Afrique de l'Ouest : Pas de signature d'APE avant fin 2010
Fixée en juin dernier au 31 octobre 2009 par les négociateurs en chef, la signature de l'Accord de partenariat économique (APE) entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne n'interviendra pas avant 2010. C'est ce qu'il convient de retenir de l'évolution actuelle des négociations entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne. Selon les indiscrétions de certains milieux diplomatiques et les analyses de plusieurs acteurs non étatiques impliquées dans le suivi des négociations commerciales, « tous les ingrédients sont mis en place pour que la signature de l'APE entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne n'intervienne qu'en 2010 », écrit Abel Gbêtoénonmon.
Dans le cadre de la négociation de l’Accord de partenariat économique (APE), les experts et hauts fonctionnaires de l'Afrique de l'Ouest et de la Commission européenne se sont retrouvés à Bruxelles du 21 au 25 septembre 2009 en session de négociations. Ces négociations visent à poursuivre les discussions en vue de la conclusion d’un accord partiel portant sur les marchandises et le volet développement, les dispositions institutionnelles, le règlement des différends et d’autres questions liées au commerce. Les négociateurs en chef des deux régions réunis le 17 juin 2009 à Bruxelles avaient projeté la conclusion de l'accord au 31 octobre 2009. Mais, de sources concordantes, il ressort de la dernière réunion de négociation de Bruxelles qu'il n'y aura pas de signature d'APE à cette date.
Selon les indiscrétions de certains milieux diplomatiques et les analyses de plusieurs acteurs non étatiques impliquées dans le suivi des négociations commerciales, « tous les ingrédients sont mis en place pour que la signature de l'APE entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne n'intervienne qu'en 2010 ». Cette rencontre de négociation tenue à Bruxelles a réuni les experts et les hauts fonctionnaires des deux régions et fait suite à une session tenue en juillet 2009 à Dakar. L’équipe ouest africaine de négociations a été conduite par les Commissaires au commerce de l'Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouests et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, MM. Dabiré et Daramy.
Les travaux ont porté sur de nombreux points restés en suspens tels que :
- la prise en compte ou non des prélèvements communautaires dans le démantèlement tarifaire;
- la question de la clause de la Nations la plus favorisée (NPF) dont la prise en compte permettrait à l'Union européenne de s'assurer que les avantages accordés par l'Afrique de l'Ouest à d'autres « partenaires majeurs » dans le cadre d'accords commerciaux régionaux s'étendraient automatiquement à l'Europe ;
- la question des soutiens internes et des subventions de l'Union européenne, dénoncés dans le cadre des négociations commerciales multilatérales comme étant sources de nombreuses distorsions au détriment des producteurs du Sud;
- le financement du Programme APE pour le développement (PAPED) pour la prise en compte des mesures d'accompagnement et du volet développement de l'APE ;
- le degré d'ouverture du marché ouest africain et le délai de mise en oeuvre de l'accord contenu dans l'offre d’accès au marché de l'Afrique de l'Ouest;
-les échanges sur les clauses de rendez-vous et les négociations sur les règles.
Des divergences subsistent
Aujourd'hui, les points divergences entre les deux parties sont pratiquement identiques à celles relevées il y a quatre mois. Les réunions techniques qui ont suivi la rencontre des négociateurs en chef n'ont pas permis, jusque-là, d'aplanir les divergences entre les deux parties en négociation sur certaines questions majeures tels que l'offre d'accès au marché, le contenu du texte d'accord et les mesures d'accompagnement.
A en croire les négociateurs, les points de divergences majeures qui subsistent entre la région Afrique de l'Ouest et l'Union européenne porteraient notamment sur le degré d'ouverture du marché, la durée de la période de transition, la prise en compte ou non des prélèvements communautaires dans le démantèlement tarifaire, la prise en compte ou non de la clause de la Nation la plus favorisée dans le texte de l'accord et le financement des mesures d'accompagnement.
Pendant que l'Afrique de l'Ouest estime compatible aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et conforme à son besoin développement, une libéralisation limitée à 60% des lignes tarifaires, avec une période de mise en oeuvre de 25 ans, l'Europe réclame une libéralisation d'au moins 80% des lignes tarifaires sur période de 15 ans au maximum.
Le paraphe et la signature des accords intérimaires par le Ghana et la Côte d'Ivoire avaient mis la région Afrique de l'Ouest sous pression, l'obligeant à accélérer les travaux pour parvenir à la conclusion d'un APE global avec l'Union européenne au plus tard le 30 juin 2009 pour préserver les acquis de l'intégration régionale. Mais bien que la Côte d'Ivoire ait signé et notifié à l'Omc un accord commercial régional avec l'Union européenne, le contexte électoral actuel de ce pays n'est proprice à la mise en oeuvre efficiente d'un tel accord.
« Ce n'est pas au moment où le pays se trouve dans une phase ultime de sortie de guerre avec une élection présidentielle à grands enjeux, que l'Union européenne s'offrirait le vilain plaisir de lui mettre la pression pour la mise en oeuvre d'un accord qui lui mettrait au dos les pays de la région Afrique de l'Ouest », ironise très souvent Docteur Eliane Ekra une des porte-parole de la société civile ivoirienne dans le cadre des négociations APE. De même, à en croire plusieurs observateurs, les ardeurs et la détermination du Ghana pour la signature d'un APE intérimaire avec la Communauté européenne se sont quelque peu émoussées depuis l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle équipe à Accra.
Du côté de l'Europe, le changement de son équipe de négociation à près des 2/3, en croire Cheikh Tidiane Coordonnateur de la Plate-forme des Acteurs de la Société Civile d'Afrique de l'Ouest (PASCOA), pourrait expliquer aussi le fait que la Communauté européenne n’ait pas été particulièrement insistante sur le respect du délai d’octobre. Cela pourrait être une option pour laisser à ses nouveaux négociateurs le temps de maÎTtriser les dossiers avant de poursuivre.
Peut-être un compromis politique de sortir d'impasse
Sans vouloir l'analyser comme une décision de négociation, les experts reconnaissent de plus en plus, qu'en l'absence d'une compromission politique de haut niveau, le temps qui sépare de la fin de l'année 2009 ne suffirait pas pour terminer les travaux et parvenir à un compromis satisfaisant pour tous sur l’offre d’accès au marché. Même la mise en place d'un Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO, avec une cinquième bande au taux de 35%, envisagée par les acteurs comme préalable à la conclusion d'un APE optimal, nécessite une nouvelle catégorisation des lignes tarifaires pour laquelle la région n'est pas encore parvenu à un compromis accepté de tous.
« Les négociateurs en chef des deux régions seront obligés dans les prochains jours de prendre acte de la non signature de l'APE au 31 octobre 2009 et de proposer un nouveau calendrier ainsi qu’une démarche pour la suite », a commenté Siméon Tundé Dossou, Président en exercice de la Plate-forme Béninoise de la Société Civile (PASCIB) et point focal francophone du Groupe de travail des syndicats de l'Afrique de l'Ouest sur le commerce et le développement (RAK). Déjà, une série de travaux sont prévus en Afrique de l'Ouest et doit déboucher sur une réunion du Comité ministériel de suivi et une autre session de négociation (experts, hauts fonctionnaires et négociateurs en chef) en novembre 2009.
Au cours du premier semestre de l'année 2009, la Friedrich Ebert Stiftung et le South Center ont conduit un processus d'analyse d'experts qui a débouché à l'élaboration de quatre scénarios possibles de conclusion des négociations d'APE en Afrique de l'Ouest. Pour Aurélien Atidégla, Coordonnateur de la Dynamique des Organisations de la Société Civile d'Afrique Francophone (OSCAF), le scenario « Pas d'APE régional et pas d'APE intérimaire », en dépit de son faible degré de plausibilité, est celui qui continue d'avoir pignon sur rue. Pour les trois prochains mois, selon beaucoup de négociateurs ouest-africains, les regards sont plus tournés vers Genève où se tiendra, fin novembre et début décembre 2009, la conférence ministérielle de l'OMC pour tenter de sortie le cycle de Doha de l'impasse.
* Abel Gbêtoénonmon est le directeur exécutif Agence Afrique Performance
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