Djibouti : Une dictature maintenue par la rente stratégique payée par les pays occidentaux
Après la chute de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Egypte et la menace de renversement qui pèse sur Khadafi en Libye, un régime présentant les mêmes caractéristiques semble échapper à l’attention du monde. Il s’agit de l’autocratie anachronique et totalitaire mise en place par Ismael Omar Guelleh (IOG) à Djibouti qui s’est engagé dans un troisième mandat.
Djibouti, ce petit pays, qui accueille trois bases militaires importantes des pays démocratiques (La France, Les Etats –unis et le Japon) et des troupes d’autres pays européens (Allemagne, Espagne), est soumis depuis quelques décennies à une dictature familiale sous l’oeil complaisant du « monde libre ».
Vivant de la rente stratégique (plus de 60 millions de dollars par an environ) payée par les locataires des bases et des facilités portuaires, le régime d’Ismael Omar Guelleh (IOG) vient de lancer une offensive pour pouvoir se maintenir.
Violant toutes les promesses données, IOG a modifié la Constitution en 2010 pour pouvoir briguer un troisième mandat qui lui ouvrira la présidence à vie. Une reconduite du régime d’IOG serait une catastrophe pour Djibouti, qui réunit tous les ingrédients pour provoquer une révolte généralisée : misère de la majorité de la population dont plus de 42% sont dans l’extrême pauvreté, taux de chômage de plus de 60%, absence totale des libertés, corruption institutionnalisée, inégalités sociales exacerbées, etc ?
La manifestation historique qui a réuni, le 18 février 2011, plus de 40 000 personnes et qui fut réprimée dans le sang, a montré le rejet des Djiboutiens pour ce régime. Trois personnes au moins ont été tuées par la garde présidentielle, des dizaines d’autres blessées par des balles réelles et plus de 350 militants des partis politiques et des syndicats croupissent encore dans les prisons.
A bien des égards, le régime d’IOG s’apparente à celui de Ben Ali, le développement de l’éducation, de la santé et des infrastructures en moins. Comme le président tunisien déchu, IOG est un ancien de la sécurité politique, ayant hérité des pratiques répressives de la colonisation. Et comme en Tunisie, sa belle-famille et sa famille proche ont mis en place le même système mafieux que les Trabelsi pour contrôler les rouages de l’Etat et de l’économie en vue de piller les ressources du pays.
Comme pour la Tunisie, le régime djiboutien passe pour être un allié de l’Occident dans sa lutte contre le terrorisme et la piraterie dans l’Océan indien. Ce régime choisi par les démocraties occidentales et honni par le peuple djiboutien accumule tous les maux d’une dictature familiale qui interpellent tous les démocrates du monde entier : appropriation personnelle des ressources nationales et notamment de la rente stratégique par le président, son clan et sa belle-famille, destruction systématique de l’administration publique et toutes les règles républicaines remplacées par des procédures parallèles contrôlées par le président et son épouse, institutionnalisation de la corruption et ouverture du pays à des banques et des investisseurs douteux pratiquant le blanchissement d’argent douteux, inexistence du moindre organe de presse indépendant suite à la politique systématique de harcèlement et d’emprisonnement des journalistes menée par le régime, démantèlement des syndicats djiboutiens par l’interdiction de leurs actions, l’intimidation et l’emprisonnement des syndicalistes et leur remplacement par des fantoches à la solde du régime, mise sous tutelle des associations de la société civile et suspicion et découragement de toute initiative autonome de quelque nature que ce soit.
Ainsi, contrairement à d’autres gouvernements autoritaires qui ont su laisser quelques espaces de liberté et d’activités entrepreneuriales , le régime djiboutien se distingue par son acharnement à interdire toute possibilité d’expression démocratique, politique, syndicale, associative et académique. L’étouffement et la terreur imposés par IOG et ses sbires sont aggravés par le fait que Djibouti est un petit pays où tout le monde se connaît.
C’est dans ces conditions que le président Guelleh a préparé sa réélection le 8 avril 2011 pour un troisième mandat. A un moment où un vent de changement démocratique souffle dans le monde, un dictateur est en train de bâillonner son peuple et violer toutes les nouvelles normes démocratiques adoptées par l’Union africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie pour se maintenir au pouvoir. Et ce sous le regard indifférent et même complaisant du monde entier et grâce à la rente stratégique payée par les démocraties occidentales.
Nous appelons à la solidarité et au soutien des démocrates français et européens pour aider le peuple djiboutien à se libérer de cette dictature et prendre en main son avenir comme en Tunisie, en Egypte.
* Mohamed Doubad Wais est le porte-parole de l’Intersyndicale de l’Union Djiboutienne du Travail (UDT)
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