De Ben Ali à Compaoré : Les élites françaises contre les peuples

La pression par la diplomatie française, à travers différentes voix, s’oppose clairement à la revendication de démission immédiate de Compaoré formulée par les manifestant-e-s qui ont fini par faire fuir ce dernier.

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Alors que le régime de Blaise Compaoré vacille sous la pression de centaines de milliers de Burkinabè, la classe politique française ne se départit toujours pas clairement du soutien qu’elle apporte depuis 27 ans à l’autocrate. La France semble même tenter de s’opposer à un départ précipité de Compaoré revendiqué par le peuple du Burkina Faso.

On ne trouvera pas cette fois de Michèle Alliot-Marie pour proposer au régime de Compaoré le "savoir-faire de nos forces de sécurité", comme elle l’avait fait en janvier 2011 à propos de la Tunisie de Ben Ali : la coopération militaire et policière avec le Burkina est déjà en place depuis bien longtemps [1]. Les manifestants tués à Ouagadougou l’ont été par des forces qui ont déjà pu bénéficier de la formation et de l’équipement français.

C’est au regard de ce soutien historique qu’il faut lire les appels de la diplomatie française « à toutes les parties de faire preuve de retenue ». Nombreuses sont les voix françaises qui appellent les manifestants, mis sur le même plan que les policiers et militaires, au calme et dénoncent indistinctement "les violences", renvoyant ainsi dos à dos l’explosion populaire et la répression d’un régime dictatorial [2].

Surtout, on trouve encore des voix pour défendre Compaoré et le bilan dont il aurait à se glorifier. Tel Claude Bartolone, qui aux dernières heures du règne de Ben Ali tentait de rappeler les progrès que le dictateur aurait apporté à la Tunisie, le socialiste François Loncle, au micro de plusieurs chaînes, tente encore de vendre l’image d’un Compaoré faiseur de paix et médiateur dans les crises régionales [3]. Ce député, président du groupe d’amitié parlementaire France-Burkina Faso, répète sur Rfi ou BfmTv que faire pression pour le départ de Compaoré correspondrait aux ingérences de la Françafrique, en même temps qu’il défend fermement l’idée que le président burkinabè doit se maintenir au pouvoir jusqu’à l’échéance de son mandat, contre l’avis massif et manifeste du peuple de ce pays.

Lui emboîtant le pas, Laurent Fabius, déclarait que « nous n’avons pas à faire ou à défaire un gouvernement. Ce que nous souhaitons, nous les Français, c’est que nos ressortissants soient protégés et que l’on aille vers l’apaisement ». Mais ce que souhaite le peuple burkinabè, au cri de "Compaoré, dégage !", c’est clairement le départ d’un dictateur soutenu depuis toujours par la France. Plus inquiétant, le chef de la diplomatie française a indiqué avoir « demandé à notre ambassadeur sur place d’être un facilitateur de cette solution d’apaisement ». Ainsi, plusieurs témoignages font état de rencontres avec les différents protagonistes (armée, opposition) où l’ambassadeur français aurait poussé à l’acceptation du plan de transition proposé par Blaise Compaoré.

Cette pression par la diplomatie française s’oppose clairement à la revendication de démission immédiate de Compaoré formulée par les manifestant-e-s. L’association Survie conteste fermement le droit de l’ambassade de France à s’immiscer dans les décisions des opposants et du peuple burkinabè, et demande à l’exécutif français de rappeler ses coopérants militaires en poste au sein des forces burkinabè.

NOTES
[1] Outre la dizaine de coopérants militaires français présents détachés dans les forces nationales, les cadres de la gendarmerie burkinabè sont par exemple coutumiers de programmes de formation de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale française.

[2] Au lieu de condamner les manifestations, la classe politique française, qui avait unanimement rendu hommage à Nelson Mandela en décembre dernier, devrait se souvenir de ses propos : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence ».

[3] Oubliant son soutien à des belligérants de conflits sanglants au Libéria, Sierra Leone, Angola, Côte d’Ivoire ou Mali.

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