Sénégal : le crépuscule d’un pouvoir annonce-t-il toujours l’aube d’un nouvel Etat ?
La stabilité dont on crédite le Sénégal en Afrique, cache mal les incertitudes politiques que vit ce pays. Si les institutions fonctionnent, si le calendrier électoral a presque toujours été respecté et si une opposition s’exprime en toute liberté, de lourdes incertitudes planent toutefois quant à l’avenir proche de ce pays. Le pouvoir actuel, devant les dangers qui pèsent sur sa survie, cherche des solutions de continuité et de pérennité qui, pour Sidy Diop, peuvent entraîner des dérives graves.
Le Sénégal a été gouverné à son indépendance par un parti unique, d’abord traversé par des influences contraires (souci de préserver les intérêts de l’ancienne puissance occupante et nationalisme intransigeant) et qui ont abouti à la crise politique survenue en 1962. Après la mise à l’écart de l’ancien président du Conseil, Mamadou Dia et avec l’instauration du régime présidentiel, la totalité du pouvoir revint au président de la République, également secrétaire général du parti. Et comme l’on pouvait s’y attendre, malgré l’instauration du multipartisme au milieu des années 1970 et une liberté accrue de la presse au bout des deux décennies suivantes, l’usure du pouvoir accompagnée d’une absence totale de démocratie au sein du parti en charge du gouvernement, a conduit à de graves dérives dans la gestion du pays.
Cette évolution a eu comme conséquences une économie de moins en moins productive et proche de l’effondrement, des finances publiques en détresse et une accentuation inévitable des difficultés des populations que l’ajustement structurel n’a fait qu'intensifier. Aussi, le changement politique intervenu à la tête de l’Etat en 2000 avait-t-il suscité un grand espoir pour la majorité des Sénégalais. Mais cet espoir a-t-il été satisfait ? Les difficultés vécues jusqu'en 2000 ont-elles été vaincues ? Les faiblesses structurelles du parti actuellement au pouvoir sont–elles comparables à celles qui ont causé la défaite du parti socialiste en 2000 ?
D’un autre côté, les forces politiques qui offrent une alternative, qui proposent de réformer l’Etat, ont-elles réellement la capacité de changer en profondeur la situation que traverse le Sénégal ? Sont-elles suffisamment unies pour cela ? Les dirigeants de ce camp se sont-ils vraiment convertis à une nouvelle conception du pouvoir qui désormais ferait d’eux, s’ils revenaient aux affaires, d’authentiques serviteurs des populations, profondément engagés à œuvrer dans le cadre strict des priorités du pays, mais aussi renonçant à la personnalisation du pouvoir (c'est-à-dire à imposer aussi bien à leur entourage qu'aux membres de leur parti, le culte de leur personne) ?
Voilà, nous semble-t-il, d’importantes questions qui interpellent chaque citoyen, pour peu qu'il ait une conscience claire et une lecture exacte des réalités vécues par notre pays.
Quelle appréciation porter sur l’évolution du pouvoir actuel ?
Il parait nécessaire, dans un tel exercice, d’évoquer les conditions dans lesquelles le PDS (au pouvoir) a été créé en 1974. Il faut en effe, se souvenir que le régime politique d’alors était fortement répressif, à l’encontre de tout opposant, si bien que le fondateur du PDS, M. Wade, pour endormir la vigilance du président Senghor, a dû présenter d’abord son parti comme un parti de contribution. Malgré tout, très vite, l’activité du PDS en a fait un vrai parti d’opposition, briguant les suffrages des citoyens, exprimant des opinions contraires à celles du pouvoir d’alors, sur plusieurs questions intéressant la conduite des affaires du pays.
Il faut aussi signaler que M. Wade a dû trouver seul les moyens qui devaient assurer le fonctionnement du parti, qu'il était aussi l’inspirateur exclusif de la ligne politique de l’organisation, l’unique interlocuteur des autorités et des partis étrangers appartenant à la mouvance libérale internationale. Cet ensemble de rôles donne au secrétaire national du PDS le sentiment qu'il est tout pour le parti. Et de là est peut-être née chez lui, la conviction que le parti est tout à lui et que même les personnes qui le secondent dans la direction de l’organisation, ne sont que des collaborateurs et absolument pas de vrais responsables. De même, la perception qu'a M. Wade de sa relation avec les militants l’a amené à toujours considérer que ceux-ci se sont ralliés à ses idées, à sa vision, d’abord, avant d’être, secondairement, et peut-être accessoirement, membres du parti. Cela signifie que, pour lui, même s’il abandonnait ce parti pour en fonder un autre, ces militants le suivraient dans leur grande majorité.
Il faut ajouter à cette configuration le fait que le M. Wade, durant son long combat, a toujours été aux avant-postes, payant de sa personne plus que tous les autres, étant régulièrement victime de privations arbitraires de liberté, le régime du Parti Socialiste voyant en lui son principal ennemi, plus qu'un simple adversaire politique.
Voilà les raisons qui font que l’on peut regarder M. Wade, comme celui qui a porté son parti au pouvoir et non l’inverse.
Ainsi, l’on comprend mieux pourquoi la personne du secrétaire national prend le pas sur les structures du parti et l’on peut s’en convaincre encore plus, si l’on reste attentif, par exemple au rôle insignifiant que joue le congrès du PDS : celui-ci ne s’est pas réuni depuis plus de dix ans !
Il devient évident que l’appartenance de fait du parti au secrétaire national, cette possession, ainsi que la déficience sinon l’invalidité des structures qui en sont les corollaires, conduisent à l’impossibilité d’une émergence de figures marquantes à côté du chef ; et les dispositions sont même prises, pour éviter qu'un cadre du parti acquière une notoriété qui en ferait un éventuel rival ; la notion de numéro deux est presque inconcevable et par conséquent il est difficile que le parti sécrète le mode de sa propre pérennisation.
L’on peut aussi, sans se tromper, avancer que le chef du PDS, peut-être sous couvert du régime présidentiel, a bel et bien transposé sa relation avec son parti dans son rapport avec l’Etat. Ici aussi, il n’est pas loin de considérer que le pouvoir d’Etat, sinon simplement l’Etat, est tout à lui. Mais c’est précisément à ce moment qu'apparaissent les signes d’une dérive qui éloigne des schémas de la gouvernance républicaine et qui conduit vers une pratique monarchisante.
Car comment comprendre que quatre ministères, que rien ne relie entre eux du point de vue des missions et des activités, puissent être confiés à une seule personne, de surcroît le fils du président, en l’occurrence Karim Wade ? Et l’on ne peut parler d’un souci d’économie, dans un gouvernement qui compte quarante et un ministres, avec un bon nombre de départements dont les missions n’occuperaient pas, à plein temps, une direction nationale ! Il conviendra probablement de prévoir des dispositions, dans la Constitution, pour définir une norme de structure du gouvernement sénégalais et interdire certains cumuls qui n’ont droit de cité dans aucun royaume contemporain.
Il n’est pas du reste, inutile de rappeler qu'être républicain et démocrate, ce n’est pas seulement observer les lois et règlements, c’est aussi être respectueux d’une certaine décence, d’une déontologie qui commande qu'on ne privilégie pas son clan ou ses amis, au détriment des autres citoyens ayant les mêmes mérites et qui au surplus appartiendraient à la mouvance politique en charge du pouvoir. L’on peut se demander, d’ailleurs, si le pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat de nommer les membres du gouvernement et de définir leurs attributions, ne trouve pas sa limite dans le principe d’égalité des citoyens pour participer à la direction des affaires publiques de leur pays, stipulé à l’article 13 alinéas 1 et 2 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
La même convention, ratifiée par le Sénégal qui d’ailleurs y fait expressément référence dans sa Constitution, prévoit à son article 2 que la jouissance des droits et libertés reconnus par la charte, ne doit souffrir d’aucune distinction liée à la naissance, ou à d’autres appartenances (race, ethnie, religion région etc.) Nous interpellons ici les spécialistes du Droit administratif et du Droit constitutionnel, car à notre sens, la ratification d’une convention internationale emporte l’intégration de ses dispositions dans le droit interne du pays concerné.
Cette conception que le chef de l’exécutif a de sa relation avec l’Etat fait que toutes les autres institutions cèdent le pas au Chef de l’Etat, cet affaiblissement étant imputable à deux facteurs : le comportement du PDS au Parlement, qui avalise de manière mécanique tous les desiderata de l’Exécutif et une instabilité organisée voire planifiée de l’institution gouvernementale. Ce dernier facteur est essentiel dans le dispositif, parce qu'il faut à tout prix éviter qu'un Premier ministre reste longtemps en poste, pour acquérir la popularité qui rendrait délicat son renvoi, ou en ferait un possible successeur. Quant aux ministres, leur statut n’a jamais été marqué par une égale précarité, tout cela, probablement, pour bien leur faire comprendre que leur vrai patron, ce n’est pas le Premier ministre.
Ces constats faits sur la nature du PDS, mais aussi sur la vision que son secrétaire national a de l’Etat, font que, quand le pouvoir connaît des difficultés dans ses rapports avec l’opinion et avec les électeurs, c’est le chef de l’Etat seul qui est considéré comme responsable, puisqu'étant à la source de toute décision, de toute nomination, de toute attribution de compétences, dans son parti et dans les structures étatiques.
Une telle concentration du pouvoir et l’absence de voie tracée pour assurer une relève interne, propre à cette mouvance politique, suggèrent que le PDS n’est assuré d’aucune survie lorsque le président Wade quittera son magistère. Au demeurant, l’opposition sénégalaise (ainsi que de larges secteurs de l’opinion) dit subodorer que, pour M. Wade, c’est sa descendance qui doit assurer son prolongement politique. Mais si ce rêve devenait projet, il se heurterait à d’énormes difficultés.
En effet, si la démarche consiste à recourir de manière transparente et régulière aux suffrages des Sénégalais, on ne peut s’empêcher de retenir que les raisons de l’échec du test électoral de mars 2009, les affaires liées à la gestion contestée des fonds publics dans différents projets et sur lesquelles la lumière n’a pas encore été faite, les accusations de corruption qui ont été relayées jusque dans les milieux internationaux, constituent de sérieux handicaps.
Il faut ajouter à cela, le fait que le bilan que le pouvoir peut afficher, concernant son action, même s’il présente des aspects positifs, est largement affaibli, quoiqu’on dise, par le caractère inapproprié des choix opérés dans l’allocation de certaines ressources, par la forte survivance de la pauvreté au sein de la majorité de la population, par les déficiences prononcées et récurrentes du secteur de l’énergie, l’insuffisante efficacité des fonds consacrés à l’éducation, le désarroi chez une partie importante de la jeunesse. Quant à l’agriculture, le seul secteur de l’arachide - où le gouvernement semble oublier que, en matière de culture industrielle, on produit pour vendre – est assez révélateur de l’imprécision et du caractère peu élaboré des politiques adoptées.
Si par contre il s’agissait d’emprunter d’autres voies, en faisant violence à la Constitution et aux valeurs républicaines, ce projet représenterait un grand danger pour la cohésion nationale et serait la source de grands périls pour la paix civile. Et commettrait une faute suprême tout homme politique, de quelque bord qu'il soit, qui, par ses faits et gestes et dans le seul but de servir une ambition personnelle, ferait sombrer le pays dans la violence et le chaos. C’est pourquoi, pour notre part, nous osons espérer que ceux qui prêtent cette intention au président Wade se trompent, car une telle entreprise serait non seulement fort hasardeuse, mais elle remettrait également en cause la lecture que ses compatriotes ont de sa vie, de sa trajectoire politique, consacrée pour l’essentiel et jusqu'à l’alternance, à l’engagement sans concession, à la lutte continue pour la défense des libertés publiques et de la démocratie.
Dans l’histoire de tous les pays, les grands hommes qui marquent leur époque, se distinguent souvent par une certaine hauteur de la pensée, par une vision qui porte loin, mais surtout par un dépassement de leur propre personne, par un désintéressement qui force le respect, enfin par une constance à toute épreuve, dans la voie d’excellence où ils veulent engager leur peuple. Mais cette éminente position leur fait également obligation, si la vie leur en donne le temps, de savoir conclure leur action (ou de laisser à d’autres le soin de la continuer), à un moment et d’une manière qui permettent de garder intacte la valeur des symboles et référents qu'ils auront contribué à édifier.
La description qui précède et par laquelle nous avons tenté de caractériser le modèle dans lequel s’est coulé le pouvoir actuel, à travers à la fois le parti et les institutions, suggère que de sérieux obstacles empêcheront un tel système d’assurer sa propre reproduction. En effet le pouvoir s’est assez replié sur lui-même, négligeant sa relation avec les populations et seulement préoccupé par les ajustements d’appareil pour constamment faire face aux compétitions internes. De plus, du fait de cette nécessité impérieuse de fragiliser quiconque affiche une prétention à une position dominante, aucun profil prééminent n’est apparu pour assurer une relève, sans même parler des résistances désormais très fortes de l’opinion qui montre des signes pressants et non équivoques d’aspiration à un vaste changement.
C’est pourquoi il convient de s’interroger sur la capacité des forces politiques qui proposent de nouvelles options, de réellement mettre en oeuvre une autre conception de l’Etat et de mettre fin aux difficultés de tous ordres auxquelles font face les populations.
Le changement attendu peut-il être apporté par l’opposition ?
L’opposition que l’on considère comme étant structurée, se retrouve dans le regroupement de Benno Siggil Sénégal (Ensemble pour sauver le Sénégal). Cette organisation s’appuie désormais sur les conclusions des assisses nationales. Les dites assises ont été l’occasion d’inviter une partie de la société civile à se joindre à l’opposition, pour mener une réflexion sur les nouvelles orientations qu'appellent la solution des différents problèmes auxquels se heurte le développement du Sénégal, tant du point de vue politique, qu’économique et social.
L’on peut donc dire que le regroupement Benno Siggil Sénégal a désormais à sa disposition ce qui équivaudrait à un programme, même si ce dernier comporte des imperfections. Dans ce programme on notera la part réservée aux modifications jugées nécessaires quant à la charpente de l’Etat, où il est préconisé, en particulier, l’installation d’un régime parlementaire, en lieu et place du régime présidentiel. On peut tout à fait souscrire à cette proposition, quand on a fini de constater les dégâts causés par l’extrême personnalisation du pouvoir qui, depuis l’indépendance du Sénégal, a vidé la démocratie représentative de sa signification, de son contenu. On a assisté à la confiscation de la souveraineté nationale par un pouvoir personnel qui a été peu contrôlé et rarement sanctionné.
Voilà pourquoi, il n’est pas surprenant qu’encore aujourd’hui, la majorité des populations vive une situation d’extrême pauvreté. Et l’image n’est pas surfaite, que de considérer le Sénégal comme un pays coupé en deux, présentant d’un côté l’essentiel des habitants dans un véritable dénuement et de l’autre, une minorité à qui rien n’est refusé et dont le style de vie ferait croire qu'elle appartient à un pays des plus développés.
Mais la question que l’on peut se poser est de savoir si les responsables des partis qui composent Benno Siggil Sénégal adhèrent sincèrement à cette réforme du système politique. Car le régime parlementaire offre au Premier ministre, chef de la majorité à la chambre, la réalité du pouvoir exécutif au détriment du président de la République, qui n’a que des fonctions de représentation. Comment alors comprendre les disputes qui ont lieu entre les différents chefs de parti de l’opposition, pour désigner un candidat qui, s’il est élu, n’assurerait qu'une brève transition vers le régime parlementaire, après l’adoption d’une nouvelle Constitution.
Il y a donc là une grande inconnue concernant les intentions des uns et des autres, et cela constitue une hypothèque sérieuse, pour la mise en application de ce qu'on peut retenir comme étant les nouvelles options de l’opposition.
Sur le plan du développement économique et social, la situation que vit le Sénégal nécessite, au-delà de la simple définition de nouvelles orientations, que les forces politiques qui promettent de redresser le pays nous présentent de vrais programmes concernant chaque secteur et déclinant les différentes actions, par lesquelles des retombées mesurables accroîtront les revenus du plus grand nombre. Il est temps, en effet, qu'une nouvelle détermination mobilise les acteurs politiques, et les engage à s’inscrire, désormais, dans la voie qui mène à une modification radicale de la structure de notre économie : celle-ci est, comme tout le monde le sait, caractérisée par un secteur tertiaire fournissant les 52% de la richesse nationale, alors que le secteur primaire où se retrouvent 65% de la population, n’est concerné que par 13 à 14% de ces revenus.
C’est d’ailleurs une vraie supercherie que de dire que, parce que son produit intérieur brut par tête d’habitant est de 400 000 F Cfa, soit plus de 2 dollars par jour, le Sénégal, en conséquence, ne serait pas à ranger dans la catégorie des pays pauvres : ce qu'il faut plutôt préciser, c’est que les 8 millions de personnes qui vivent dans l’agriculture, la pêche, l’élevage ont moins de 1 dollar par jour, n’étant concernées que par une très faible proportion du produit intérieur. En effet, à qui profitent les excédents d’exploitation du secteur des télécommunications, sinon à ses actionnaires ? A qui reviennent les bénéfices des banques et des assurances ? Qui est concerné par les profits du commerce de gros ? Etc…
Nous attendons que l’on nous propose des actions pour que, en trois ou quatre ans, les importations de riz soient arrêtées, grâce à une production locale suffisante ; nous demandons qu'on nous présente de nouveaux itinéraires, pour permettre aux agriculteurs de vendre convenablement leurs récoltes. Nous souhaitons être convaincus que ceux qui, hier, ont privatisé la filière arachidière, seront assez intransigeants vis-à-vis de l’industrie, pour la forcer à reconsidérer sa politique d’approvisionnement et de vente, afin de privilégier la transformation de la production nationale. Mais aussi, quand prendra-t-on réellement l’engagement, en changeant l’échelle de nos ambitions dans ce domaine, de véritablement développer la production horticole du Sénégal, en mettant à profit le privilège que nous confèrent nos ressources en eau, notre position géographique, notre climat ?
Que dire de l’éducation nationale, où un mimétisme vis-à-vis d’un système étranger, empêche de concevoir et de mettre en œuvre les réformes propres à fournir les ressources humaines qu'exige le développement de notre pays ? Que dire des autres services de base, où les ressources publiques ne sont dirigées que par dose homéopathique, alors que d’autres dépenses dont l’utilité est des plus contestables sont privilégiées ? Que dire de l’énergie, où règne une grande opacité dans les filières et processus d’approvisionnement en carburant et où de sérieux audits sont plus qu'urgents ?
Toutes ces questions, et d’autres encore, demandent que ceux qui proposent une alternative fournissent des gages quant à leur détermination à y apporter de vraies solutions et convainquent les Sénégalais que leurs espoirs ne seront pas à nouveau déçus.
Mais le meilleur gage, c’est certainement que le jeu politique devienne équilibré grâce à l’apparition d’une troisième force, d’un nouveau pôle suffisamment fort pour rendre difficile aux partis traditionnels, la possession d’une majorité les autorisant à faire comme bon leur semble. L’exemple de ce qui se passe en Grande Bretagne nous donne raison. Dans ce pays, le parti libéral grâce à sa progression sans précédent, à obligé les conservateurs à conclure avec lui un accord de gouvernement, autour d’un programme dans lequel sont pris en compte une bonne partie de ses options.
Pour arriver à de telles fins, comme nous l’avons suggéré, c’est la société civile qui doit s’impliquer, puisqu’il a été démontré qu'elle a des compétences, qu'elle n’est pas coupée des populations, qu'elle recèle en son sein de vrais patriotes. Il suffit donc qu'elle se mobilise, qu'elle s’organise, qu'elle se fédère même, de manière à mettre en commun ses moyens pour être encore plus forte.
Toutefois, ici, il y aurait lieu de prendre garde à bien distinguer entre les différents mouvements qui ont vu le jour récemment, et s’assurer que leurs vrais mobiles ne visent pas simplement à défendre des causes personnelles et qui ne concernent en rien l’intérêt bien compris des populations.
En outre, l’apparition des nouveaux procédés d’expression que constituent les pétitions, consacrant un recours incontestable à une forme de démocratie directe, doit être encouragée et, dès que possible, institutionnalisée par une disposition constitutionnelle. Ce sera d’ailleurs l’occasion de faire de la pétition, non seulement un moyen de refuser une situation ou de faire abroger une décision jugée contraire à l’intérêt général, mais également un outil pour créer des règles nouvelles que les parlementaires, laissés à eux-mêmes, n’auraient pas votées. Il s’agit là, de lutter contre les blocages que les partis ont tendance à imposer, pour être les seuls canaux par lesquels s’exprime la volonté populaire et le plus souvent, faire triompher l’intérêt partisan, comme le conçoivent les appareils et autres états majors.
Les développements qui précèdent nous ont permis d’identifier les traits qui caractérisent la situation actuelle du Sénégal, pays qui semble se trouver à un tournant décisif de son histoire. L’on voit, en effet, face à face, d’une part, un pouvoir qui vit une grande incertitude quant à sa survie et qui cherche dans tous les sens, des solutions pour une continuité, dont il s’est, jusqu'ici, volontairement privé des bases qui pouvaient la garantir ; d’autre part, une opposition qui a fait un grand effort pour élaborer les concepts et les stratégies en vue de changer profondément la nature de l’Etat et du pouvoir, mais qui doit surmonter les difficultés et les obstacles sur le chemin d’une union durable.
De plus, entre ces forces traditionnelles, apparaît une société civile, porteuse des vrais espoirs de ceux qui doutent, désormais, de la capacité des partis à relever ce pays, qu'ils ont contribué à installer dans la difficile situation où il est plongé.
C’est pourquoi l’on peut avancer que les Sénégalais sont devant un défi de la plus grande importance et fondamentalement politique. Il leur faut reprendre en main leur propre destin, définir eux-mêmes les priorités de leur pays, s’impliquer dans l’action pour que celles-ci soient au coeur des programmes de l’Etat. Pour cela, de nouvelles formes d’organisation politique, d’autres canaux pour exprimer toutes les opinions, s’avèrent nécessaires. Et tout doit être mis en œuvre pour qu'une telle mutation s’opère dans les meilleurs délais, de manière à éviter qu'une décennie soit encore perdue, aggravant la détresse déjà profonde de ce vaillant peuple.
* Sidy Diop est fondateur du mouvement « Convergence Patriotique- le Sénégal d’abord »
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