Les impérialistes organisent à Paris une conférence sur la sécurité au Nigeria

Une conférence sur les préoccupations de sécurité de l’Etat le plus peuplé d’Afrique ne s’est pas tenue sur le continent mais en France, une ancienne puissance coloniale.

Le Nigeria, récemment désigné comme l’Etat pourvu de la plus importante économie en Afrique, est au centre de l’attention des gouvernements des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France, en raison du durcissement du conflit dans les nord-est du pays où le président Goodluck Jonathan combat en vain la secte de Boko Haram. Depuis 2009, des milliers de personnes ont été tuées dans le conflit.

Avec l’enlèvement, le 14 avril de près de 300 lycéennes dans le village de Chibok, dans l’Etat de Borno, les dirigeants des Etats occidentaux ont fait du sauvetage des étudiantes une priorité militaire. Les offres des dirigeants de Boko Haram d’échanger les étudiantes contre des membres de leur organisation détenus par le gouvernement nigérian ont été publiquement rejetées par l’administration Jonathan.

Ce pays est le plus important exportateur de brut léger vers les Usa. Il possède aussi des réserves de gaz substantielles. Depuis 1956, l’industrie pétrolière du Nigeria a été dominée par des compagnies britanniques, américains et européennes. Au cours de ces dernières années, Abuja a signé des accords avec la République Populaire de Chine afin d’augmenter les investissements dans l’industrie pétrolière nigériane.

Outre la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis, quatre Etats africains - le Tchad, le Niger, le Bénin, le Cameroun-, ont également participé à la conférence. Lors d’une conférence de presse à Paris le 18 mai, Jonathan a tenté de placer la crise de sécurité interne au Nigeria dans le contexte plus large de "la guerre contre le terrorisme". Selon lui, "Boko Haram n’est plus un groupe de terroristes local. Il opère clairement comme agent de Al Qaeda. C’est Al Qaeda en Afrique de l’Ouest." Et d’ajouter : "Nous avons démontré notre engagement pour une approche régionale. Sans les pays de l’Afrique de l’Ouest qui unissent leurs forces, nous ne pourrons pas écraser ces terroristes."

Les présidents Paul Biya du Cameroun et Idriss Deby du Tchad ont même été plus loin lorsqu’ils ont lancé : "Nous déclarons la guerre à Boko Haram". Biya a noté que le problème de Boko Haram n’est plus seulement régional, suite à l’enlèvement de deux prêtres italiens et d’un citoyen canadien en Afrique.

Après la conférence, le président François Hollande a eu à dire que le combat contre Boko Haram était une priorité pour son gouvernement et que la conférence aboutirait à " un plan d’actions régional et global". Pour le président français, "Boko Haram est une grave menace pour toute l’Afrique de l’Ouest et maintenant l’Afrique centrale, ayant des liens démontrés avec Aqmi (Al Qaeda au Maghreb islamique) et d’autres organisations terroristes".

La France a déjà déployé des troupes dans les Etats d’Afrique de l’Ouest du Mali et du Niger ainsi qu’en République centre africaine, lesquels sont tous des anciennes colonies françaises.

RAPPORT SUR DES MUTINERIES DANS L’ARME NIGERIANE

Depuis que le gouvernement du Nigeria a ciblé Boko Haram, de nombreuses personnes bien informées au plan politique ont allégué qu’il y a des éléments, dans les élites de la région du nord, aussi bien dans l’administration que dans l’armée, qui fournissent clandestinement leur soutien au groupe d’insurgés. De nombreux officiers de l’armée nigériane proviennent du nord, région grandement dominé par les musulmans.

Jonathan venant du sud du Nigeria, il y a quelques soucis que les attaques de Boko Haram dans le nord-est du pays reflètent les luttes pour le pouvoir régional dans le pays. Le manque d’autorité du président au sein de l’armée est peut-être aussi à mettre en relation avec les profondes divisions au sein de son propre parti, le People’s democratic party (PDP) qui doit affronter une rude campagne électorale en 2015.

Des rapports ont fait cas, ces dernières semaines, de troubles au sein de l’armée dans le nord du pays. Il apparaitrait ainsi que les soldats sont insatisfaits de la façon dont ces opérations sont menées contre Boko Haram dans les trois Etats du nord actuellement soumis à la loi d’urgence.

Dans un article publié dans Star of Africa du 15 mai, il est écrit que "l’armée nigériane a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la mutinerie dans les principales casernes dans la ville de Maiduguri, impliquant des soldats de la 7ème division. En effet, un groupe de soldats a ouvert le feu sur le convoi transportant le major Général Ahmed Mohammed alors qu’il entrait dans les baraques de Maimalari"

L’article poursuit en disant que ce dernier "n’a pas été blessé", rapportant les dires de témoins. Le quartier général de la défense a confirmé qu’il interrogeait les éléments impliqués dans les circonstances concernant l’incident. L’armée s’est également efforcée d’atténuer les craintes concernant les tensions à Maiduguri au lendemain de l’attaque, affirmant que la situation est maintenant sous contrôle".

Le Nigeria est habitué à l’implication des militaires dans les affaires politiques. En 1966, il y a eu deux coups d’Etats militaires ayantt causé la guerre civile entre 1967-1970. Au cours des années entre 1960 et les années 90, il y a eu régulièrement des prises de pouvoir par les militaires. Après le retour d’un gouvernement civil en 1979, un coup d’Etat militaire a eu lieu à la fin 1983 et de nouveau en 1985. Une élection prévue en 1993 a été interrompue pendant qu’un autre chef militaire prenait le pouvoir qu’il a gardé pendant 5 ans. En 1999, l’ancien dirigeant militaire, le général Olesegun Obasanjo, est sorti de sa retraite et a participé aux élections en tant que candidat civil et est sorti vainqueur des urnes. Mais au cours des quinze dernières années, le pays a été gouverné par des administrations civiles.

Toutefois, avec l’avènement du conflit avec Boko Haram, des spéculations montent, selon lesquelles les militaires jouent un rôle significatif dans la déstabilisation du gouvernement Jonathan. Mais bien que Boko Haram soit lié à Al Qaeda, ces mêmes soi-disant réseaux "terroristes" ont aussi été soutenus ces dernières années par les Etats-Unis en Libye et en Syrie.

L’ECONOMIE POLITIQUE DU NIGERIA ET L’INTENSIFICATION DE LA LUTTE DES CLASSES

Bien que le Nigeria ait été qualifié de puissance économique du continent, ces qualifications conduisent à un scénario qui induit une augmentation des interventions militaires et un accroissement du rôle des services de renseignement de la part des Etats impérialistes. La conférence de Paris est représentative de la militarisation rampante du continent laquelle est menée par le Pentagone et les forces de l’Otan.

La pauvreté et le sous-développement restent considérables au Nigeria. Les profits réalisés grâce à l’exploitation du pétrole et du gaz naturelle ont été insuffisamment réinvestis et n’ont pas amélioré les salaires de la classe ouvrières et des pauvres du pays. La faiblesse politique du gouvernement Jonathan est ainsi utilisée pour continuer d’infiltrer le Nigeria. Et ce ne sont pas les mesures prises par l’actuel gouvernement qui amélioreront la sécurité et le bien-être des travailleurs, des paysans et des jeunes du pays.

Des grèves et d’autres manifestations des travailleurs se sont déroulés à un rythme croissant au Nigeria au cours des deux dernières années. Cette classe des travailleurs et des jeunes qui demandent de meilleurs emplois, de meilleures écoles et une justice environnementale, doit prendre le contrôle de l’avenir politique du pays.

La sécurité des petites filles et des femmes ne sera pas améliorée en resserrant les liens avec les Etats impérialistes, mais seulement par l’organisation et la mobilisation des masses nigérianes. Si le gouvernement du Nigeria ne peut garantir la nécessaire sécurité à la jeunesse du pays, alors ce sera à la classe majoritaire des travailleurs et aux paysans de s’organiser pour mettre un terme à l’impérialisme et à ses collaborateurs à l’intérieur du pays.

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** Abayomi Azikiwe* est le rédacteur de Pan African News Wire
- Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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