Cinquantenaire de la Marche sur Washington : Relancer la demande pour des emplois et la liberté

Cinquante ans après la marche sur Washington, le président Barack Obama est à la Maison Blanche. Par contre les Afro-américains restent plongés dans la pauvreté et subissent un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de la population blanche.

La participation à la commémoration du cinquantième anniversaire de la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté a été énorme. Les foules étaient immenses et dispersées sur une vaste aire autour du Lincoln Memorial, du mémorial de Martin Luther King, tout au long des avenues de l’Indépendance et de la Constitution entre la 14th et 17th street.

Il y avait des milliers et des milliers de personnes qui se sont ralliées et qui ont manifesté au nom de myriade de mouvements, d’organisations et de causes.

La représentation des travailleurs était substantielle avec des centaines de bus de l’United Auto Workers, Unite here, Service employees International Union, American Federation of State, County and municipal employees et d’autres syndicats qui amenaient leurs membres habillés de chemises dont certaines à l’effigie du Révérend Martin Luther King Jr, qui a prononcé le discours "I have a dream" de 1963 et qui a fait la célébrité de cette journée.

Une vaste section des travailleurs était présente : des Afro-américains, des Latinos, des Asiatiques, des Américains, des musulmans, des écologistes, la Gauche, les anti-guerre, ceux pour la paix, les Lgbt, les femmes, les mouvements pour les droits des invalides… Des pamphlets, des journaux, des T-shirts, des posters, des cartes postales et autres formes d’expression, représentant une variété de tendance, ont été distribuées gratuitement ou ont été vendues.

Cette manifestation témoigne clairement des changements survenus aux Etats-Unis au cours des cinq dernières décennies. De nombreux orateurs lors de la manifestation du 24 août étaient des fonctionnaires élus et d’autres avaient des liens avec le parti Démocrate.

En 1963, le parti Démocrate était profondément divisé sur les Droits Civils avec un solide engagement du bloc du sud pour un maintien de la ségrégation légalisée. Aujourd’hui, le président Barack Obama est à la Maison Blanche, pendant que les Afro-américains restent plongés dans la pauvreté et subissent un taux de chômage deux fois plus élevé que celui de la population blanche

Il y a cinquante ans, le conflit au Vietnam a connu une escalade avec la présence dans le pays de milliers de soi-disant "conseilleurs militaires" qui tentaient d’éviter la consolidation des socialistes et des forces nationales de libération dans cet Etat du Sud Est Asiatique. En 2013, le Pentagone, la National Security Agency (Nsa) et la Central Intelligence Agency (Cia) déstabilisent toujours différentes régions géopolitiques.

DISCOURS ET INFORMATIONS

Il y avait une longue queue d’orateurs qui se sont adressés à la foule au Lincoln Memorial. Le rallye était largement dû à l’invitation du Rev. Al Sharpton du National Action Network (Nan), instigateur de l’évènement. Outre l’organisateur, on remarquait Martin Luther King III, le dirigeant du Naccp, Ben Jealous.

La liste des orateurs incluait King, Sharpton, le procureur général Eric Holder, le maire de Newark, Cory Booker, le Républicain John Lewis, D-Ga Ils parlaient depuis les marches du mémorial de Lincoln, où, 50 ans auparavant, Dr King Sr, Bayard Rustin, Daisy Bates, A. Philip Randolph, Ossie Davis, Josephine Baker, les Freedom Singers, Mahalia Jackson, Joan Baez, Odetta, Whitney Young et d’autres, s’étaient adressés à la foule d’au moins 250 000 personnes.

Un jeune homme a dit à l’auteur que"il y a maintenant trop de thèmes. Il y a cinquante ans le message était focalisé contre la ségrégation et pour le droit de vote". D’autres ont dit que la nature de l’oppression aujourd’hui est plus complexe qu’en 1963. Certains des orateurs ont abordé cette contradiction. Bien que la ségrégation légalisée ait été abolie, la société américaine reste polarisée le long de lignes raciale et sociale.

Martin Luther King III notait depuis le podium, le 24 août, que " la tâche n’est pas achevée, on n’est pas au bout du chemin. La vision prêchée par mon père il y a un demi siècle était que ses quatre jeunes enfants n’auraient plus à vivre dans une nation où ils sont jugés selon la couleur de leur peau mais selon leur caractère. Toutefois, malheureusement les larmes du père et de la mère de Trayvon Martin nous rappellent que trop souvent la couleur de peau est un critère pour désigner, arrêter, et même tuer, sans considération pour son caractère", a-t-il lancé, demandant que les lois "Stand your ground" (ne vous laissez pas intimider !) soient abolies dans les Etats qui les ont adoptées.

Membre du Congrès, John Lewis de Georgia, qui était le plus jeune des orateurs en 1963, le plus militant aussi et qui représentait le Student Nonviolent Coordinating Committee (Snccc - Comité de coordination estudiantin pour la non-violence), a aussi reconnu que la lutte pour les mêmes thèmes, qui ont mobilisé les gens il y a un demi siècle, sont toujours pertinents. Lewis a appelé les générations plus jeunes à reprendre le flambeau pour lutter pour une égalité politique et économique.

Lewis a lancé : "Cinquante ans plus tard, nous ne pouvons plus attendre, nous ne pouvons plus être patient. Nous voulons de l’emploi et nous voulons notre liberté maintenant… Nous ne pouvons pas céder. Nous ne pouvons pas capituler" ?

Sybrina Fulton, la mère de Trayvon Martin, assassiné par George Zimmerman en 2012, s’est adressée à l’audience. Le cas de Martin a galvanisé des millions de personnes aux Etats-Unis pour protester contre la désignation raciale, la violence raciste et l’échec des Cours de justice à condamner ceux qui ont commis des actes de violence si flagrants contre des populations opprimées. Fulton a déclaré à la foule : "Trayvon Martin était mon fils mais il n’était pas seulement mon fils, il est le fils de chacun et nous devons combattre pour nos enfants".

Un appel national contre la désignation raciale, demandant justice pour Trayvon Martin et d’autres victimes de la violence raciste, a largement circulé du fait de la People’s Power Assembly (Ppa) lors de la manifestation. Une série de manifestation sont prévues dans tous les Etats-Unis pour le mercredi 28 août, la date de la première marche sur Washington en 1963.

Une autre initiative, celle du Moratorium Now ! Coalition a aussi été distribuée lors de la manifestation. L’organisation lutte contre les banques et l’austérité dans la plus grande municipalité afro-américaine du pays (Ndr : Detroit) qui a été précipitée dans la faillite par un gestionnaire d’urgence non élu et qui travaillait pour le compte des institutions financières.

Les militants de Moratorium Now ! Coalition ont distribué des milliers de pamphlets aux participants de la manifestation qui étaient très intéressés d’entendre les perspectives alternatives en faveur de Detroit. Ils tiennent pour responsable de l’austérité, des tentatives de destruction des syndicats, la saisie de propriétés publiques, la menace sur les retraites et les programmes de santé ainsi que l’annulation des votes de la population de Detroit et d’autres villes dans tout l’Etat du Michigan, en même temps que les banques et les ploutocrates.

Les organisateurs du Moratorium Now ! Coalition, ensemble avec 40 autres organisations et individus, ont endossé une International People’s Assembly against the Banks and against Austerity, prévue le 5 et 6 octobre au Grand Circus Park à Chicago. La manifestation a pour objectif de mobiliser la solidarité au niveau de l’Etat, au niveau national et global sur le thème de la nécessité de lutter contre les attaques draconiennes de la part de la classe dirigeante contre les travailleurs et les opprimés.
Les militants de Détroit ont dit aux manifestants de Washington que si les banques et les ploutocrates peuvent organiser la destruction de retraites définies et des biens publics des villes, aucun secteur de la classe des travailleurs n’est à l’abri aux Etats-Unis face à ces vagues d’attaques. Nombreux sont ceux qui ont exprimé de la sympathie et du soutien difficultés de la population de Detroit et ont clairement compris le rôle des banques dans le cadre de la crise économique persistante.

La participation massive de la population aux commémorations du 50ème anniversaire de la marche sur Washington témoigne d’une prise de conscience croissante sur la nécessité de s’organiser contre le racisme et l’oppression sociale. Nombreux sont ceux qui ont promis de retourner dans leur communauté afin de travailler sur les problèmes soulevés à ce rassemblement, aussi bien ceux sur le podium que ceux dans la foule et aux tables de littérature qui entouraient toute cette aire.

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** Abayomi Azikiwe est le rédacteur de Pan African News Wire – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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