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Déclaration de la « Case de veille» à l’issue de sa mission d’observation de l’élection présidentielle du 11 octobre 2015

Malgré les difficultés constatés lors de ce scrutin, les Guinéens se sont mobilisés et le taux de participation rapporté par nos observatrices est estimé à 67% des bureaux observés. Les difficultés notées à l’endroit des femmes sont cependant regrettables.

La Coalition des femmes et filles de Guinée pour le dialogue, la consolidation de la paix et le développement (Coffig/Dcpd) a été constituée en août 2011 et compte aujourd’hui plus de 300 Ong féminines à Conakry et dans les 33 préfectures de la Guinée. Depuis son lancement, la Coffig s’est impliquée dans la sensibilisation et la médiation en initiant plusieurs activités pour l’apaisement du climat social. C’est dans cet objectif que toutes ses femmes ont choisi de s’unir, au-delà de leur appartenance politique, ethnique, religieuse et sociale. C’est à l’occasion des élections législatives 2013 que, pour la première fois dans notre pays, les femmes ont décidé de s’impliquer dans le processus électoral.

La mission d’observation citoyenne des femmes de Guinée est matérialisée par une « Case de veille» fondée sur « l’alerte précoce/ Réponse rapied» dont nous sommes convaincues qu’elle est la clé de la préservation de la paix, avant pendant et après les élections. Pour ces présidentielles, la « Casez» a mobilisé et déployé 2000 observatrices dont 185 dans les régions de Nzérékoré et de Kindia, 155 dans les régions de Kankan, de Faranah, de Boké et de Labé, 110 dans la région de Mamou et 900 dans les cinq communes de Conakry et au Km36.

La Coffig a installé une «mini case» dans chacune des sept régions administratives et une « Case maitresse » à Conakry Les activités de la « Case de veille 2015» ont commencé le 21 septembre 2015 et continueront jusqu’au 30 mars 2016. Elle était composée de trois chambres :

- Une plateforme technique pour la mise en ligne des informations en temps réel à partir d’une flotte téléphonique ;

- Une chambre d’analyse avec des experts nationaux, internationaux, des politologues, des juristes pour l’analyse des informations reçues. Elle est coordonnée par Hadja Rabiatou Séra Diallo, présidente du Conseil économique et social ;

- Une chambre des décisions avec des personnes ressources, groupes de contact pour faire prendre des décisions en temps réel afin de corriger les disfonctionnements et irrégularités. Elle est coordonnée par le Général Facinet Touré, médiateur de la République.

Ces deux personnalités ont apporté une contribution singulière à la réussite de la « Case de veille 2015».

Ainsi, la « Case de veille 2015» a traité plus de 25.000 appels et Sms depuis le 21 septembre, effectué plusieurs missions d’alerte avant et pendant le scrutin auprès de la Ceni, de l’Unité de sécurisation de l’élection présidentielle, du ministère de la Sécurité, des autorités administratives et territoriales, des acteurs politiques et des populations à la base.
Le déploiement des 2000 observatrices ont permis d’observer 14% des Bureaux de vote comme suit :

SUR L’OUVERTURE DU SCRUTIN

- L’ouverture tardive pour 71,5% des bureaux de vote,

- Présence des membres des bureaux de vote à 73,7%.

- Présence des délégués des candidats dans les Bureaux de vote à 68,9%

- Manque de matériel électoral et d’isoloir dans plusieurs bureaux de votes visités.

« Case de veille 2015» a constaté une grande affluence des populations devant les bureaux de vote ainsi que la présence massive des femmes malgré de longues files d’attente. Des signes de tentions perceptibles ont été noté dans 64,6% des bureaux de votes à cause du manque de matériels électoraux (isoloirs, enveloppes, différence entre les cartes distribuées et les listes électorales …) et la lenteur du scrutin. L’ensemble des disfonctionnements sont constatés sur tout le territoire et ont été préjudiciables aux 8 candidats.

SUR LE DEROULEMENT DU SCRUTIN

Après avoir observé l’ouverture des bureaux de vote et publié sa première déclaration à 12 h, la « Case de veille 2015» a dépêché une mission de haut niveau auprès de la Ceni et un communiqué est diffusé à 15 h 30 pour:

- Féliciter le peuple de Guinée pour sa mobilisation citoyenne ;

- Relever avec préoccupations un certain nombre de manquements et d’anomalies dans le déroulement du scrutin qui, s’ils ne sont rapidement corrigés, risquent d’entacher la crédibilité du scrutin;

- interpeller la Ceni sur le fait qu’elle était redevable d’un processus de qualité et l’inviter à apporter des correctifs nécessaires dans les meilleurs délais pour permettre aux guinéens d’exercer leurs droits de vote.

Une deuxième mission est envoyée à 14 h 30 auprès de la Ceni pour nous assurer que des mesures correctrices sont en cours de mise en œuvre.

C’est pourquoi, la « Case de veille » apprécie les efforts de la Ceni, à travers plusieurs communiqués, pour corriger les disfonctionnements constatés et remontés par notre plateforme.

Nous nous réjouissons pour la mise en œuvre de ces mesures correctives et constatons qu’elles ont permis d’apaiser les tensions constatées ça et là dans la matinée. Ces corrections ont permis à de nombreux guinéens de voter.

La « Case de veille 2015» se réjouit également, à travers ses 2000 observatrices, d’avoir fait le relais de ces mesures correctives auprès des membres des bureaux de vote qui n’avaient pas reçu l’information car tous ne pouvaient écouter les radios ou regarder la télévision un jour de scrutin.

SUR LA CLOTURE DES BUREAUX DE VOTE ET LE DEPOUILLEMENT

Malgré les difficultés constatés lors de ce scrutin, les Guinéens se sont mobilisés et le taux de participation rapporté par nos observatrices est estimé à 67% des bureaux observés ;

- Plus de la moitié des bureaux de vote observés ont fermés à l’heure (18 heures) soit 58%, le reste après 18h ;

- Les représentants des candidats sont présents à 93,6% lors du dépouillement.

- Des désaccords sont notés lors du dépouillement dans 34,2% des bureaux de vote sous forme de réclamations et de disputes. Mais, nonobstant des désaccords constatés, les procès-verbaux ont été signés par les membres des bureaux de vote à plus de 90%.

- Par ailleurs, la « Case de veille 2015» constate que dans la majorité des bureaux de vote, des partis politiques ont été représentés par des femmes. Ce qui est une bonne pratique à mentionner.

Cependant, elle regrette les faits suivants:

- Les femmes ont été quasi absentes dans la gestion du scrutin dans les bureaux de vote;

- Aucune disposition spéciale n'a été prise pour faciliter le vote des femmes portant des bébés au dos, des femmes enceintes, des personnes âgées ou vivant avec le handicap, etc.

- Dans un des bureaux de vote visités, des femmes ont été bousculées et brutalisées par des jeunes hommes qui forçaient l'entrée. Les forces de sécurité ont dû à maintes reprises intervenir de façon énergétique pour permettre la poursuite du vote.

La « Case de veille 2015» félicite le peuple de Guinée pour sa mobilisation citoyenne et le calme observé durant le scrutin présidentiel du 11 octobre 2015 malgré les difficultés liées à l’exercice de leurs droits civiques, difficultés posées à l’ensemble des électeurs de tous les bords politiques et en particulier aux femmes .

La « Case de veille 2015» remercie les états-majors des candidats pour avoir facilité le travail de nos points focaux dans leurs quartiers généraux ainsi que pour avoir désigné leurs représentants dans notre Chambre d’Analyse.

La « Case de veille 2015» se réjouit de son partenariat technique avec le Code – Guinée qui met en valeur l’expertise nationale, de la contribution des personnes ressources, des Ong partenaires, de la société cvile et du « Regard citoyen ».

(…) Au cours de ce processus d’observation, la « Case de veille» a effectué:

- Une mission de haut niveau avant le scrutin auprès de la Ceni,
-
- Deux missions de haut niveau le jour du scrutin à 12 h et à 14h auprès de la Ceni,

- Deux déclarations et un communiqué le jour du scrutin,

- Une déclaration préliminaire, 72 heures après le scrutin,

- Une mission de plaidoyer auprès du chef de file de l’opposition pour appeler au calme et à la retenue,

- Une mission de plaidoyer pour la préservation de la paix auprès du Président de la République.

(…) La « Case de veille» se réjouit du sens de responsabilité dont a fait preuve le Peuple de Guinée en votant dans le calme. Aujourd’hui encore, ce Peuple montre sa maturité en attendant dans la sérénité la proclamation des résultats définitifs. Ceci est un signal fort de la volonté de nos populations à construire une démocratie qui consacre le choix de ses représentants par les urnes.

Le mandat de la « Case de veille» est clair et fondé sur « L’alerte précoce/ Réponse rapide». Ce mécanisme a fonctionné et contribué à l’apaisement du scrutin du 11 octobre 2015.

C’est dans cet esprit que « LA CASE DE VEILLE » recommande ce qui suit :

- A la classe politique de faire montre, comme par le passé, de sérénité pour préserver la paix et la sécurité, gages de la cohésion sociale et de l’unité nationale. Qu’ils fassent surtout preuve retenue afin que : « Le gagnant gagne humblement et le perdant perde dignement».

- A l’Assemblée nationale d’engager rapidement une dynamique de réforme de la loi électorale et de la Ceni pour mieux préparer les prochaines échéances électorales.

- A la société civile d’ouvrir le vaste chantier de la construction d’une culture de la citoyenneté en Guinée. Il devient impératif que les guinéens franchissent le pas du militantisme zélé pour une citoyenneté. L’objectif étant de doter notre pays d’institutions fortes à la place d’hommes forts.

- Aux jeunes et aux femmes de Guinée de garder espoir et de croire en leur pays malgré toutes les difficultés et lui éviter de tomber dans la violence en bannissant définitivement l’ethnocentrisme comme mode d’expression de leur engagement politique

Chers compatriotes,
Il est vrai que ces élections créent des frustrations, des ressentiments. Mais il est également vrai que la construction de la démocratie est un processus fait de joies et d’écueils. Les Guinéens en ont payé un lourd tribu. Notre pays est à la croisée des chemins. Donnons-lui la chance d’organiser d’autres élections pour la survie de notre jeune démocratie qui a fait du chemin malgré tout.

Chers compatriotes
La Guinée reste le bien le plus précieux que nous ayons en partage. Préservons la car l’Afrique nous regarde, le monde nous observe. Et n’oublions jamais que nous avons l’obligation morale de léguer aux générations futures un pays paisible, uni et prospère.

Conakry, le 15 octobre 2015

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