Djibouti : 16 mois de crise politique postélectorale

La situation des Droits de l’homme à Djibouti reste alarmante depuis les dernières élections de février 2013. Arrestations arbitraires et massives de leaders et militants de l’opposition, répressions et mesures administratives illégales n’ont cependant pas fait faiblir la mobilisation de l’opposition et des militants des droits humains.

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LLS

Seize mois de crise politique sans précédent. Seize mois de contestation et de dénonciation des résultats, publiés par le ministère de l’Intérieur, par l’opposition. Seize mois de mobilisations et de manifestations. Une première en République de Djibouti.

Seize mois de répressions, d’intimidations, d’arrestations, d’emprisonnements, de garde-à-vue illégales, de placements abusifs sous mandat de dépôt, d’harcèlements, d’arbitraires et de tortures pour beaucoup d’opposants, de militants de l’opposition, de défenseurs des droits ainsi que des simples citoyens.

Seize mois d’attente de la publication des résultats définitifs, bureau de vote par bureau du vote du vendredi 22 février 2013, par le peuple de Djibouti et la communauté Internationale (voir la résolution du Parlement européen sur la situation à Djibouti en juillet 2013). Une première dans l’histoire de la République !

Seize mois et après deux tentatives d’un dialogue politique avorté entre le pouvoir et l’opposition aucune perspective de sortie de crise en vue.

DURANT CES 16 MOIS de répression multiforme le corps enseignant a payé un lourd tribut
Décès en prison de Mahamoud E. Rayaleh, professeur de français : led écès en cours de détention de M. Mahamoud Elmi Rayaleh, professeur de français au Lycée public de Balbala et citoyen engagé, dans la nuit du 28 au 29 août 2013, interpelle la conscience de tous les citoyens djiboutiens. Son corps a été enlevé de la morgue de l’hôpital Général Peltier et mis sous terre au cimetière de PK12 à la hâte par des employés de la voirie de Djibouti sous la surveillance de la police, sans la présence d’aucun membre de sa famille et de ses amis. L’Observatoire djiboutien pour la promotion de la démocratie et des droits humains (Oddh) demande la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour faire toute la lumière sur les circonstances du décès.

REVOCATION DE 62 ENSEIGNANTS
La décision de révocation de 62 enseignants dont la plupart sont des professeurs, tous fonctionnaires, est effective depuis le 3 avril 2014 en violation de toutes les procédures administratives et du statut général des fonctionnaires. Leur seul crime reste leur engagement sociétal et syndical, de défenseurs des droits humains et une suspicion de proximité à tort ou à raison de l’opposition. Parmi les enseignants révoqués figurent :
- Farah Abdillahi Miguil, syndicaliste et président de l’Oddh,
- Abdillahi Adaweh Mireh, membre fondateur et porte-parole du Collectif sauvons l’Education nationale, 

- Youssouf Moussa Abdi, un des membres fondateurs du Collectif sauvons l’Education nationale,

- Omar Ismail Omar, un des membres fondateurs du Collectif sauvons l’Education nationale

16 MOIS D’EMPRISONNEMENT pour les 3 cheiks et leaders de l’USN
C’était le 25 février 2013 qu’Abdourahman Barkat God, Abdourahman Souleiman Bachir et Guirreh Meidal Guelleh ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt avant d’être condamnés arbitrairement et injustement à des peines lourdes (2 ans de prison et 5 ans de privation de droits civiques). Leur seul véritable crime reste leur engagement contre l’instrumentalisation de la pauvreté, l’exploitation du tribalisme, l’instauration de la délinquance comme vertu cardinale de la République, la démission de la magistrature,… Et pourtant être condamné pour son engagement politique constitue une violation de l’article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la république de Djibouti.

Depuis son retour à Djibouti et après 10 ans d’exil en Belgique en janvier 2013, Daher Ahmed Farah dit Daf a été arrêté et interpellé une vingtaine de fois d’une manière arbitraire et brutale. Le summum de l’illégalité a été atteint le 10 juin 2014 lorsque le tribunal de Djibouti a relaxé Daf et qu’il n’a pas pu quitter la prison. Il a été détenu arbitrairement jusqu’au 21 juin 2014 dans la prison de Gabode et n’a pu être libéré qu’après une seconde relaxe du tribunal. Des questions et des interrogations demeurent sur cette détention arbitraire voire cette séquestration de plus de 11 jours d’un leader politique. Qui a donné l’ordre au directeur de la prison pour détenir illégalement un homme libre ?

DESTITUTION DE LA NATIONALITE ET EXTRADITION en secret vers la Somaliland d’un citoyen djiboutien
Mohamed Daher Robleh, travailleur indépendant, a été arrêté puis détenu au secret pendant une semaine dans les locaux de la Sds (Police politique) en juillet 2013. Durant sa détention, il a été victime de tortures, d’humiliations et de mauvais traitements. Le 2 septembre 2013, il a été déchu de sa nationalité djiboutienne par un Décret présidentiel. C’est le mercredi 12 février 2014, vers 14h30, qu’il a été arrêté à son domicile à nouveau par la Police sans mandat. Durant plus de 72h il a été détenu à la brigade criminelle de la Police et le 15 février 2014 vers 15h30 qu’il a été extradé en catimini vers la frontière de la Somaliland.

TIRS A BALLES REELLES à la citée Arhiba le 13 mai 2014
Le mardi 13 mai 2014, un policier, en l’occurrence le garde du corps du ministre de l’Intérieur a tiré à balles réelles et à bout portant sur deux personnes. Kako Houmed Kako, membre de l’Ard, jeune militant de l’Usn, a été grièvement blessé et touché au thorax.

L’Oddh recommande au pouvoir de se conformer aux normes internationales ratifiées par Djibouti, aux dispositions constitutionnelles relatives à la protection des citoyens, au respect des libertés fondamentales, à la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu’à la Déclaration universelle des Droits de l’homme.

L’Oddh appelle le pouvoir public à la libération de tous les prisonniers politiques et à l’ouverture d’un dialogue politique respectueux et équitable pour sortir de la crise sans précédent.

Agir pour la démocratie, la dignité et la justice.

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** Farah Abdillahi Miguil est président de l’Observatoire djiboutien pour la promotion de la démocratie et des droits Humains

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