrait paraitre n’être qu’un détail mais qui au contraire constitue le corps de la fraude électorale, vraisemblablement électronique, à venir le 21 juillet prochain !
Ainsi, tout doublon constaté par la Ceni n’est qu’un constat d’une future fraude massive à grande échelle. Alors pourquoi la Ceni annonce-t-elle ces doublons en avance ? Simplement pour leurrer l’opinion en affirmant que le processus serait transparent. Mais surtout pour permettre à la Communauté internationale de se donner « bonne conscience » et d’accepter des élections frauduleuses basées sur des dysfonctionnements bien huilées et annoncés d’avance par la Ceni. Au regard de la tentative de fraude apportée par le constat des doublons, les élections doivent être repoussées. En conséquence les listes électorales doivent être invalidées et révisées contradictoirement. À défaut, le processus électoral par avance corrompu, ouvrirait la voie à des situations incontrôlables et dangereuses pour la paix civile.
Sur la foi des découvertes reconnues, personne ne peut croire une Ceni qui fait dans le formalisme au lieu de se crédibiliser sur le fond. Les chiffres annoncés par le système informatisé qui n’aurait trouvé que 0,51 % des inscrits comme étant des doublons au niveau d’un Système d’Identification d’empreintes digitales automatisé (Afis) où les électeurs estimés à 3.098.519 ne se retrouvent pas eux-mêmes (1) restent sujets à caution. Mais le système de Faure Gnassingbé saura les retrouver dans le fichier informatique, qu’ils aient voté ou pas. Qui trompe qui ? L’ordinateur ou la Ceni ?
Il semble donc que nous nous acheminions vers une fraude électronique massive, vraisemblablement au profit de l’Union des forces du changement de Gilchrist Olympio qui s’accommode trop bien de ce dysfonctionnement électoral institutionnalisé. Le parti Ufc est devenu un auxiliaire indispensable pour que le parti Unir de Faure Gnassingbé puisse former une nouvelle majorité au Parlement. Cette alliance – contre nature pour le Père de la nation togolaise assassiné en 1963, Sylvanus Olympio -, aura le mérite d’offrir une crédibilité altérée d’une fausse alternance aux yeux de la Communauté internationale, qui s’accommode encore trop souvent encore des formes mystificatrices de la démocratie du système Gnassingbé que de la démocratie de la vérité des urnes.
FRAUDE OU PRIVATISATION DE LA GESTION DES KITS ET FICHIERS ELECTORAUX
Le système électoral de Faure Gnassingbé n’a jamais été fiable depuis que les élections existent au Togo. Comment la société Zetes Industries, dirigée discrètement par le fils de l’ex-Commissaire européen au développement Louis Michel, et spécialisée dans la production de documents sécurisés apparemment uniquement pour les gens au pouvoir et leurs « réseaux », peut-elle être crédible dans la gestion des kits et des fichiers électoraux au Togo.
Chacun a pu mesurer le rôle de cette société en République démocratique du Congo (Rdc) qui n’a de démocratique que le nom. Ce sont en effet les mêmes kits, déclarés non conformes par la Rdc mais prêtés par cette dernière, qui vont être utilisés au Togo. Drôle de choix du Togo que d’aller chercher les kits électoraux non conformes dans un pays où la vérité des urnes tolérée par l’ensemble des grandes puissances occidentales, concorde étrangement avec la réalité des intérêts bien compris de la Françafrique au Togo. Combien le Togo paye pour faire nettoyer les doublons et les irrégularités une fois les élections terminées au Togo ? Tout ceci avec l’argent du contribuable togolais !
Que vaut l’éthique électorale de l’équipe de Faure Gnassingbé, désormais cannibalisant le parti Union des forces du changement (Ufc) de Gilchrist Olympio ? Quel revirement spectaculaire pour le fils du président Sylvanus Olympio que de choisir d’avaliser aujourd’hui un tel système militaro-civil, qu’il a par ailleurs, peut-être uniquement en façade, dénoncé pendant plus de trente ans du temps du « père » et cinq ans au temps du « fils » ? Chacun pourra juger de l’éthique qui présidera aux destinées du futur Parlement togolais, avec un tel attelage politique fondé sur le déni de la vérité des urnes. Les lendemains électoraux risquent d’ouvrir la voie à des lendemains incertains au Togo. Surtout si la Communauté internationale choisit d’avaliser au Togo – comme elle le fit hier en Rdc – un processus politique sans dialogue et non consensuel, reposant exclusivement sur le principe de banalisation de la fraude électorale et de la contrevérité des urnes.
FAURE GNASSINGBÉ ATTEND LE CLIVAGE DE L’OPPOSITION TOGOLAISE
Suite à l’ouverture de la période de dépôts de candidatures, les partis comme Union pour la République (Unir) de Faure Gnassingbé, Union des Forces du Changement (Ufc) de Gilchrist Olympio, Parti pour la démocratie et le renouveau (Pdr) de Zarifou Ayéva et de nombreux indépendants ont déjà retiré leurs dossiers avec des grandes chances de les déposer remplis.
Pour les partis de l’opposition et quelques autres membres du « Collectif sauvons le Togo », comme l’Alliance nationale pour le changement (Anc), le Comité d’action pour le renouveau (Car), l’Alliance des Togolais pour le développement intégral (Addi), l’Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (Obuts), Mouvement des républicains centristes (Mrc) et la Convention démocratique des peuples africains (Cdpa), Parti des travailleurs du Togo (Ptt), etc., la question de la participation n’est pas encore réglée. Trois points au moins sont en cours de discussions à savoir :
- Comment réussir à rétablir une phase, au moins minimale, de dialogue, et quel en serait l’agenda ?
- Comment se répartir les candidatures communes entre les partis membres du Collectif sauvons le Togo et ceux de la Coalition arc-en-ciel ? Collectif et Coalition forment pourtant le groupe des « CoCo » mais n’arrivent pas à le démontrer par une liste commune, comme le souhaite le peuple togolais depuis le référendum constitutionnel de 1992. Cette absence d’unité risque encore de coûter cher à l’opposition surtout que les délais de dépôt des candidatures ont été fixés entre le 3 et 16 juin 2013 ?
- Comment éviter que l’informatisation des doublons par préfecture ne permette d’utiliser électroniquement des kits électoraux non crédibles pour faire gagner les candidats choisis d’avance par le pouvoir qui gère le système d’informatisation du processus électoral ? Enfin,
- Comment empêcher la tenue des élections et faire invalider les fraudes et irrégularités prévisibles sans une justice indépendante au Togo et une Communauté internationale qui a banalisé la contrevérité des urnes comme mode de gouvernance séculaire dans une Afrique où ses intérêts sont les mieux préservés ?
Les réponses pourraient faire naître de nouveaux clivages, voire du vagabondage électoral vers l’éventuelle future fausse majorité présidentielle constituée de Unir, Ufc, des réseaux clientélistes ésotériques et quelques indépendants alimentaires.
Pourtant, c’est méconnaître la prise de conscience réelle au sein des partis de l’alternance au Togo. Si Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio attendent donc un nouveau clivage au sein des partis membres des « CoCo » (Collectif Cst) et Coalition (Arc-En-Ciel), ils devront attendre longtemps. Aujourd’hui les clivages et les bouderies au sein de Unir ou de Ufc contre les candidats parachutés dans les zones en raison du fait du prince, ne sont pas rares comme l’on vient de le voir dans le canton de Tchabédé (préfecture de Sotouboua). Il n’est pas impossible que le clivage s’exprime plus fortement du côté de ceux qui utilisent le pouvoir, la violence et la brutalité pour empêcher des candidats potentiels de se présenter.
Des élections législatives ne peuvent se tenir avec des prisonniers politiques innocents maintenus en prison dans des conditions inhumaines. Ces candidats potentiels sont donc privés d’élection du fait de Faure Gnassingbé. Il faut croire que la situation inverse pourrait se produire au Togo dans un avenir proche. Les responsables de Unir et de l’Ufc doivent en prendre conscience car rien n’est impossible après tant d’années d’autocratie non éclairée.
LE TOGO GÉRÉ PAR UN FANTÔME ? OU UN GROUPE MILITARO-CIVIL ?
Le décret d’application pour fixer la date des élections a été pris en l’absence du pays du chef de l’Etat, pourtant seul habilité à signer un tel décret. Or, le décret de convocation du corps électoral fut signé un vendredi, alors que le chef d’Etat n’était de retour que le samedi et qu’il ne délègue pas sa signature sur de tels dossiers ! Un contentieux pourrait d’ailleurs démarrer pour irrégularité et vice de procédure, qui permettrait de clarifier le fonctionnement à haut niveau de l’Etat, voire de s’apercevoir que de nombreuses décisions sont prises que Faure Gnassingbé se contente seulement d’avaliser, quand il en est informé ! Qui gère donc le Togo ? Un fantôme ? L’ombre de Faure Gnassingbé qui ne serait donc qu’une marionnette dans les mains d’un groupe militaro-civil qui a réussi la prouesse de rouler la Communauté internationale dans la farine de manioc, ce depuis plus de quatre décennies.
Au plan international, Faure Gnassingbé souffre d’une nouvelle maladie incurable : la décrédibilisation internationale. Il semble être mis en quarantaine depuis quelques semaines par ses pairs chefs d’Etat ex-amis, africains comme occidentaux. On lui aurait conseillé de ne pas se rendre au cinquantenaire de l’Union africaine pour éviter d’être en tête à tête avec certains responsables occidentaux qui ne souhaitent plus s’afficher avec lui. Sa présence s’est jouée contre la présence de dirigeants occidentaux au Cinquantenaire de l’Union africaine à Addis Abéba.
Pourtant comment peut-on se passer d’un chef d’Etat du Togo, qui cumule les fonctions de président en exercice du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce au nom de toute l’Afrique, président en exercice de l’Union économique et monétaire Ouest-africain (Uemo) au nom des pays francophones d’Afrique de l’Ouest et chef d’Etat du pays de la contrevérité des urnes.
Est-ce une quarantaine à cause d’une de ses maladies impossibles à détecter officiellement ou une quarantaine à cause de son incapacité à dialoguer avec les mouvements d’opposition, les syndicats et le peuple togolais ? Du reste, tout ceci correspond aussi à une forme de maladie chronique ! Cela doit être suffisamment sérieux pour qu’il soit conseillé à Faure Gnassingbé de ne pas venir gâter la ‘sauce gombo’ lors de la remise au siège de l’Unesco à Paris, du Prix Houphouët-Boigny pour la paix, au président François Hollande pour sa guerre au Mali. Mais est-ce à dire que le président François Hollande ne veut plus voir Faure Gnassingbé en chair et en os ? Certainement, car le président français ne s’est pas donné la peine d’intervenir personnellement pour inviter son homologue togolais, privé de la vérité des urnes en 2005 et 2010. Est-ce un signe de non-reconnaissance « normale » d’un chef d’Etat en disgrâce avancée ? L’avenir le dira !
En réalité, la présence de Faure Gnassingbé indispose plus d’un de ces politiciens « politiquement corrects » qui commencent à s’apercevoir que Faure Gnassingbé est en train de muter vers une gouvernance du « dangereusement correct » au Togo. De là à ce que cela ne devienne contagieux et compte tenu de la capacité des chefs d’Etat africains à lâcher l’un des leurs pour sauver leur propre tête, il faut croire que Faure Gnassingbé serait en train de devenir le bouc émissaire d’un isolement diplomatique occidental. Cela devrait pouvoir se traduire dans les faits dès lors que les élections législatives ne seraient pas reconnues. Surtout si leur organisation déjà sujette à caution aujourd’hui dans les faits, donne demain du sens et du crédit à la contestation de résultats qui ne reflèteraient pas la vérité des urnes et par extension, matière à des manifestations justifiées du peuple togolais.
RECOMMANDATIONS DU CVU-TOGO-DIASPORA
Le peuple togolais et ceux de la Diaspora doivent cesser de croire aux promesses du système Faure Gnassingbé. Il s’agit d’un système qui fonctionne avec un acteur qui joue bien son rôle à la tête de l’exécutif mais les vraies décisions se prennent souvent en dehors de l’acteur principal, fatigué d’ailleurs de jouer la tragi-comédie, comme dirait le doyen Godwin Têtê-Adjalogo (2).
Le Collectif pour la vérité des urnes diaspora :
- Rappelle que pour que des élections crédibles se tiennent au Togo, il y a lieu que le gouvernement de Faure Gnassingbé, pour sauver son régime, décide de surseoir aux élections sans un minimum de dialogue en annulant pour vice de procédure le décret présidentiel fixant la date des élections législatives et imposé par l’exécutif militaro-civil ;
- Réitère sa demande de procéder à la libération immédiate des prisonniers politiques membres du Collectif sauvons le Togo dont tout particulièrement le président de l’Association des victimes de la torture au Togo, le président du Mouvement des républicains centristes (Mrc), le chauffeur de Jean Pierre Fabre, le secrétaire général du parti Addi, le vice-président de Obuts Gérard Adja, de nombreux journalistes, de simples citoyens, etc. qui ont fait l’objet d’arrestations arbitraires et de traitements inhumains ;
- Demande l’arrêt de la discrimination électorale du système Rpt/Unir/Ufc qui empêche des candidats potentiels de se présenter en les kidnappant avec les moyens coercitifs de l’Etat alors qu’il s’agit d’innocents ;
- Prie les responsables d’associations de journalistes au Togo comme dans les pays amis du Togo, de constater que les directeurs de journaux et de médias sont l’objet de harcèlement, de vols et de destruction de matériels afin de les empêcher de faire leur métier en toute transparence, quand il ne s’agit pas d’organiser des accidents incompréhensibles dans lesquels les caméras disparaissent ;
- Alerte les communautés africaine et internationale que les violences post-électorales et revendications sociales du peuple togolais sont prévisibles si la transparence et la vérité des urnes sont bafouées. Mais l’utilisation abusive de la brutalité par des groupes militaro-civils togolais (3) contre les populations togolaises doit faire l’objet d’une documentation filmée afin de constituer des preuves et de porter ces criminels devant une cour de justice indépendante, une fois le Togo redevenu libre.
- Demande aux Communautés internationale et africaine de ne plus avaliser et reconnaître des élections frauduleuses non précédées d’un dialogue franc, transparent et public au Togo ; enfin,
- D’arrêter d’humilier, d’harceler et de torturer des potentiels candidats politiques, les journalistes et le peuple togolais.
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** Dr Yves Ekoué Amaïzo est coordonnateur général du Collectif pour la vérité des urnes diaspora
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