Burundi : Les limites en matière de justice transitionnelle

Selon les accords d’Arusha, il s’avère nécessaire de connaitre la vérité sur ces crimes qui ont endeuillée le Burundi. Mais les mécanismes mis en place sont loin d’être parfaits.

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SP

Le Burundi est en train d’amorcer le processus de justice transitionnelle, même si celui-ci est controversé. En effet, après des violations graves des Droits de l’homme à grande échelle et sur une période s’étendant sur plus de 40 ans, beaucoup de Burundais estiment qu’il n’y a jamais eu de véritables enquêtes et procès pour déterminer de manière crédible et publique les auteurs et complices de ces crimes, dont nombreux sont sans doute toujours en vie et libres.

Selon les accords d’Arusha, il s’avère nécessaire de connaitre la vérité sur ces crimes qui ont endeuillée le pays, raison pour laquelle des réflexions ont toujours été menées pour ainsi aboutir à la mise en place de la Commission vérité et réconciliation (Cvr).

Le 17 avril 2014, l’Assemblée nationale a adopté, par les seuls députés du Cndd Fdd, majoritaires au parlement, en l’absence des groupes parlementaires de l’Uprona, du Frodebu et des Batwas une loi qui créait cette Cvr. Une telle commission était attendue dans un pays dont l’histoire a été caractérisée par de nombreux massacres interethniques.

Un autre mécanisme prévu par les accords d’Arusha est lié au règlement du conflit foncier. C’est ainsi qu’en date du 14 octobre 2014, la Cour spéciale de la Commission nationale des terres et autres biens (Cntb) a été mise en place. Elle siégera à Bujumbura pour une durée de sept ans (avec possibilité de siéger par initiative dans toute autre province du pays) et aura pour mission de connaître en dernière instance les recours contre les décisions de la Cntb.

La société civile burundaise et l’opposition ont déjà pris position et critiquent la manière dont ces mécanismes ont été mis en place.

Ainsi, pour Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile (Forsc), de telles juridictions ne sont jamais indépendantes puisque les juges ne peuvent pas être libres du fait qu’ils sont nommés par les services de la présidence qui, aujourd’hui, affichent un penchant dans le règlement des litiges. Au regard de cet activiste des droits humains, ces juges de la commission auront peur de perdre leurs emplois et de surcroit leurs salaires exorbitants. En témoignent des juridictions qui ont été mises en place pour lutter contre la corruption et qui, jusqu’à maintenant, travaillent sous injonction des hauts cadres de l’Etat, souligne Nshimirimana. Il a aussi indiqué que le président de la Cntb et son représentant à la mairie de Bujumbura, peuvent, à eux seuls, prendre une décision unilatérale de refus d’indemnisation.

De ses constats, il ressort encore que les cadres de la Cntb avancent que parmi les dossiers déjà traités ne figure aucun cas d’acquéreurs de bonne foi. Or, Vital Nshimirimana cite celui de Nyakabeto qui, bien qu’étant au dessus de tout soupçon, a été expulsé dans sa maison. Le Forsc regrette dès lors que la Cntb ait été mise en place avant que le fonds susmentionné ne soit créé. Les conséquences qui en découlent ne cessent de remettre en cause les efforts de la Cvr.

A propos de celle-ci, d’ailleurs, les groupes parlementaires Uprona et Sahwanya-Frodebu Nyakuri indiquent que le texte présenté par le gouvernement est dépouillé du mécanisme judiciaire qui est l’un des quatre piliers principaux de la justice transitionnelle. Ils constatent ainsi que le mandat de la Cvr exclut la compétence consistant à qualifier les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui sont du ressort du Tribunal spécial pour le Burundi convenu entre le Burundi et les Nations unies, en application de l’Accord d’Arusha.

La ministre des Droits de la personne humaine, de la Solidarité nationale et du Genre, Clotilde Niragira, soutient que ce tribunal spécial sera mis en place s’il s’avérait que de telles infractions ont été commises. Et d’ajouter que cela se fera à la fin de la mission de la Cvr, prévue pour durer quatre ans.

Un plaidoyer sur la nomination des commissaires de la Cvr a été mené par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat-Burundi), avec l’appui de Fahamu, et de pertinentes recommandations ont été émises :

A la société civile :
- La société civile doit se choisir des noms des personnes qu’elle juge intègre et les proposer au parlement pour désignation à la Cvr ;
- La société civile doit suivre et accompagner la Cvr et en dénoncer les failles ;

Au parlement :
- La Commission ad hoc mise en place par les deux chambres du parlement doit tenir compte des accords d’Arusha, des consultations nationales de 2009 et d’autres différents accords passés entre le Burundi et ses partenaires pour mettre en place la Cvr,
- La Commission ad hoc doit être inclusive dans sa composition, afin que toutes les composantes de la population puissent avoir confiance dans la transparence et la crédibilité de la procédure de désignation des Commissaires.
- La liste des 33 candidats à la Commissaires doit être affichée pour permettre au public de se prononcer sur la qualité des personnes

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** Anita Getereste

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