Pas dans nos assiettes ! Pourquoi le Nigeria n’a pas besoin d’aliments Ogm
Un nouvel et vigoureux effort de propagande de la part des multinationales et de l’industrie du développement est en cours pour convaincre les Africains que nous avons besoin d’organismes génétiquement modifiés pour vaincre la malnutrition et les pénuries alimentaires
La révélation faite, lors d’une conférence de presse tenue à Abuja le 17 juillet 2014, par la National Agriculutral Biotechnology Development Agency (Nabda), que le gouvernement du Nigeria travaille pour accélérer l’adoption d’organismes génétiquement modifiés, est choquante pour nombre de raisons. Le propos de l’agence dit en effet, plus ou moins, que si la porte n’est pas officiellement ouverte aux Ogm, les Nigérians les consomment à leur insu. La vérité est qu’il y a des produits Ogm illégaux au Nigeria et le gouvernement devrait protéger ses citoyens plutôt que de fermer la porte au Principe de Précaution. Lequel, comme son nom l’indique, exige la prudence dans des domaines de cette nature.
L’Agence prétend qu’il y a assez de mesures de sécurité en place pour l’introduction des Ogm au Nigeria. Ces soi-disant mesures incluent les éléments suivants : un projet de loi pour la biosécurité, des directives d’applications pour la biosécurité, des directives pour des installations visant à préserver la biosécurité et divers formulaires comme ceux pour l’accréditation, l’importation et le transport d’Ogm ainsi qu’une ribambelle de projets. Si des formulaires et des projets de documents sont listés comme des outils de biosécurité adéquats, nous devons être extrêmement méfiants quant à leur degré de préparation.
UNE BREVE HISTOIRE : PEU DE CULTURE COMMERCIALISEE, REJETS NOMBREUX DES ALIMENTS OGM
Il n’y a que vingt ans que, pour la première fois, des cultures génétiquement modifiées ont été commercialisées aux Etats-Unis pour la consommation humaine. C’était une variété de tomates Ogm du nom de Flavr Savr. Ce fût un échec commercial et sa commercialisation a été abandonnée en 1997. Cet échec a été suivi de nombreux autres échecs au cours des deux dernières décennies
L’industrie de la biotechnologie a fait de nombreuses autres tentatives afin de commercialiser une large gamme de produits Ogm depuis 1990. Toutefois, elle s’est rapidement trouvée confrontée à une solide opposition. Par exemple, en Europe, une forte opposition aux produits Ogm est très bien ancrée depuis la fin des années 1990 et demeure toujours aussi forte. En 2000, des recherches en plein champs, sur une variété de pommes de terre Ogm en Bolivie, pays d’origine de la pomme de terre, ont été interrompues en raison de l’opposition publique. Cette même année, les pommes de terre Ogm ont été retirées du marché américain en raison de son échec commercial.
En 2002, nombre de pays africains ont rejeté les aliments Ogm et en 2004, le blé Ogm a été retiré du marché pour des raisons commerciales. En 2011, la Chine suspendait la commercialisation du riz Ogm et les Etats-Unis n’ont pas poursuivi la commercialisation à large échelle de ces produits. Les échecs de la commercialisation des aliments de base Ogm au cours des vingt dernières années sont donc notoires.
L’INDUSTRIE DE LA BIOTECHNOLOGIE VISE LES ALIMENTS DE BASE
Le maïs, le riz et le blé sont les aliments de base des deux tiers de la population mondiale, mais à ce jour aucun blé ni aucun riz n’a été légalement commercialisé pour entrer dans la chaîne alimentaire humaine. Au jour d’aujourd’hui, les cultures Ogm qui ont été commercialisées sont le soja, le maïs, le colza et le coton. La plupart de ces produits sont destinés à la consommation animale.
Par exemple, il y a une forte résistance aux maïs Ogm dans de nombreux pays comme le Mexique, pays d’origine du maïs. Une Cour fédérale de justice a ordonné, en 2013, à deux des instances habilitées à autoriser les cultures Ogm, de s’abstenir, à l’avenir, d’octroyer des permis de cultures Ogm en plein champs. Que ce soit à des fins de recherches ou à des fins commerciales.
Pendant que la plupart des cultures Ogm sont destinées à l’alimentation animale, celles qui visent le Nigeria concernent notre alimentation à nous ! Parmi les cultures concernées il y a la manioc, un aliment de base pour la plupart des citoyens.
PEU DE PAYS, PEU DE CULTURES, UNE INDUSTRIE
Les rares cultures commercialisées au cours des dernières décennies ont été composées de deux cultures et leurs aires de culture ont été limitées à une poignée de pays. Plus de 90% des cultures Ogm se trouvent dans seulement six pays : les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, l’Inde, le Canada et la Chine. Un seul pays contribue pour les 40% des cultures Ogm : les Etats-Unis.
Dans tous les cas, au cours des deux décennies de commercialisation des cultures Ogm, jusqu’à 95% des cultures de base commercialisées se sont montrées résistantes aux parasites et tolèrent les herbicides. La poussée pour l’introduction de cultures Ogm de ces aliments de base a été le fait des grandes compagnies de biotechnologie qui ont développé le produit ou le fait de leurs filiales.
Toutefois, aucune de ces cultures ne fournit le moindre bénéfice au consommateur. Aucune d’entre elles n’a, à ce jour, conquis la majorité des consommateurs. Par exemple, même aux Etats-Unis, le berceau des cultures Ogm, un sondage, mené par le New York Times en 2013, a conclu que les ¾ des Américains sont préoccupés par les organismes génétiquement modifiés dans leur alimentation, la plupart faisant part de leur souci quant à l’impact sur la santé humaine. Face à un tel scepticisme, l’industrie biotechnologique à cherché désespérément à élargir son marché africain. Prétendre que l’Europe influence les Africains afin qu’ils rejettent les Ogm n’est rien d’autre que de la propagande pour pas cher.
PLUS D’HERBICIDES
A propos de Roundup Ready (RR), l’herbicide le plus populaire au monde, propriété de Monsanto, on affirmait lors de son introduction que les paysans en utiliseraient moins. Au contraire, il a été clairement prouvé qu’en moins de deux décennies les espèces de plantes résistantes au glyphosate sont devenues un sérieux problème pour les fermiers américains et d’autres dans le monde. Ceci a nécessité une utilisation accrue d’herbicides toujours plus violents.
En plus de l’utilisation en constante augmentation du RR, différentes études scientifiques se montrent préoccupées quant à son impact sur les humains. Une étude scientifique publiée dans une revue scientifique européenne a identifié de sérieuses conséquences sur les rats nourris au maïs Ogm traité au Roundup Ready.
LES EFFORTS POUR CONVAINCRE LES AFRICAINS EN FAVEUR DES ALIMENTS OGM DOIVENT ETRE VOUES A L’ECHEC
Aujourd’hui, de nouveaux efforts de propagande sont menés par les multinationales et l’industrie du développement pour tenter de convaincre les Africains qu’ils ont besoin d’aliments génétiquement modifiés pour vaincre la malnutrition et les pénuries alimentaires. Des institutions comme l’Usaid et des organisations philanthropiques comme la Fondation Bill et Melinda Gates soutiennent ces efforts pour modifier génétiquement le riz et les bananes et augmenter leur teneur en vitamine A, dans le but notoire d’empêcher la cécité chez les enfants ou le retard de croissance.
Le soutien de Gates à la création d’aliments de base d’une plus grande valeur nutritionnelle provient du fait que "dans de nombreux pays en voie de développement, jusqu’à 70% des calories journalières des individus proviennent d’un seule aliment. Ce qui rend la consommation suffisante de vitamines et de minéraux difficiles". Au lieu de promouvoir et de soutenir la souveraineté alimentaire et l’un de ses principes - la diversité alimentaire -, ils veulent que nous maintenions une diète basée sur un seul produit alimentaire pour la majeure partie de la journée, plutôt que de favoriser l’exploitation des énormes diversité alimentaires existant dans nos pays, comme des fruits et des légumes riches en vitamine A et en autre vitamines de grande valeur
En 2009, la Union of Concerned Scientists déclarait que "des études récentes ont montré que les méthodes d’agriculture biologique et similaire, qui minimisent l’usage des pesticides et des engrais synthétiques, peuvent plus que doubler la récolte à peu de frais pour le paysan pauvre dans des régions en voie de développement comme l’Afrique subsaharienne".
Les efforts pour convaincre les petits paysans de planter du coton Bt n’ont pas donné les résultats escomptés sans des subventions massives. Le cas de l’échec à Makathini Flats, en Afrique du Sud, est illustratif.
LE NIGERIA
Le Nigeria n’a pas besoin de cultures Ogm pour satisfaire ses besoins alimentaires et agricoles. Nous savons exactement ce que nous avons à faire et la Nigeria National Conference a récemment appelé à la prudence en ce qui concerne le projet de loi nationale pour la biosécurité. Nous en appelons instamment au président afin qu’il n’approuve pas la loi parce que ce projet est déficient dans de nombreux aspects y compris :
PARTICIPATION DU PUBLIC : le projet de loi ne rend pas la participation du public obligatoire lorsque les demandes pour introduire des Ogm sont en question. Le projet ne spécifie pas clairement comment des essais en plein champs seraient contenus et réglementés afin de prévenir la contamination des environs ou des fermes. Outre les Ong écologistes, les organisations paysannes ne sont pas non plus représentées dans le Conseil de gouvernance.
EVALUATION DES RISQUES : la loi ne précise pas les critères pour l’évaluation des risques, pas plus qu’elle ne stipule que de telles évaluations doivent être menées au Nigeria et non offshore. Ceci est important parce que les effets des Ogm sur des organismes non ciblés doivent être mesurés sur des organismes non ciblés qui existent au Nigeria et sont importants du point de vue écologique. Des responsabilités claires et des dispositions de compensation ne sont pas inclues dans la loi. Ce sont là des éléments essentiels dans la mise en oeuvre du Protocole Supplémentaire de Kuala Lumpur Nagoya, adopté il y a trois ans.
LE PRINCIPE DE PRECAUTION : la loi doit adhérer et s’assurer de la mise en œuvre des principes de précaution qui permettent à notre gouvernement de refuser ou de restreindre des demandes lorsque les connaissances sont incomplètes ou controversées. Ceci est un aspect essentiel du Protocole pour la Biosécurité, promu pas les intérêts des négociateurs africains et qui doit être appliqué au Nigeria
LES OGM NE TIENNENT JAMAIS LEURS PROMESSES
QU’EST CE QUI VOUS RONGE ? En 2004, le gouvernement du Kenya a reconnu que les patates douces Ogm de Monsanto n’étaient pas plus résistantes à un parasite des patates douces (feathery mottle virus) et en fait produisaient une récolte inférieure aux cultures ordinaires. En janvier 2008, l’information selon laquelle les scientifiques avaient modifié des carottes comme cure de l’ostéoporose en l’enrichissant de calcium, devait être évaluée avec le fait qu’il faudrait manger 1,6 kg de ces légumes tous les jours pour atteindre la dose recommandée de calcium
COUTS EXTREMES : En Inde, une étude indépendante a trouvé que les cultures de cotons Bt coûtaient 10% de plus que la variété non Bt et rapportaient 40% de moins. Entre 2001 et 2005, plus de 32 000 fermiers indiens se sont suicidés suite à une augmentation des dettes résultant de récoltes inadéquates.
CONTAMINATION : A la fin 2007, il a été infligé à une compagnie américaine, Scotts Miracle-Gro, une amende de 500 000 dollars par le département américain de l’Agriculture, lorsque du matériel génétiquement modifié, que Scotts testait (une herbe nouvelle) sur un parcours de golf, a été retrouvé dans les herbes sauvages jusqu’à une distance de 13 miles des sites d’expérimentations, apparemment disséminées par le vent lorsque l’herbe a été coupée.
PLUS OU PAS MOINS DE PESTICIDES : le maïs Bt, manipulé de sorte à produire une toxine insecticide, n’a jamais éliminé l’usage de pesticides et parce que le gène Bt ne peut être inhibé, continue de produire sa toxine jusqu’à la récolte. Le maïs parvient au consommateur lorsque la concentration est maximale.
RESISTANCE NATURELLE : de supers mauvaises herbes émergent pendant que la nature évolue pour résister aux produits chimiques de l’industrie biotechnologique.
CREER DES PROBLEMES COMME SOLUTIONS : la résistance aux herbicides a été vendue avec l’argument selon lequel les cultures pouvant être arrosées de produits chimiques, il y aurait beaucoup moins besoin de désherber mécaniquement ou de labourer le sol. Ce qui maintiendrait davantage de carbone et de nitrite sous la surface. Mais une récente étude sur un long terme, menée par le US Agriculutral Research Service, a montré que l’agriculture biologique, même en labourant, conserve plus de carbone que ce que les cultures Ogm économisent.
LES RISQUES POUR LA SANTE : le résultat de tests menés sur des animaux exposés aux produits Ogm donnent lieu à de sérieuses préoccupations quant à leur sécurité. En 1998, des scientifiques écossais ont découvert que les organes de rats nourris aux pommes de terre Ogm rendues résistantes au mildiou, étaient endommagés.
Dans une expérience menée en 2006, des rattes nourries au soja résistant aux herbicides ont donnés naissance à des ratons affligés d’un retard de croissance sévère dont la moitié sont morts au cours des trois premières semaines. Les survivants étaient stériles. La même année, les agences d’informations indiennes ont rapporté que des milliers de moutons, laissés à brouter des résidus des cultures de coton Bt, sont morts subitement. D’autres cas de mort subite de bétail ont été rapportés en 2007. Il y a aussi eu des rapports concernant des symptômes ressemblant à de l’allergie chez les travailleurs indiens travaillant dans ces champs de coton.
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** Juan Lopez, Mariann Orovwuje et Nnimmo Bassey – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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