Cameroun : L’année noire des malades du sida
La mobilisation contre le sida donne des résultats positifs au niveau mondial, qui sont salués ici ou là. Mais cette réalité globale cache des disparités locales qui sont autant de drames, dans des pays où les politiques nationales de lutte contre le sida sont un désastre. Au Cameroun, les personnes vivant avec le Vih viennent de vivre une année difficile qui, pour Christian E. Locka, n’incite guère au sourire. Et il tire le signal d’alarme, notant qu’au moment où les ARV manquent dans les Unités de Prise en Charge et les Centres de Traitement Agrées, ils sont trafiqués dans les rues.
Cette année, la Journée mondiale de lutte contre le Vih/sida se célèbre sur une note d’espoir ! Le rapport de l’Onusida fait état d’une régression de la contamination par le virus en 2009 par rapport aux années antécédentes. Au Cameroun, les personnes vivant avec le Vih/Sida, viennent de traverser une année noire ! Ceux qui ont survécu à la maltraitance ont compris que, bien que affaiblis psychologiquement et physiquement, ils devaient parfois faire des efforts surhumains au risque de précipiter leur mort.
Les malades du sida ont passé de longues heures d’attente sous les intempéries à cause de la pénurie du personnel médical, paramédical et d’appui ; la confidentialité tant vanté par les pouvoirs publics restent une illusion dans beaucoup de cas ; les approvisionnements en réactifs de dépistage arrivent tardivement dans les Unités de Prise en Charge et les Centres de Traitement Agrées.
Depuis que le gouvernement a délibérément arrêté leur subventionnement, les bilans biologiques se font à la tête du client dans la plupart des hôpitaux publics. Pendant que la distribution gratuite des antirétroviraux se faisait au compte-gouttes dans les Centres de Traitement Agrées, d’importants stocks étaient vendus dans la rue à l’initiative d’hommes sans scrupule. Couverts par l’impunité ambiante, ces assassins des temps modernes, n’ont jamais été inquiétés.
A cause de la mauvaise définition des priorités et des légèretés inconcevables, le Cameroun a lamentablement échoué au Round 9 du Fonds Mondial contre le sida. Notre pays voulait 74 milliards de francs CFA pour «Renforcer la réponse nationale au VIH/ sida par la prévention et l'élargissement des soins» entre 2010 et 2014. Avec un appel à propositions d’une envergure nationale et sous régionale ayant paru une seule fois dans le quotidien gouvernemental à côté d’une multitude d’organes de communication privés délaissés.
Le gouvernement a fait appel aux financements privés pour soutenir la lutte contre la pandémie sans définir tous les contours de ce coup de pouce. Il n’y a donc aucune garantie que les fonds, d’où qu’ils proviennent, ne feront pas l’objet des travers managériaux condamnés par le Fonds Mondial.
Une certitude. Les gestionnaires des financements trinquent pendant que les malades, pour la plupart, avec moins de 500 FCFA par jour, ne parviennent pas encore à se nourrir à leur faim pour pouvoir prendre les médicaments. Les conditions de vie sont déplorables. Les chiffres parlent. Lannée était triste. Quelque 550 000 personnes infectées par le virus pour seulement 74.000 malades sous antirétroviraux. A cette, combien de temps faudra-t-il pour que notre pays atteigne au moins l’objectif de 180 000 malades sous antirétroviraux fixé par le Fonds Mondial ? Avant l’échec du Round 9, le gouvernement visait seulement 165.000 personnes sous Arv à l’horizon 2014.
Le rapport officiel des décès ne reflète pas la triste réalité étant donné que beaucoup de personnes foudroyées par la pandémie ,à l’instar des travailleurs dU sexe, n’ont pas connu leur statut sérologique. Les campagnes de sensibilisation absentes en cours d’année ne font surface qu’à la veille de la célébration dans les grandes villes. Les zones rurales sont ignorées. Pire, il existe des villages avec une démographie considérable où les populations n’ont jamais été dépistées !
Quelle année !
Considérant les manquements graves sus-cités et du désastre humain conséquent, L’Action pour l’Humanisation des Hôpitaux (Acthu) demande instamment au gouvernement de cesser la diversion, le chantage, les mensonges et de respecter enfin les droits des personnes vivant avec le Vih/sida.
La santé est un droit fondamental non négociable !
* Christian E. Locka est le Président National de Action pour l’Humanisation des Hôpitaux - Email : [email][email protected]
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