Cedeao : La taxe de 10% sur le riz importé ne protègera pas la production locale

Le Tec est catastrophique pour les agriculteurs et les éleveurs de la Cedeao. Il est aussi une erreur politique grave : la Cedeao a tout ce qu'il faut (terres, eaux, soleil, hommes et femmes...) pour devenir une puissance agricole et alimentaire à l'échelle mondiale. Il lui manque seulement la volonté politique pour mettre en place une véritable politique agricole et alimentaire.

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Le tarif extérieur commun (Tec) de la Cedeao n’a pas fini d’alimenter la polémique. Alors que la mesure douanière devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain, une étude menée par le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’ouest (Roppa) sur l’impact de la taxation qui sera appliquée au riz dans le cadre du Tec, indique que cette mesure ne protège pas les producteurs locaux.

«Le dispositif mis en place ne permet pas de protéger de façon très forte le secteur agricole», a déclaré Souleymane Sadio Diallo, qui est chercheur au Centre Ivoirien de recherche économique et social et vice-président du Réseau de la recherche pour l’appui au développement en Afrique (Repad).

Le Tec, qui prévoit d’appliquer un droit de douane de 10% au riz importé dans la zone Cedeao, ne satisfait pas les producteurs et suscite également des inquiétudes chez certains officiels. Ainsi, Le colonel Guidado Sow, directeur de la réglementation et de la coopération internationale à la direction général des Douanes du Sénégal, n’hésite pas à déclarer : «Nous avons créé toutes les conditions pour ne pas être autosuffisants en riz.»

Une opinion partagée par Benou Pascal, le président du Conseil de concertation des organisations des producteurs de riz de l’Afrique de l’ouest, dans Sud Quotidien. Selon le Béninois, «les importations de riz pénalisent la production du riz locale en ce sens que ces producteurs bénéficient d’un important soutien de leurs Etats. Tout le contraire de la part de nos Etats. Donc les riziculteurs africains se retrouvent dans une situation de concurrence déloyale et qui fait qu’ils n’arrivent pas à améliorer les conditions pour rendre le riz plus disponible. Et mieux, nos chefs d’Etats ont adopté un tarif extérieur commun pour le riz à 10%. Un taux de taxation le plus faible au monde. Or, nous pouvons produire du riz de qualité qui ne sera pas stocké pendant des années contrairement aux pays producteurs”, lit-on encore dans Sud Quotidien.

Jusqu’à un passé récent, la taxe sur le riz importé était de 110% au Nigeria. Une décision qui avait pour but de permettre au pays d’atteindre l’autosuffisance rizicole, mais qui a été fortement minée par les importations frauduleuses de la céréale en provenance du Bénin.

Pour poursuivre la polémique, regardons le cas du lait, plus précisément du lait en poudre. Les sacs de 25 kg de lait en poudre sont taxés à l'importation à 5 %. Ce qui n'assure aucune protection. Or, si le prix du lait en poudre a légèrement augmenté sur le marché mondial, son prix reste bas, largement en dessous des coûts de production (car il s'agit de surplus exporté à bas prix). C'est ainsi qu'au Burkina la plus grande laiterie du pays, celle qui fabrique le plus de yaourts, transforme du lait en poudre. Cela n'empêche pas que ces yaourts sont commercialisés dans de jolis pots en plastique avec un couvercle sur lequel le consommateur peut lire "produit du Burkina", texte accompagné d'une carte du Burkina. Tout est fait pour donner l'illusion que ces yaourts sont fabriqués avec du lait local provenant de vaches burkinabè !

De la même façon, au Ghana, Nestlé commercialise des boites de lait concentré non sucré sur lesquelles il est écrit (en anglais) "produit au Ghana à partir de lait pur de vache". Sur la boite, il y a aussi un numéro permettant aux consommateurs d'obtenir des informations complémentaires. J'en ai profité pour demander où se trouvaient les vaches qui avaient produit ce lait pur. Il m'a été répondu "En Irlande". Nous pourrions multiplier les exemples.

Ce Tec est catastrophique pour les agriculteurs et les éleveurs de la Cedeao. Il est aussi une erreur politique grave : la Cedeao a tout ce qu'il faut (terres, eaux, soleil, hommes et femmes...) pour devenir une puissance agricole et alimentaire à l'échelle mondiale. Il lui manque seulement la volonté politique pour mettre en place une véritable politique agricole et alimentaire.

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** Maurice Oudet est président du Sedelan (Burkina Faso)

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