Enseignement de l’histoire et formation citoyenne
Tous les pays qui veulent émerger dans notre siècle l’ont constaté : la connaissance du passé est une clé fondamentale pour la maîtrise de l’avenir et le gage même d’un développement, même économique. C’est aussi vrai en politique et dans le monde des idées. Peut-on prévoir ce que sera Madagascar en 2050 ? Non seulement on le peut si on le veut, mais rien ne se fera si cet avenir n’est pas pensé dès à présent et si les décisions ne sont pas prises dès aujourd’hui par ceux que l’on dit être nos « responsables ».
« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis », Ernest Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882.
Comme l’Académie ne nous accorde qu’une portion congrue de temps, ce n’est qu’en quelques mots que je vais essayer de vous faire part de l’expérience que je viens de faire en acceptant d’enseigner bénévolement l’histoire dans les classes de seconde au lycée d’Andramasina. Je travaillais déjà régulièrement avec le lycée depuis 2005, comme je vous l’ai déjà exposé le 8 mars dernier. (1) En janvier 2010, j’appris qu’il manquait un professeur d’histoire au lycée. Je proposai d’assurer un cours d’histoire dans les classes de seconde et mon offre fut acceptée. Quand le lycée avait été construit il y a quelque vingt-cinq ans, la famille avait fourni du mobilier. Je ne pensais pas qu’un jour, je ferais partie du mobilier non permanent. En novembre 2011, il apparut à la demande des élèves qu’outre les trois classes de seconde, il serait bon qu’en janvier, j’enseigne également dans les trois classes de première. Le projet fut heureusement abandonné, mais j’avais eu le temps de réfléchir sur les programmes officiels des trois niveaux du lycée et de me préparer à ce que pourrait être un enseignement à ces niveaux.
UNE SURPRENANTE OUVERTURE AU MONDE
Comme tout professeur, je suppose, je me suis d’abord enquis des programmes officiels de seconde dont je crois me souvenir les avoir lus tels il y a quelque trois décennies. J’y ai donc appris ou réappris les objectifs de la matière – objectifs sans doute tirés des notes d’un cours de didactique et de sciences pédagogiques professé aux antipodes. Ils voudraient former à la discipline historique – ce qui me semble bien prétentieux avec un horaire de deux heures hebdomadaires, des élèves qui n’ont aucun manuel et des lycées qui n’ont aucun moyen pour multiplier des documents et les distribuer aux élèves – et prévoir une ouverture au monde.
Mais, en nos temps de globalisation, je ne pouvais que me demander de quel monde il s’agissait. Sur l’Afrique qui tenait une grande place dans les programmes de la Première République entre 1965 et 1972 – je les ai d’abord enseignés puis ai conçu de la documentation à destination des enseignants –, il n’y avait rien. (2) Rien non plus sur l’Asie ni sur l’ancienneté de la présence humaine en ce continent, ni sur ses pôles de développement du IVe au IIe millénaire avant l’ère chrétienne, ni sur ce berceau des religions et des philosophies – si on le sait pour le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme, on oublie le plus souvent que la philosophie grecque commença au Proche-Orient. (3) Rien évidemment sur l’Asie du Sud-Est (4) dont chacun devrait pourtant savoir que c’est de cette région que notre pays tire la majeure partie de son identité commune. Rien donc qui ferait rêver nos lycéens à cette formidable épopée marine qui conduisit les Malgaches dans la Grande Île et, sur le modèle des isa betsileo (5) – si on le leur faisait étudier comme on le fait ailleurs de la Chanson de Roland –, leur suggérerait d’en composer une chanson de geste.
En classe de seconde, les programmes officiels se veulent être une « introduction à l’étude du xxe siècle ». Mais à quel monde ouvrir les élèves ? La nature des programmes nous l’indique explicitement. En dehors d’un tout petit dixième du temps consacré au monde musulman, le programme ne concerne que les Européens, soit « les fondements historiques et l’évolution de la civilisation du monde occidental » en allant des héritages gréco-romains jusqu’aux révolutions industrielles, soit, pour une portion plus petite, à la présence et à l’influence européenne à Madagascar du xvie siècle à la « perte de l’indépendance ».
Suivant en cela les conceptions du xixe siècle et de l’époque coloniale, l’histoire officielle de Madagascar reste une annexe de l’histoire de l’Europe – celle-ci restant le centre qui aurait impulsé et impulserait toujours les « progrès » de l’ensemble du monde et, selon Hegel, aurait fait entrer l’Afrique dans l’histoire. Elle ordonne de traiter positivement du règne de Radama Ier posé comme une « phase d’ouverture » et négativement du règne de Ranavalona Ire posé comme une « phase de répulsion ». Le règne de Radama II, qui fut pourtant si catastrophique pour le pays, doit lui aussi être traité positivement, puisqu’il est donné comme une « nouvelle phase d’ouverture ».
Je me permettrai d’oser dire qu’après cinquante ans d’Indépendance, loin de contribuer à la formation de citoyens malgaches, l’histoire enseignée en suivant les programmes officiels – centrant le monde dans la Méditerranée antique, l’Europe du Moyen-Âge chrétien et de la Renaissance – formate de parfaits futurs petits néocolonisés. Et que les programmes se sont contentés de faire un copier-coller de ce qui a été prévu pour d’autres terres et d’autres cieux. Ils montrent aussi que nos spécialistes de didactique n’ont ni peu, ni beaucoup, ni passionnément réfléchi à la place de cette discipline dans la formation et la construction de ce qu’est une nation. Ou aussi bien qu’ils n’ont pas été écoutés par les « responsables ». Pour y penser, l’on ne peut s’empêcher de se référer à ce que font les « vieilles » nations et aux réflexions que l’on peut lire aujourd’hui.
LES HISTOIRES NATIONALES
Si l’on compare les enseignements de l’histoire dans les vieilles nations, l’on ne peut que constater qu’il ne peut exister une seule histoire avec un seul manuel qui serait traduit dans les différentes langues. Il y a quelques décennies, les professeurs français d’histoire et géographie s’étaient inquiétés du contenu des manuels allemands, contenu que, pour des périodes parallèles, ils ne comprenaient ni n’admettaient. Bruxelles décida alors de faire concevoir un manuel d’histoire de l’Europe utilisable par tous les pays de l’Union Européenne. Je ne sais ce qu’il advint de ce projet. S’il avait abouti, il n’aurait pu entrer en service qu’en s’ajoutant aux manuels précédents.
Si l’on se focalise sur l’évolution de la science historique en France, on peut discerner que son existence est étroitement liée à l’évolution politique, à celle des idées et des esprits suivant en cela l’air du temps. Pendant longtemps, l’histoire enseignée fut celle des rois et des personnages illustres dans un cadre déterministe providentiel et une identité chrétienne et plus précisément catholique. A côté de l’histoire de Clovis baptisé et sacré à Reims un jour de Noël (fin ve siècle), des Carolingiens avec Charlemagne consacré empereur par le Pape à Rome (800) et des Capétiens depuis 987, existait une abondante hagiographie qui, au xxe siècle fut même traduite en malgache et imprimée : deux gros volumes de textes avec l’histoire d’un saint – éventuellement d’un bienheureux pour deux des jours – pour 126 jours de l’année – d’Odilon de Cluny pour le 1er janvier à Thomas Becket pour le 29 décembre (6). A l’égal des princes, les saints étaient de ces personnages illustres que l’Église offrait encore comme des modèles à ses fidèles.
Puis vint au XIXe siècle le temps des nations. Ce fut alors l’Histoire de la France de Jules Michelet (1798-1874) qui, avec sa sensibilité romantique, revécut l’histoire tout en l’écrivant et présenta la France « comme une âme et comme une personne ». Si on lui reprocha de ne pas toujours respecter la vérité historique, son histoire, celle du peuple de France, répondait déjà à « la volonté de vivre ensemble » proclamée peu après (1882) par Ernest Renan comme sa meilleure définition.
Suivit alors l’Histoire de France d’Ernest Lavisse (1842-1922) qui, avec le positivisme de l’époque et sur le modèle de la recherche germanique, installa solidement la recherche, la vérification archivistique et documentaire et l’enseignement de cette discipline dans l’institution universitaire. Les manuels scolaires qu’il publia (7) plus tard illustrés avec des reproductions adaptées des toiles du Musée Louis-Philippe (8) – Vercingétorix à Alésia, Saint-Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, Duguesclin mourant, Jeanne d’Arc au bûcher, la bataille de Valmy que l’on voyait aussi sur les boîtes de plumes Sergent-Major de mon enfance, et bien d’autres – vont faire naître une culture historique populaire. Y contribua aussi Le Tour de la France par deux enfants, livre de lecture pour le cours moyen, qui faisait vivre une géographie sociale et historique ; publié pour la première fois en 1877, il était encore utilisé, quand j’étais à l’école primaire. De la préface qu’il faudrait retenir en son entier et que je donne en annexe, retenons-en au moins la première phrase : « La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instruction civique ». (9)
Il faudrait enfin ne pas oublier l’école des Annales qui s’appuyait sur les sciences humaines, intégrait la géohistoire et acculturait en les assouplissant les concepts marxistes. A l’origine de cette école, je veux rappeler la thèse de Marc Bloch sur Les Rois thaumaturges, lesquels, une fois par an, guérissaient des écrouelles avec des guérisons qui furent à l’époque constatées. Par cette étude « sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale », Marc Bloch, grand maître dans le métier, faisait entrer l’anthropologie dans les travaux historiens.
Madagascar n’a pas eu, comme la France, la chance d’avoir un Michelet, ni un Lavisse. Depuis l’Indépendance, la République, la première comme les suivantes, ne chercha pas et ne trouva pas non plus un Jules Ferry malgache qui aurait donné un sens à son enseignement dans les écoles, aurait créé une culture historique populaire – celle des élèves qui avaient été scolarisés – et aurait contribué à la construction d’une nation.
UNE HISTOIRE NATIONALE MALGACHE ?
Avec plus ou moins de réussite et dans l’esprit de l’époque, missionnaires, officiers et fonctionnaires apportèrent leurs contributions à la connaissance de l’histoire de Madagascar. Malgré toutes les oppositions des services du haut-commissaire, la création de l’Université de Madagascar par Michel Alliot, premier directeur de l’enseignement supérieur, (10) aboutit normalement à la création d’un département d’études historiques. On pouvait alors espérer une histoire qui aurait rompu avec le discours colonial et aurait permis de mieux comprendre le mouvement de l’histoire sur le long terme.
Or, des coopérants qui enseignèrent l’histoire à l’École Normale de Mahamasina et à la Fondation Charles de Gaulle après la création de l’Université, tous y arrivèrent par le hasard d’un poste nouveau qui y avait été créé et par le fait d’une nomination administrative. L’initiative de deux de ces coopérants avait toutefois abouti dès les années 60 à la création d’une licence d’Histoire de Madagascar et des Pays de l’océan Indien, qui peina à obtenir la reconnaissance de l’Université française. (11) Mais aucun, à ce que je sache, ne s’était auparavant intéressé à Madagascar et n’avait entrepris une recherche sur un sujet malgache, lequel ne fut choisi qu’une fois en poste à Tananarive. Ne sachant pas le malgache, tous avaient besoin, comme dans la recherche administrative orstomienne, de traducteurs et d’interprètes indigènes, lesquels n’avaient pas – ou pas encore – la culture historique donnant parfait accès aux sources et donc fournissaient les traductions attendues ou espérées. J’ai même connu à Paris un enseignant nommé à l’École Normale qui, avant de rejoindre son poste, consultait en milieu étudiant pour savoir les travaux qu’il allait proposer à ses étudiants tananariviens sur des sujets malgaches.
Bons techniciens d’une discipline où les historiens ne seraient d’aucun temps ni d’aucun pays et leur science universelle, mais n’étant pas apatrides, ils ont imposé les critères respectés en France. L’historien ne s’occupe pas de l’histoire qu’il voyait faire – de l’histoire du présent –, mais seulement du passé bien révolu pour lesquels existaient des archives ouvertes, c’est-à-dire ayant plus de cinquante ans d’âge. Outre qu’elle était un sujet tabou, l’insurrection – ou les insurrections (12) – de 1947 entrait bien dans cette période interdite. (13) Beaucoup plus tard, le sujet de maîtrise que voulait faire un étudiant sur la Jiny de Monja Jaona en recueillant les témoignages des survivants (1981), ou cet autre sur 1947 dans la région de Vavatenina (1988) furent toutefois, après discussions, accepté par un directeur de recherche.
Dans un premier temps, malgré Jan Vansina, (14) Yves Person (15) et Henri Moniot, (16) je ne vois guère de travaux universitaires faits à partir de la seule tradition orale. Cela limitait le domaine de recherche éventuelle à la seule période contemporaine selon le découpage français de la chronologie. Quant aux maîtrises sur la période royale, bien peu aboutirent : les étudiants ayant obtenu un sujet se trouvaient aussitôt ligotés par un plan imposé en trois parties et neuf sous-parties inspiré des Annales Esc. S’ils travaillèrent beaucoup sur les archives et même s’ils y firent des trouvailles intéressantes, ils n’y trouvaient pas de quoi remplir les neufs tiroirs imposés. Sans doute bon spécialiste de l’enseignement secondaire, le directeur du travail n’avait pas l’habitude de la recherche et manquait manifestement d’un peu de génie imaginatif.
Quant aux « temps obscurs » de l’histoire de Madagascar, ils étaient abandonnés à cette science ancillaire qu’est l’archéologie. Encore faut-il bien noter que, dans les années 60 et jusqu’en 1973, elle fut fort mal servie par un responsable définitivement persuadé que le début du peuplement datait du xe siècle de l’ère chrétienne et n’était en rien enclin à chercher à défricher la période ancienne et à remonter plus loin dans le passé. Je me souviens qu’ayant obtenu pour Sarodrano, un site côtier au sud de Tuléar, une datation au C14 donnant 2000 ans B.P., il avait péremptoirement conclu que c’était une erreur du laboratoire japonais ! Pour le deuxième volume de l’Histoire générale de l’Afrique qu’avait entrepris l’Unesco, il réussit même l’exploit d’écrire tout un chapitre pour dire qu’il n’y avait rien à dire sur Madagascar avant le viie siècle. (17)
L’arrivée aux manettes de la première génération d’historiens et de jeunes chercheurs malgaches dans les années 70 allait donner une bonne impulsion à la recherche mobilisée par un directeur de département dynamique. Organisation de colloques se donnant pour but de faire naître toutes les régions à l’histoire, publication d’une revue scientifique Omaly sy Anio, publication aussi des premiers mémoires de maîtrise soutenus à Ankatso dans les années 60, les bases étaient heureusement posées pour la création d’une culture historique populaire. N’ayant plus les mêmes budgets qu’en ses débuts, l’archéologie entreprit aussi son développement surtout dans la région de Tananarive et publia même un temps une lettre d’information sur les travaux effectués. (18)
Les recherches en tradition orale produisirent également un certain nombre de travaux qui donnèrent du sérieux à des tantara amateurs ou qui firent émerger une histoire événementielle ou culturelle des régions touchées jusqu’alors par la seule ethnographie. L’on pouvait alors découvrir l’histoire des Vezo, présentés habituellement comme des « semi-nomades marins », celle du royaume de l’Onilahy au nord du pays mahafale, celle des Betsileo, de leurs sites anciens et de leurs dynasties, celle des Tsimihety et de leurs seigneurs Antevoholava d’Andohan’Androna, celle des Betsimisaraka avec leur organisation, leurs rites et la structure sociale de leurs terroirs… Quelques-uns de ces travaux aboutirent à des doctorats soutenus notamment à Paris.
Le mouvement fut rapidement stoppé. Dans l’administration malgache, le parti colonial ne l’avait jamais vraiment apprécié. A titre symbolique et comme toute la corporation s’en souvient, je rappellerai qu’à l’époque du socialisme ratsirakien, l’inamovible ministre de l’Enseignement Supérieur se refusa toujours à venir ouvrir les colloques régionaux et qu’il refusa aussi bien de donner le moindre franc Fmg pour leur tenue et pour la publication des actes, laissant demander – mangataka, dit-on, en malgache pour demander mais aussi pour mendier – les quelques moyens nécessaires auprès des uns et des autres. Malgré son malgacho-malgachisme déjà ambiant, l’État, bon élève du marxisme, pensait sans doute que l’histoire n’était qu’une vulgaire superstructure évoluant avec la base économique et ne faisant que la refléter. Il ne fit rien pour aider à la création d’une conscience historique populaire. Rares sont les travaux universitaires qui ont débouché dans l’édition et la mise à disposition d’un public qu’ils auraient aidé à connaître et comprendre l’histoire nationale.
Péché actuel du mandarinat, les recherches qui sont faites, tant dans les Universités qu’à l’Ens, le sont le plus souvent au seul profit des enseignants qui les ont dirigées et ne sont pas publiées sous une forme économique pour un public plus large et notamment pour les professeurs d’histoire. Étant entendu que l’ethnographie était une science coloniale que, dans une optique révolutionnaire, devait remplacer la sociologie, l’anthropologie historique n’y trouva pas place, et les articles anthropologiques de quelques historiens furent publiés à l’extérieur. L’on ne chercha pas non plus, dans l’orientation proposée par Hubert Deschamps, à décrire, comprendre et situer dans l’histoire culturelle les coutumes malgaches et les religions ayant cours dans le pays.
L’histoire de Madagascar conçue par la science coloniale et néocoloniale continue donc à innerver la culture scolaire. (19) Elle ne pouvait servir au développement. Le nouveau concept de «développement humain», par l’attention qu’il exige de porter aux hommes, aurait pu permettre l’éclosion d’une Histoire nouvelle, laquelle aurait pu alors aider au développement. Je ne reviendrai pas sur les analyses que j’ai faites pour un colloque de l’Académie en 1991 (20) et qui n’ont rien perdu de leur actualité. Il est regrettable que ces colloques soient le plus souvent restés confinés dans le domaine de la littérature grise. Je sais que le budget prévu pour la publication des actes du colloque de juillet 1992 (21) avait disparu au moment où l’on en avait besoin. Il existe toujours, à l’intérieur de l’administration, un parti colonial tout à fait efficace pour s’opposer au changement et surtout au changement des idées.
L’ENSEIGNEMENT EN CLASSE DE SECONDE AU LYCÉE D’ANDRAMASINA
Mon expérience de la pédagogie à Madagascar remonte au temps de la Ire République, à une époque où Itpkl. Laurent Botokeky, Ministre des Affaires Culturelles, n’était pas insensible aux problèmes réels de l’enseignement du pays, (22) mais sa marge de manœuvre était très étroite. Pour le moindre changement, il aurait fallu chaque fois en convaincre la Coopération. Je me souviens qu’avec Claude Chalmeau, nous avions pourtant travaillé à une forme de malgachisation de l’enseignement dans les écoles primaires conventionnées que fréquentait une majorité d’élèves français, comme de remplacer l’étude de la cerise (Prunus sp.) en sciences naturelles par celle de la banane, etc. Je me souviens aussi d’avoir eu à rédiger les instructions pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie dans l’enseignement secondaire. D’avoir été en même temps secrétaire permanent de la commission sur l’intégration de la sociologie à l’enseignement de l’histoire et de la géographie – impulsée par les coopérants développeurs et sociologues de l’École nationale de promotion sociale (Enps) – qui, après 1972, aboutit à ce monstre disciplinaire imaginé par les révolutionnaires qu’est la tajefia.
J’en avais retenu le droit que possède tout enseignant d’interpréter les programmes officiels et, en mettant Madagascar au centre de mon enseignement, d’ouvrir en 2010 les élèves du Lycée d’Andramasina au monde de la science et au monde malgache.
Pour contrer toutes les formes de racisme que l’on peut rencontrer, il fallait décrire ce que fut l’apparition de l’homme telle que les mythes (la Genèse biblique, les mythes malgaches, un mythe éthiopien – j’aurais pu en choisir d’autres tant il y en a), et telle que la science nous l’a reconstruite. Le temps court du mythe doit être corrigé par le temps long de la science et passer des six jours de la Genèse à des milliards d’années pour arriver à Toumai et encore à des millions d’années pour arriver à l’Homo sapiens. La lente maturation des Homo (la reconstitution d’Ardipithecus ramidus (23) a beaucoup intéressé mon petit public en 2010) autant que la diffusion de l’Homo sapiens à la surface de la terre. Enfin, la naissance des différentes civilisations.
Pour corriger tout ce qui a été dit sur Madagascar – son histoire inscrite dans une chronologie courte qui, comme une poubelle, se remplit peu à peu d’apports étrangers qui auraient lentement fait avancer les sauvages malgaches vers la civilisation –, il faut remonter dans la plus lointaine époque possible, c’est-à-dire à l’époque de la transgression flandrienne (ixe millénaire avant l’ère chrétienne), montrer que les grands ancêtres (razandrazana) furent les premiers navigateurs de l’humanité et montrer avec une carte du monde austronésien comment, partant de l’île de Taiwan et du sud-est de la Chine, ils peuplèrent les îles du Pacifique et de l’Océan Indien, et inventèrent en Asie du Sud-Est un néolithique particulier différent notamment du néolithique proche-oriental et du néolithique américain.
Étant en Imerina, j’accorde à celle-ci une place particulière avec le site d’Ambohimanana (ixe-xe siècle) qui donne un tout autre éclairage sur l’histoire de la région et évite de continuer à répandre des idées fausses comme l’invention du fer par Andriamanelo et la domestication du zébu par Ralambo sans prendre la peine d’expliquer l’idéologie qui les fonde. Puis l’influence arabe en Ankova avec l’adoption du calendrier lunaire arabe, de la semaine, en remplacement de l’année lunaire utilisée par des sociétés agricoles, et bien d’autres emprunts.
En dehors d’Imerina, le professeur pourrait développer la connaissance de la région où il enseigne avec, par exemple, l’archéologie du pays betsileo et l’histoire des principautés du Lalangina, de la Matsiatra et de l’Homatsazo pour le sud de la région ou celle du Manandriana pour le nord. Mais il ne faudrait négliger ni le modèle sakalava qui toutefois ne constitue pas un empire, comme le prétend un excès de vocabulaire, mais une sorte de fédération de principautés liées par la parenté de leurs princes. Ni négliger la dynastie d’Alasora avec la constitution de l’Imerina (roa-toko sous Ralambo, efa-toko sous Andriamasinavalona et enin-toko sous Andrianampoinimerina), parce qu’elle est à l’origine du Royaume de Madagascar au xixe siècle.
Le xixe siècle est plus facile à traiter. Entre propositions anglaises et prétentions françaises, la politique d’unification de Radama Ier. La revendication souverainiste de Ranavalona Ire, la plus grande reine de ce siècle qui aurait voulu industrialiser le pays et qui dut subir deux agressions en 1829 et en 1845. La politique déraisonnable de Radama II, victime des mauvais conseils de ses amis français civilisateurs. Le règne réparateur de Rasoherina. Le système précolonial de Ranavalona II, avec la conversion au christianisme et la relative dépendance à l’égard des missionnaires. Le succès des revendications françaises sous Ranavalona III.
Pour les deux premiers règnes et l’échec de Radama II, il faudrait bien expliquer ce qu’était le système politique malgache. L’Andriamanjaka n’était pas sur la terre, comme Louis XIV, « ministre de Dieu », c'est-à-dire son serviteur, à qui il aurait à rendre des comptes quand il aurait quitté ce monde. Ni comme le pape qui, au Moyen-Âge, s’intitulait « serviteur des serviteurs de Dieu ». Partant du modèle des royautés européennes, Thomas More avait pu écrire que « c’est du prince que ruissellent sur le peuple entier, comme d’une source intarissable, les biens et les maux », (24) dont on comprend bien toute l’ambigüité ; son analyse de la fonction de prince ne mettait pas celle de servir parmi les mots du pouvoir.
A Madagascar, le modèle est différent. L’Andriamanjaka est descendant de Dieu et dieu lui-même, et à ce titre, titulaire d’une royauté universelle indisponible. Même si son pouvoir pratique ne concernait qu’une petite partie de cette terre, il ne pouvait rien en céder. (25) S’il était l’Andriamanitra qui choisit (Andriamanitra mifidy) et l’Andriamanitra qui décide (Andriamanitra mandidy), il n’était en rien un monarque absolu sur le modèle du despotisme éclairé du xviiie siècle en Europe. Il était en fait celui vers qui convergeaient les décisions prises aux différents niveaux du peuple, celui qui les examinait et décidait si elles étaient conformes aux impératifs du contrat social selon la tradition. En somme, il était à lui-seul à la fois conseil constitutionnel et chambre d’enregistrement. Il était le dieu dont on peut attendre des bénédictions et que l’on rend responsable des maux qui frappent le monde terrestre. Cela est vrai dans toutes les principautés et royaumes de l’île.
DE L’URGENCE D’UNE RÉFORME
Une réforme de l’enseignement de l’histoire répond à plusieurs besoins. Dans le désordre politique et psychologique créé par le coup d’État de 2009, la demande fut faite de restaurer l’instruction civique. Sans doute n’est-ce pas inutile, mais celle-ci décrivait les institutions et leur fonctionnement et l’on peut se demander si elle ne provoqua pas l’apparition de constitutionnalistes au petit pied qui font le malheur de ce pays – chacun voyant dans sa Constitution un avenir radieux jusqu’à sa condamnation à la crise suivante. Plus que l’instruction civique, ce qui est nécessaire, c’est l’éducation civique par une histoire nationale qui fonde le vivre ensemble. Cette histoire nationale doit :
1. — MAINTENIR UNE SOCIÉTÉ MALGACHE RÉUNIE - Toute société, résultat d’une expérience multimillénaire, ne tend pas à disparaître, mais à inculquer à chacun de ses jeunes membres, outre la langue, « des valeurs, un imaginaire partagé, des représentations collectives, des idéaux et idéologies, tout ce que l’on désigne couramment par "culture" ». (26) C’est ce qui fait le ciment du lien social qui transcende les générations.
Or cette société est bien mal en point avec un premier fossé entre une minorité d’occidentalisés ayant des attaches outre-mer depuis moins de deux siècles et une majorité populaire à culture multimillénaire dans les campagnes peu touchées par le christianisme et les écoles. A cette première dichotomie s’en ajoute une seconde, celle provoquée par la sururbanisation. Comme le montre l’évolution de la capitale, des flots de jeunes ruraux viennent s’installer en ville, à un âge où ils n’ont pas encore été bien initiés aux codes et valeurs qui constituent la société malgache dans le monde rural. Affectivement attachés à leur milieu d’origine, ils risquent alors de succomber à cette culture malgache de pacotille que, sous prétexte de tradition, leur proposent des charlatans et de faux ombiasy ou aussi bien, dans un désir d’ouverture à une forme d’universalisme, aux offres alléchantes des sectes pseudo- ou para-chrétiennes. Quant à l’éducation que les parents y donnent à leurs enfants, elle est réduite au minimum, ceux-ci étant absorbés par la recherche des quelques ressources permettant leur survie.
Dans ce nouveau milieu citadin, mais aussi souvent à la campagne, les parents aujourd’hui abandonnent à l’institution scolaire non seulement l’instruction, mais souvent aussi l’éducation de leur progéniture. Un fait significatif de l’accélération du phénomène : quand, il y a vingt ou trente ans, je demandais à mes étudiants de licence de mettre par écrit un conte (angano) ou une histoire (tantara), j’en obtenais aussitôt une abondante moisson. Aujourd’hui, aucun de mes étudiants n’a jamais entendu une grand-mère ou une mère leur en raconter. Entre les deux périodes, l’on doit noter une différence. Dans la première, mes étudiants venaient des huit côtés de l’île; aujourd’hui, ce sont des Tananariviens. L’on peut se demander si, à l’avenir et au moins pendant un certain temps, les dépositaires de la culture malgache ne seront pas les originaires de la périphérie, alors que ceux de la capitale formeraient un groupe de déculturés – malgachement s’entend.
On comprend dès lors ce que sont les responsabilités de l’institution scolaire et universitaire. La royauté au xixe siècle avait réalisé une grande partie de l’unification politique. La République au xxie siècle se doit de maintenir l’unité culturelle.
2. — EFFACER LE TRAUMATISME COLONIAL - Ce devrait être là l’un des buts d’une réforme des programmes menée par un ministère voulant donner un sens à l’enseignement de l’histoire dans la construction d’une identité nationale. Je l’ai dit, les programmes actuels, correspondant à l’histoire écrite par les vainqueurs, tendent à former de bons petits néocolonisés dans le cadre d’un empire multiethnique par sa constitution. C’est ce qu’ils ont fait depuis des décennies, ce sont eux qui ont formé nos politiciens actuels. L’on comprend mieux dès lors que, dans la crise politique que nous vivons, toute chose qui serait à charge pour le pays, soit attribuée quasi unanimement à la France et, comme dans le De viris illustribus de l’histoire classique, aurait pour cause bien visible la personne de son Ambassadeur à Antananarivo, Jean-Marc Châtaignier, alors que la Françafrique, qui commanderait la politique malgache, en serait la « main invisible ».
Comme ils ne connaissent pas l’histoire nationale, nos politiciens, mais aussi nombre de nos diplômés, ne se sont pas encore intellectuellement décolonisés et réagissent comme ils l’auraient fait au temps du totalitarisme de la période coloniale (27) : la France et son Gouverneur Général, en l’occurrence aujourd’hui son Ambassadeur, seraient toujours responsables de tous les maux qui frappent Madagascar. (28)
Événement majeur, la conquête coloniale et l’annexion de 1896 nièrent toute souveraineté malgache. En l’absence d’idées nouvelles qui donneraient un sens au concept d’Indépendance, nous vivons dans l’éternité de l’événement colonial. Le monde vécu de l’univers malgache, surtout urbain et occidentalisé, est toujours installé dans cette période. L’on n’a pas encore compris, par exemple, que participer aux institutions de la francophonie – qui n’est pas une marque d’infamie, mais un legs irrépréhensible de l’histoire –, ce n’est plus être simplement une province de l’Empire français en rose sur les globes et planisphères de l’époque.
3. — RETROUVER SON HISTOIRE POUR VIVRE SON PRÉSENT - Retrouver son identité, c’est bien sûr maîtriser sa langue. Tout le monde en convient à l’exception des membres du parti administratif colonial, comme l’a montré la décision d’un ministre nouvellement nommé qui, par circulaire sur la langue d’enseignement, annula les décisions de la loi sur l’enseignement qui venait d’être votée sous la présidence d’Albert Zafy et le ministère de Fulgence Fanony. L’on se souvient de la maxime
Andrianiko ny teniko,
Ny tenin’ny hafa no feheziko,
servant d’oriflamme aux Roa Andron’ny Teny Malagasy qu’organisait Bakoly D.-Ramiaramanana dans ces mêmes années 90. Retrouver son identité, c’est aussi bien sûr retrouver son histoire. Sur le modèle de la langue, on peut tout aussi bien dire :
Andrianiko ny tantarandrazako,
Ny tantaran’ny hafa no feheziko.
« L’histoire des pays du tiers-monde, constate Pierre Nora, fait-elle autre chose que reproduire fidèlement les étapes de la colonisation et de la décolonisation? » (29) L’on ne peut évidemment s’en contenter. À Madagascar, l’on peut faire l’économie de l’homme des cavernes et de Cro-Magnon, car les premiers colons étaient déjà des agriculteurs et des métallurgistes. Par contre, pour bien comprendre l’histoire sur le long terme, l’on ne peut accepter de la mutiler en partant de Diego Dias en 1500, voire à Marco Polo (Le Devisement du Monde, 1298), comme on l’a appris à tous les élèves qui arrivent en seconde. Ils n’ont pas « découvert » Madagascar, Marco Polo n’en parlant d’ailleurs que par ouï-dire. Comme l’Amérique a été découverte par les Amérindiens venus d’Asie il y a quelques dizaines de milliers d’années, la Grande Île, île alors inhabitée et humainement déserte, le fut vraisemblablement par des commerçants austronésiens fréquentant les réseaux commerciaux de l’Océan Indien, et sans doute ensuite explorée par les premiers colons eux-mêmes venus s’établir dans le pays.
Il faut donc remonter aux Razandrazana du temps du Faharazandrazanina en Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est. Et, pour toute la Grande Île, présenter les institutions austronésiennes comme la dation du nom (ala volon-jaza) et les secondes funérailles (famadihana, okatr’arana, asa lolo…) comme garantes d’une continuité historique que ne peut assurer un récit continu centré sur des individualités nommées et connues, car nous demeurons – et demeurerons – bien évidemment incapables de dire le nom du premier Malgache qui commandait le bateau, qui vit Madagascar et qui fut le premier à y mettre pied à terre, ni le nom de son bateau, ni précisément le lieu, ni exactement la date. Penser les Razandrazana par delà les hommes illustres mais oubliés de cette époque, c’est fonder une légitimité nationale indépendante des seules dernières dynasties royales, lesquelles ont occulté les dynasties anciennes.
Cette histoire ne peut être qu’une histoire plurielle dans laquelle chaque région ou chaque population régionale serait présente. La collection d’Omaly sy Anio y serait une revue-source indispensable. Il y apparaîtrait une unité ancienne au fondement de la diversité actuelle – une unité culturelle dans la diversité de ses réalisations actuelles. On peut paraphraser l’historien Dominique Borne, (30) qui parlait de le France, et dire qu’il faut «"faire Madagascar" avec tous, pour comprendre et habiter un Madagascar pluriel, il est indispensable de construire une histoire qui enracine les diversités». A défaut d’une Bozy avec des dokodoko et chapeautée d’un satrobory comme bonnet phrygien, l’Indépendance ne peut se limiter au tracé d’une carte de la Grande Île en béton armé, celle des monuments qui veulent rappeler un moment de l’histoire dans toutes les villes et petites bourgades du pays. Plus que les contours insulaires, l’Indépendance devrait faire connaître tous les hommes qui y vivent. L’on se plaît alors à penser à un Tour de Madagascar par deux enfants en malgache et bien illustré qui serait le livre de lecture de toutes les écoles primaires et en présenterait la variété et les richesses : la variété des paysages, la variété des régions, celle de la flore et de la faune, mais aussi celle des hommes. Et les richesses de ses minéraux, les richesses des techniques de mise en valeur, les richesses de son artisanat. La variété et la richesse de son histoire. Un livre de lecture pour « présenter la patrie sous ses traits les plus nobles, et la leur montrer grande par l’honneur, par le travail, par le respect religieux du devoir et de la justice ». (31) Je me permettrais, en notre temps de mensonge et de mauvaise foi, d’y ajouter le respect religieux de la parole donnée, si importante dans toute société de l’oralité.
DES MOYENS À METTRE EN ŒUVRE
A constater que cette orientation de l’enseignement avec ses insuffisances et ses imperfections – qui sont aussi mes insuffisances et mes imperfections – intéresse vraiment les lycéens d’Andramasina, comme en témoignent même les retours provenant des parents d’élèves, je pense que c’est un programme qui pourrait être essayé sur un plus grand nombre de lycées avec des professeurs volontaires. Ce n’est alors qu’après un bilan sérieux, il serait possible d’envisager son avenir. Mais l’on peut poser qu’il contribuerait mieux que l’actuel programme à la formation du citoyen malgache de demain. Il pourrait satisfaire au besoin d’histoire nationale que ressentent, quand ils travaillent déjà ou quand ils arrivent à la retraite, d’anciens ambassadeurs, des ingénieurs, des pilotes de Boeing ou d’Airbus qui m’en ont parlé.
Je ne poserai pas la question de savoir si une telle réforme est possible. Elle apparaîtra nécessaire à tous ceux qui préfèrent l’intérêt supérieur de la nation et de son avenir plutôt que l’intérêt privé de leur ration et du seul avenir de leur compte bancaire. Ce n’est pas un vocabulaire que j’invente, je le reprends des analyses politiques faites depuis le coup d’État de mars 2009.
Promulguer immédiatement un décret ou un arrêté ministériel serait la meilleure façon de faire avorter cette réforme, car elle serait aussitôt remise en cause par le ministre suivant. Pour y conduire, il est donc préalablement indispensable :
● d’étendre une expérimentation à plusieurs lycées où les professeurs seraient volontaires, en la soutenant par une action de formation en relation avec les enseignants de l’Université et de l’Ens.
● de diffuser, auprès de tous les enseignants d’histoire et de géographie en lycée, une documentation scientifique ou pédagogique par un organisme léger comme l’était le Centre d’Action Pédagogique du temps de la Ire République. Il serait nécessaire aussi de diffuser toute une documentation sur la Vvs, Ralaimongo, et 1947 (classe de première) pour éviter que des professeurs dépourvus n’envoient leurs élèves faire des enquêtes personnelles impossibles et aléatoires.
● d’envisager un nouveau programme pour les niveaux d’enseignement antérieurs, notamment pour l’enseignement primaire qui doit tenir une place de premier plan dans la formation d’une nation malgache. La science a montré la plasticité cérébrale et le fait que les apprentissages modifient l’activité du cerveau. La socialisation des individus, pour être efficace sur le long terme, doit commencer avec l’enseignement primaire. Toute erreur peut avoir des répercussions malheureuses sur tout le corps social des décennies à venir.
● de mettre fin à ce que fut la lutte contre les superstitions et les soatoavina malagasy. Abandonner l’idéologie du Fandrosoana ou du Fampandrosoana pour celle du Fahendrena, chère à Ranavalona ii en attendant de passer, dans l’avenir, à celle du Firosoana. Après le Moyen-Âge colonial, c’est vers une véritable Renaissance qu’il faut tendre – une Renaissance qui trouverait ses racines chez les Anciens qu’ici nous appelons Ntaolo et qui, par l’histoire culturelle, redonnerait leur place aux principales constantes toujours vivantes de leur civilisation. Une Renaissance qui fonderait une modernité malgache pacifique, qui déprivilégierait les individus dits « progressistes », sources des coups d’État et des dictatures messianiques, et qui rendrait toute sa légitimité à la communauté du peuple.
● de corriger tout ce qui, dans la christianisation, portait atteinte au statut de la femme en en faisant un « mobilier fragile » (fanaka malemy), tout autant que tout ce qui relève manifestement d’une intolérance ancienne. A cet égard, il faut combattre les effets encore vivants des guerres qu’ont livrées les confessions chrétiennes depuis le 19e siècle. On songe particulièrement aux traductions et éditions par les missions protestantes anglaises des ouvrages de John Bunyan, The Pilgrim’s Progress et The Holy War, sous les titres de Ny dian’ny mpivahiny… (32) et Ny ady masina. (33) Ces deux ouvrages anglais du 17e siècle ont fait l’objet de nombreuses rééditions. À ma connaissance, la dernière de Ny dian’ny mpivahiny qui le fut par les Luthériens, ne date que de 1985. Elle entretient la guerre de religion ou tafika masina, même en période, dit-on, d’œcuménisme. On peut songer aussi aux origines catholiques de cette superstition moderne des mpaka fo.
● et, si l’on voulait éviter les discussions inutiles sur le sexe des anges, de tirer au sort, parmi les parents d’élèves du Lycée d’Andramasina, des jurés qui en décideraient. Dans un domaine comme celui de la langue, où les responsables et les experts ont tendance à décider seuls et finalement prennent des décisions toujours contradictoires, il serait préférable de recourir au tirage au sort de jurés. La composition sociale des élèves du Lycée étant représentative de toute la population malgache, on pourrait admettre que ses résolutions soient un pur produit de la démocratie. (34)
CONCLUSION
À l’évidence à Madagascar, notre monde « moderne » craque avec ses crises internes qui se suivent et se ressemblent. Des siècles, des millénaires ont formé l’âme malgache qui ne peut vivre son présent avec le riche legs de son passé et qui tout aussi bien ne peut vivre son avenir en faisant table rase du legs ancestral. Il lui faut donc accoucher d’un autre monde où elle puisse retrouver ses racines. Tous les pays qui veulent émerger dans notre siècle l’ont constaté : la connaissance du passé est une clé fondamentale pour la maîtrise de l’avenir et le gage même d’un développement, même économique. C’est aussi vrai en politique et dans le monde des idées. Peut-on prévoir ce que sera Madagascar en 2050 ? Non seulement on le peut si on le veut, mais rien ne se fera si cet avenir n’est pas pensé dès à présent et si les décisions ne sont pas prises dès aujourd’hui par ceux que l’on dit être nos « responsables ». Le volontarisme en politique doit remplacer la passivité de responsables enclins à n’appliquer que les solutions clés en main qui leur sont proposées. Nous ne pouvons plus nous laisser aller à vivre dans un cadre déterministe providentiel d’importation où la « providence », ne pouvant plus être ni les ancêtres ni la Reny malala, serait la Banque Mondiale, le Pnud, et avec une identité qui serait celle du capitalisme mondial ou global.
Je veux toujours espérer que les temps qui viennent feront mentir l’adage colonial selon lequel les Malgaches étaient souvent parfaits dans l’imitation, mais toujours incapables de prévision et d’innovation. En centrant l’histoire sur le monde malgache, l’intelligence culturelle devrait permettre à l’ensemble du peuple de retrouver, avec son antique esprit d’initiative, sa souveraineté culturelle et la fierté d’avoir une histoire qui dépasserait celle du petit tanindrazana de la campagne et qui s’intégrerait dans celle de toute l’humanité dans le contexte des changements survenus à l’échelle planétaire. Si, comme je le crains et comme il est probable, rien ne se faisait dans les années qui viennent, du moins l’Académie pourra, devant la postérité, dire qu’elle avait bien envisagé la question et qu’elle en avait débattu. Ce serait alors à l’histoire d’en juger.
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** Jean-Pierre Domenichini est professeur bénévole au Lycée d’Andramasina
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NOTES
1) Lovantsofina et tadidivava d’Andramasina ou l’histoire que révèle la tradition orale. Écrire une autre histoire? », communication pour la séance de la deuxième section.
2) Sur la constitution de ces programmes, on consultera utilement Faranirina V. RAJAONAH, «Repenser l’enseignement de l’histoire à Madagascar dans les années soixante», Revue historique des Mascareignes, 2002, n° 4, pp. 79-92.
3) [J.-P. DOMENICHINI], «Histoire [de l’Asie]», in : Encyclopédie Axis. Dossiers, Paris, Hachette, vol. 1, 1993, pp. 395-398.
4) [J.-P. DOMENICHINI], «Histoire de l’Asie du Sud-Est», in : Encyclopédie Axis. Dossiers, Paris, Hachette, vol. 1, 1993, pp. 400-403.
5) Cf. Ratsiafabahiny dans Lucien-Xavier MICHEL-ANDRIANARAHINJAKA, Le système littéraire betsileo, Fianarantsoa, Ambozontany, 1986.
6) Tantaran’ny olo-masina, Tananarive, Imprimerie de la mission catholique, 1925, 2 vol., 339 et 315 p. [6e édition]. — La biographie de 126 saints (ou bienheureux) offerte aux fidèles malgachophones, c’est toutefois bien peu comparé aux 422 saints retenus par les Eglises de France et de Belgique que nomme le missel de mon enfance (Dom Gaspar LEFEBVRE, Missel vespéral romain (quotidien), publié par l’Apostolat Liturgique - Bruges - et la Société Liturgique S.A. - Paris-, 1947, 1760 p.)
7) Le petit Lavisse pour le cours moyen, 1re et 2e année (Ernest Lavisse, La nouvelle première année d’Histoire de France, 1894, 264 p.) vient d’être réédité à l’identique (Editions des Equateurs, 2010).
8) Pierre NORA, « Le Musée historique de Versailles : une transfiguration », in : Présent, nation,
mémoire, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 2011, p. 174-175.
9) G. BRUNO, Le tour de la France par deux enfants. Devoir et patrie, Paris, Belin, 1904, 312 p. (324e édition). – Une seconde mouture, mieux adaptée à la séparation de l’Eglise et de l’Etat et à la laïcité française, fut publiée en 1906. Elle fut utilisée par les écoles publiques, mais aussi bien par les écoles catholiques. De cette seconde mouture, la dernière édition, préfacée par Jean-Pierre Rioux, est due aux Editions Tallandier, Paris, 2012, XIV-322 p. On trouvera le texte des deux moutures et une version montrant les différences entre elles sur le site http://www.demassieux.fr/Site/Tour_de_la_France.html Si un écrivain ou un groupe d’écrivains voulaient s’en inspirer, il serait plus adapté à la situation malgache de lire la seconde mouture.
10) Je me permets de rappeler que Michel Alliot, chef de réseau du BCRA dans la Résistance pendant la guerre, fut en 1957 professeur d’ethnologie juridique à l’Université de Dakar, puis en 1961 conseiller technique auprès du ministre de la France d’Outre-Mer Bernard Cornut-Gentile pour travailler à la création d’universités ultra-marines dont il ne voulait pas que, « comme à Dakar, disait-il, l’on y enseigne la sécurité sociale telle qu’elle l’était en France ». Nommé directeur de l’enseignement supérieur à Madagascar en 1962, il se heurta aux souhaits de la haute-représentation française qui lui proposait de faire du tourisme dans l’île et, sans succès, lui recommandait de ne pas créer une université. Il voulait innover en fonction des besoins et des souhaits des étudiants malgaches de Tananarive et de Paris qu’il consultait constamment. Significatif de son projet, il avait fait faire pour son bureau un planisphère sur lequel Madagascar était au centre. C’est ainsi que fut créée une licence de lettres qui, après l’année de propédeutique, comportait deux certificats de français et deux de malgache. C’est à lui que l’on doit le campus, les premiers bâtiments et les centres de recherche d’Ambohitsaina dont il reste à faire l’histoire. Mais les innovations s’arrêtèrent vite quand Lucien Paye, ministre de l’Education Nationale pour lequel le modèle universitaire restait franco-français, l’obligea à démissionner. On comprend donc la difficulté à faire reconnaître la licence d’histoire de Madagascar et des pays de l’Océan Indien qui fut par la suite créée à l’université de Madagascar.
11) Cf. la note précédente.
12) Sur cette question, voir les dernières études de Jean Fremigacci sur « L'Insurrection de 1947 dans la région de Mananjary » dans les numéros 12, 13 et 14 de Tsingy.
13) Le travail de Jacques Tronchon (L’insurrection malgache de 1947, Paris, F. Maspero, 1974) ne fut pas mené avec le département d’histoire d’Antananarivo, mais avec l’Université de Lyon.
14) De la tradition orale. Essai de méthode historique, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1961.
15) Samori, une révolution dyula. IFAN, Dakar, 1968-1975.
16) « L’histoire des peuples sans histoire », in : J. LE GOFF et P. NORA, Faire de l’histoire, Paris, Gallimard, 1974, vol. I, pp. 106-123.
17) P. VERIN « Madagascar», in : G. MOKHTAR éd., Histoire générale de l’Afrique. II. Afrique ancienne, Paris, Unesco, 1980, pp. 751-777.
18) Les Nouvelles du Centre d’Art et d’Archéologie de 1983 à 2003.
Les derniers manuels parus pour l’enseignement primaire (M. RATOEJANAHARY, Tantaran’i Madagasikara (Kilasy faha-8), Antananarivo (Ivato), Sedico, 2000, 83 p. ; F. RATSIMAHOLY, Tantara. Classe de 7ème. Fandaharampianarana ofisialy. Fahagola ka hatramin’ny Jolay 2011, Antananarivo, édité par l’auteur, s.d., 177 p. ; et B. RASOANINDRINA, Tantara. 8ème, Nouveau programme, Antananarivo, Librairie mixte, 2009, 47 p.) continuent à diffuser dans l’enseignement primaire une histoire racialiste qui contribuent à maintenir les oppositions ethniques inventées par la colonisation qu’utilisa la néocolonisation.
19) L’histoire de Madagascar dans le passage du développement au développement humain, Communication au Colloque International sur «La recherche, un facteur déterminant du développement», Académie Malgache, Antananarivo, 4-11 avril 1991, 38 p. – Le texte de la communication en est consultable à la bibliothèque de l’Académie où je viens d’en déposer un exemplaire.
20) Journées sur «Le langage, premier outil de/du développement», 6-13 juillet 1992, Académie Malgache, Antananarivo.
21) En avril 2013 devant la Commission Technique Interministérielle chargée de procéder à l’évaluation du système éducatif, il l’explicitait : L’enseignement, disait-il, « néglige trop les rapports entre l’individu et sa civilisation… Enfin cet enseignement est resté trop étranger aux problèmes de développement, négligeant ainsi de montrer aux jeunes malgaches le vrai visage de leur pays, et par voie de conséquence ne les incite pas à faire des efforts en vue du progrès économique et social de l’île », cité par RANDRIAMASITIANA Gil Dany («Force et faiblesse du système éducatif malgache durant la première décennie de l’indépendance», in : Les années soixante dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien. Revue Historique des Mascareignes, 2002, n° 4, p. 62).
22) Déclarée «découverte scientifique de l’année 2009» par le magazine Science, cette femelle hominidé haute comme trois pommes (1,20 m) vivait, bien avant Lucy, il y a 4,4 millions d’années dans ce qui est aujourd’hui le rift de l’Afar, en Éthiopie.
23) Thomas MORE, L’Utopie, édition 1987, p. 91.
24 Cf. l’Histoire d’Imanjakatsiroa (J.-P. DOMENICHINI, Les Dieux au service des Rois, 1986, pp. 222-
25) où Radama dit : « Ahy avokoa ny fanjakana any an-dafy sy ny atý ka ny eto napetrak’Andrianampoinimerina amiko, ary ny any an-dafy napetrak’Andriamanitra amiko, ka ny fanjakako atý dia tsy omeko na handrian’ny akotry aza. — Tout le royaume m’appartient, ici aussi bien qu’outre-mer. Celui d’ici m’a été remis par Andrianampoinimerina, et celui d’outre-mer m’a été remis par Dieu. Et en ce qui est de mon royaume d’ici, je n’en céderai même pas de quoi poser un grain de paddy ».
26) Achille WEINBERG, « Qu’est-ce qu’une société ? », in Sciences Humaines, 2012, n°234.
27) Sur cette notion, voir J.-P. DOMENICHINI, « Le totalitarisme colonial à Madagascar (1895-1960) », Bulletin de l’Académie Malgache, 2010, LXXXIX-2, pp. 27-34.
28) La lecture des blogs sur internet en fournit la preuve évidente.
29) P. NORA « Le retour de l’événement », in Présent, nation, mémoire, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 2011, p. 77.
30) Cité par P. NORA, « Une autre histoire de France », in : Présent, nation, mémoire, Paris, Gallimard (Bibliothèque des histoires), 2011, p. 154.
31) Préface de la deuxième mouture du Tour de la France par deux enfants…
32) Ny dian’ny mpivahiny, kristiana nandao ny tanàna fanimbana, Antananarivo, Trano Printy ny Fiangonana Loterana Malagasy, 1985, 93p.
33) Ny ady masina, Tananarive, FFMA, 1912, 174 p. Préface de Rasoamanana. 3e édition.
34) Sur cette procédure qui, sur le modèle des anciennes démocraties historiques, jouit actuellement d’une faveur certaine, cf. Yves SINTOMER, « Tirage au sort et démocratie délibérative. Une piste pour renouveler la politique au XXIe siècle ? », publié dans laviedesidees.fr, le 5 juin 2012.
ANNEXE I
Le tour de France par deux enfants – Préface de 1904
La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instruction civique. On se plaint continuellement que nos enfants ne connaissent pas assez leur pays : s’ils le connaissaient mieux, dit-on avec raison, ils l’aimeraient encore davantage et pourraient encore mieux le servir. Mais nos maîtres savent combien il est difficile de donner à l’enfant l’idée nette de la patrie, ou même simplement de son territoire et de ses ressources. La patrie ne représente pour l’écolier qu’une chose abstraite à laquelle, plus souvent qu’on ne croit, il peut rester étranger pendant une assez longue période de la vie. Pour frapper son esprit, il faut lui rendre la patrie visible et vivante. Dans ce but, nous avons essayé de mettre à profit l’intérêt que les enfants portent aux récits de voyages! En leur racontant le voyage courageux de deux jeunes Lorrains à travers la France entière, nous avons voulu la leur faire pour ainsi dire voir et toucher : nous avons voulu leur montrer comment chacun des fils de la mère commune arrive à tirer profit des richesses de sa contrée et comment il sait, aux endroits même où le sol est pauvre, le forcer par son industrie à produire le plus possible.
En même temps, ce récit place sous les yeux de l’enfant tous les devoirs en exemples, car les jeunes héros que nous y avons mis en scène ne parcourent pas la France en simples promeneurs désintéressés : ils ont des devoirs sérieux à remplir et des risques à courir. En les suivant le long de leur chemin, les écoliers sont initiés peu à peu à la vie pratique et à l’instruction civique en même temps qu’à la morale : ils acquièrent des notions usuelles sur l’économie industrielle et commerciale, sur l’agriculture, sur les principales sciences et leurs applications. Ils apprennent aussi, à propos des diverses provinces; les vies les plus intéressantes des grands hommes qu’elles ont vus naître : chaque invention faite par les hommes illustres, chaque progrès accompli grâce à eux devient pour l’enfant un exemple, une sorte de morale en action d’un nouveau genre, qui prend plus d’intérêt en se mêlant à la description des lieux mêmes, où les grands hommes sont nés.
En groupant ainsi toutes les connaissances morales et civiques autour de l’idée de la France, nous avons voulu présenter aux enfants la patrie sous ses traits les plus nobles, et la leur montrer grande par l’honneur, par le travail, par le respect religieux du devoir et de la justice.
ANNEXE II
Programmes officiels de Morale et d’Instruction civique du Cours Moyen en 1882
Morale
Entretiens, lectures avec explications, exercices pratiques… N’omettre aucun point important du programme.
I L’enfant dans la famille. Parents, frères, serviteurs. Devoirs envers les parents.
Obéissance, respect, amour, reconnaissance, etc.
Devoirs envers les frères et sœurs
S’aimer les uns les autres, protection des plus âgés à l’égard des plus jeunes, action de l’exemple.
La patrie
La France, ses grandeurs et ses malheurs. Devoirs envers la patrie et la société.
II
Devoirs envers soi-même
1° Propreté, sobriété et tempérance, dangers de l’ivresse. Les biens extérieurs : économie, éviter les dettes. Le travail, ne pas perdre de temps, obligation du travail pour tous les hommes, noblesse du travail manuel.
2° L’âme : véracité et sincérité, ne jamais mentir. Dignité personnelle, respect de soi-même. Modestie : ne point s’aveugler sur ses défauts, éviter l’orgueil, la vanité, etc. Courage dans le péril, courage dans le malheur, esprit d’initiative. Dangers de la colère. Traiter les animaux avec douceur, ne point les faire souffrir inutilement.
III
Devoirs envers les autres hommes.
Justice et charité, ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît, faites aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fissent. Ne porter atteinte ni à la vie, ni à la personne, ni aux biens, ni à la réputation d’autrui.
N.B. – Dans tout ce cours, l’instituteur prend pour point de départ l’existence de la conscience, de la loi morale et de l’obligation. Il fait appel au sentiment et à l’idée du devoir.
IV
Devoirs envers Dieu
L’instituteur n’est pas chargé de faire un cours ex professo sur la nature et les attributs de Dieu. Il apprend aux enfants à ne pas prononcer légèrement le nom de Dieu; il associe étroitement dans leur esprit, à l’idée de la Cause première et de l’Être parfait, un sentiment de respect et de vénération.
Instruction civique, droits usuels, notions d’économique politique
Notions très sommaires sur l’organisation de la France.
Le citoyen, ses obligations et ses droits : l’obligation scolaire, le service militaire; l’impôt, les octrois; le suffrage universel. La commune, le maire, le conseil municipal. L’État, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, la justice. La loi. Les magistrats, les juges.