Lettre à une jeune militante radicale : Comment se préparer au leadership organisationnel
Il y a des savoirs, des compétences et des attitudes qui sont essentiels pour assumer le rôle d’organisateur radical. Les jeunes militants doivent les maîtriser. A vingt ans, on n’a évidemment pas vécu l’expérience de la décolonisation et des luttes pour l’indépendance dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie, où la lutte africaine de libération en Amérique du Nord et en Europe des années 1960 et ’70, voire la période du mouvement de Garvey. Toutefois, il est possible de s’affirmer comme jeune militante radicale.
Cher camarade Azuka,
J’espère que ce message vous trouve en bonne santé et dans un bon état d’esprit. Pardonnez-moi, je vous prie, pour le retard de ma réponse à votre question concernant les choses que je voudrais partager avec vous, jeune militante émergente, qui a dédié sa vie à un but humaniste qui doit amener un changement radical dans toute la société.
J’ai considéré votre requête et je crois maintenant pouvoir partager mes réflexions. Vous êtes un atout pour le mouvement et votre jeunesse ne devrait pas vous empêcher de participer à l’organe directeur ainsi que de faire partie de l’intelligentsia révolutionnaire. Toutefois, il y a un savoir, des compétences et des attitudes qui sont cruciales pour votre rôle d’organisatrice radicale.
REJOIGNEZ LES RANGS D’UN MOUVEMENT SOCIAL
Feu Kwame Ture (alias Stokely Carmichael) nous a constamment rappelé, au cours de sa tournée nord américaine , "la raison pour laquelle votre peuple souffre c’est qu’il manque d’organisation et l’organisation est l’arme des opprimés". [1] C’est au travers d’organisations que nous allons montre une résistance effective contre les différents systèmes d’oppression en Afrique et dans toute la diaspora.
Un regard rapide sur les périodes de luttes aiguës de nos peuples confirmera que les actions collectives ont été le moyen de promouvoir nos avancées politiques ou nos victoires. Les insurrections contre l’esclavage en Amérique, la lutte des femmes africaines contre le patriarcat au niveau sociétal, les luttes pour l’indépendance en Afrique et dans les Caraïbes., le mouvement du Black Power en Amérique du Nord et dans les Caraïbes sont autant d’exemples qui montrent comme nous avons utilisé les capacités organisationnelles pour briser les entraves ou alléger le joug de la déshumanisation.
En dépit de leurs tactiques et stratégies brillantes, des dirigeants africains individuels, comme, par exemple http://www.international.ucla.edu/africa/mgpp/intro.asp">Marcus Garvey de la United Negro Improvement Association (Unia), Ella Baker de la National Association for the Advancement of Colored People et le Southern Christian Leadership Conference, Huey P. Newton des Black Panther Party (Bpp) et Toussaint Louverture de la révolution haïtienne, sont devenus des acteurs politiques marginaux privé du soutien d’une organisation.
Malgré la centralité des organisations comme outil d’actions collectives, il est important que vous évitiez l’appel séducteur de multiples organisations en même temps, particulièrement celles qui poursuivent des buts similaires. Il n’est pas utile pour vous et pour la population d’éparpiller le peu de temps dont vous disposez. Vous êtres plus exposé à l’épuisement rapide si vous vous dispersez. Le travail qui vise l’émancipation africaine est un engagement total, mais il doit durer une vie et donc vous devez vous économiser.
En vous engageant dans une organisation qui a un seul but, vous centrez votre savoir, vos compétences et votre attitude de sorte qu’ils puissent être bénéfiques pour la vie de la population. Si vous êtes membre d’un mouvement social à large spectre, qui poursuit plusieurs buts et qui ne travaille pas sur quelque chose qui vous intéresse, vous pourriez vous rassemblez avec quelques autres membres et mettre ce thème qui vous préoccupe au programme. Votre organisation pourrait aussi travailler dans une coalition, dans un partenariat ou en alliance avec d’autres organisations, en prenant l’initiative désirée
Avec cette approche, vous pourriez préserver votre engagement auprès d’une première organisation tout en faisant appel aux ressources de votre groupe et étendre le spectre de son travail sans perdre votre temps, disperser votre énergie et autres ressources dans d’autres groupes. Comme une camarade plus jeune, vous pourriez faire montre d’un degré de maturité politique et de dévouement en faisant progresser le travail de votre organisation. En résistant aux appels des sirènes plutôt que de vous investir dans plus d’une d’organisation, vous cultiveriez la réputation d’une jeune organisatrice qui est constamment présente pour travailler et qui ne court pas après les mobilisation politiques tous azimuts qui paraissent alléchants.
ETUDES, ACQUISITION DE SAVOIR ET DEVELOPPEMENT IDEOLOGIQUE
En mettant l’accent sur l’instruction comme un élément crucial pour le jeune militant radical, je ne fais que montrer ma loyauté à la tradition révolutionnaire africaine et l’exemple de nos grands révolutionnaires produits par la lutte de notre peuple. Un des plus importants révolutionnaires, qui a émergé de la révolution africaine au cours de la phase anticoloniale et de l’indépendance, a été Amilcar Cabral. Il avait ceci à dire, concernant la nécessité de l’instruction continue pour la révolution en Guinée : "Exigez des membres du parti qu’ils se dédient sérieusement à l’étude, qu’ils s’intéressent aux choses et problèmes de notre vie quotidienne, de nos luttes dans leurs aspects fondamentaux et essentiels et pas seulement dans leur apparence… Apprenez de la vie, apprenez de notre peuple, apprenez dans les livres, apprenez de l’expérience des autres. Ne cessez jamais d’apprendre". [2]
Nous ne pouvons pas exagérer le rôle de transformation de l’instruction dans la préparation des révolutionnaires pour la tâche d’organisation d’une population résistant à l’oppression. Comme jeune militante, vos besoins de développement idéologiques et d’instruction doivent être prioritaires. Ceux qui sont dans un environnement riche en informations ne doivent pas attribuer l’ignorance d’un sujet à l’âge ou à l’inexpérience.
Il y a des gens qui ont une tendance à ne pas prendre au sérieux le point de vue des plus jeunes parce qu’ils manquent d’expérience ou de connaissances concernant des sujets qui surviennent dans les discussions au sein de l’organisation. C’est un fait parce que vous n’étiez pas là lorsque certains évènements ont eu lieu il y a trente, quarante ou cinquante ans. Mais dans une culture écrite, l’absence d’expérience n’est pas une excuse pour ne pas être au courant ou ne rien savoir du passé proche ou lointain. Vous ne vivez pas dans une culture orale où vous êtes forcément dépendante de la décision des anciens de vous instruire sur l’histoire de la lutte de l’émancipation. Certains anciens peuvent décider de faire usage de leur accès privilégié à des informations capitales de façon discriminatoire. Les dépositaires du savoir oral peuvent décider de ne pas partager avec certains jeunes organisateurs parce que ces derniers n’ont pas manifesté le degré nécessaire de déférence ou ne se sont pas inclinés "devant la sagesse de l’âge". Je ne suis nullement en train de dénigrer "le bénéfice de mentors adultes très expérimentés… ancrés, soignés, protégés et disciplinés par un réseau social d’adultes… [3]
Toutefois, les jeunes n’ont pas toujours le bénéfice de l’approche du leadership de Ella Baker, qui croyait en la capacité des jeunes à être des contributeurs autonomes à la lutte [4]
L’âge peut être à l’origine de relations de pouvoir exploitantes et injustes qui ont cours dans les organisations et dans la société en général. Camarade Azuka, en tant quejeune militante vous devez vous engagez dans un programme d’autodidacte consistant, rigoureux et extensif d’études qui pourrait être complété par des sessions d’études en groupe, avec d’autres camarades. Vous vous mettriez dans une position qui vous permettrait de surmonter le fossé de l’inexpérience et du manque de connaissance.
En tant qu’organisatrice qui a vingt ans, vous n’avez évidemment pas vécu l’expérience de la décolonisation et des luttes pour l’indépendance dans les Caraïbes, en Afrique et en Asie, où la lutte africaine de libération en Amérique du Nord et en Europe des années 1960 et ’70, voire la période du mouvement de Garvey. Toutefois, en aménageant un espace dans votre vie de militante pour considérer de façon approfondie et critique les courants d’idées, les mouvements politiques, les évènements historiques, les organisations et les personnalités, il vous est tout à fait possible de développer un savoir plus large et une compréhension approfondie de ces évènements que ceux qui en ont fait l’expérience.
Les anciens et les militants plus âgés ne pourront pas facilement invoquer le manque d’expérience pour refuser ce que vous proposez si vous êtes armées d’une connaissance accrue du passé. Ils seront plus susceptibles d’examiner vos idées sur leurs mérites plutôt que de s’arrêter à des questions d’âge. Le savoir est en effet du pouvoir et donc vous devez en accumuler le plus possible pour vous engager dans les "transactions" organisationnelles ou dans un mouvement social.
Si vous êtes membre d’une organisation dépourvue d’un programme d’éducation politique, vous pouvez présenter une motion lors de la réunion des membres et demander la création d’un groupe d’étude sur des sujets nécessaires au développement intellectuel, idéologique, moral et politique des membres. Ce projet pourrait permettre aux membres plus jeunes de satisfaire à leur besoin d’apprendre dans un environnement propice et structuré.
Une des deux choses que les camarades ont constamment répété après avoir lu "Les damnés de la terre"[5] ou " Peau noir, masques blancs " [6] de Frantz Fanon, lorsqu’ils étaient plus jeunes, c’est : "J’étais très content d’avoir des personnes plus âgées et mieux informées autour de moi lorsque j’ai commencé à lire Fanon". Ou "je n’avais aucune idée de ce que Fanon "disaient" vraiment dans ces livres". Un groupe d’études dans votre organisation, ou un groupe ouvert à chacun dans la communauté, est une excellente façon de lire du matériel idéologique ou politique difficile et de promouvoir l’apprentissage collectif ainsi que le dialogue.
Si le groupe d’études est structuré de sorte à encourager les différents participants à préparer, chacun à son tour, des résumés des lectures choisies et diriger la session, ceci pourrait étayer votre confiance en vous, pour être quelqu’un capable de présenter des idées à vos pairs ou à la communauté. Notez que votre développement idéologique et politique dans cet espace d’apprentissage serait un plus par rapport à l’étude personnelle que vous avez entreprise.
Bob Marley avait bien compris, lorsqu’il disait : "Emancipez-vous de l’esclavage mental. Personne hormis nous-mêmes ne peut libérer nos esprits" [7] Ceci peut être réalisé par une combinaison d’études autodidactes et d’initiatives d’éducation politique de groupe.
DEVELOPPEZ DES COMPETENCES POUR LE TRAVAIL ORGANISATIONNEL
Camarade Azuka, bien que l’acquisition de savoir est d’une importance cruciale, elle doit être complétée par l’acquisition des compétences requises pour mener à bien des tâches d’organisation. Souvent, nos organisations ne prévoient pas de ressources pour former ou développer leurs militants en vue des activités à mener, qui sont nécessaires pour atteindre l’objectif de notre lutte pour l’émancipation.
Les organisateurs apprennent de leurs erreurs. Quelquefois, quelqu’un les prend sous son aile expérimentée ou recherche des moyens d’apprentissage en dehors de l’organisation. Cette approche de la question importante du développement de nos militants permet aux plus anciens ou aux plus expérimentés d’avoir du pouvoir. De telles situations ne sont pas propices aux adolescents et autres camarades plus jeunes, pour leur permettre d’exercer des rôles de leadership et des portefeuilles importants. Le pouvoir retranché a une façon de se pérenniser ou de s’auto-préserver et nous devons rompre avec ce syndrome organisationnel malsain. Si nous voulons créer des organisations participatives et démocratiques, nous devons délibérément développer et étendre les compétences de nos militants.
C’est le comble de l’irresponsabilité politique d’attendre de nos organisateurs qu’ils se chargent d’éduquer, de mobiliser et d’organiser la classe ouvrière, la paysannerie et les éléments progressistes ou révolutionnaire de la petite bourgeoisie sans des compétences d’organisation essentielles. Selon Charles L. James, qui a servi dans le cadre de l’Unia, Garvey était engagé dans la formation systématique de notre peuple et " il ressentait sincèrement que personne ne peut être tenu responsable de son action à moins d’être instruit ou formé à ces responsabilités".[8]
En août 1937, Garvey a proposé un programme systématique d’instruction, le cours de philosophie africaine à Toronto au Canada, qui incluait 42 sujets. Ving-deux de ces leçons ont été conservées par écrit [9] et sont maintenant disponibles sous la forme d’un livre intitulé "Message to the people : the course of African philosophy". Ce programme de développement du leadership est venu après le pic du militantisme d’Unia, mais c’est une leçon pour nous tous sur la nécessité d’une approche méthodique du développement des compétences au sein de notre organisation.
L’instruction et la formation peuvent faire la différence dans notre lutte pour l’autodétermination. La lutte armée pour la libération, menée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée Bssau et du Cap Vert (Paigc) a démontré l’importance qu’il y a à équiper les organisateurs de savoirs, de compétences et d’attitudes appropriées pour travailler au sein de la population. Le commentaire de Patrick Chabal sur un passage d’Amilcar Cabral, dans " Revolutionary Leadership and People’s war", mérite d’être lu en ce qui concerne la méthode pédagogique et philosophique et la pratique de la préparation des militants /organisateurs pour instruire et mobiliser la paysannerie dans les campagnes". [10]
Le degré de préparation des militants du Paigc a été un facteur déterminant du succès de la mobilisation de la , ainsi que la lutte armée. Camarade Azuka, si vous êtes dans une organisation dépourvue de programme d’acquisition de compétences, vous devriez considérer cela comme un défi et œuvrer à l’établissement d’une telle initiative
DEVENEZ COMPETENTE DANS L’AUTOGESTION ECONOMIQUE ET DU TRAVAIL
Camarade, je vais partager avec vous une observation sur la façon dont de nombreux radicaux réagissent à mon message sur Facebook, concernant l’économie et le travail autogéré, ou dans les échanges à travers ma liste de diffusion par courriel. Il y a un manque d’engagement évident pour des sujets qui traitent de la construction d’une alternative au capitalisme par l’autogestion des travailleurs ou la coopération des producteurs et d’autres interventions économiques collectivistes.
Si nous évaluons l’engagement par le nombre de "j’aime" et par les commentaires, l’économie alternative ne trouve que peu d’écho auprès de mes amis de Facebook. J’ai aussi rassemblé des articles sur les lieux de travail démocratiques et sur les économies coopératives par courriel. Ils appellent également peu de réactions de la part de camarades. Je suis parvenu à la conclusion qu’en dépit de l’engagement de mes militants dans le combat contre le capitalisme, nombre d’entre nous ne sommes pas à l’aise dans une discussion ayant trait à des questions économiques et n’avons pas d’idées claires pour le développement d’une alternative économique transitionnelle anti-capitaliste.
La grande Récession de 2007/2008 m’a montré à quel point nombre de militants n’ont que des connaissances fragmentaires en économie. Nous devons créer une stratégie de développement économique pour l’ici et maintenant, tout en organisant la population pour une future société juste et bonne.
Cabral nous a rappelé une évidence grandement négligée : " Gardez toujours à l’esprit que les gens ne se battent pas pour des idées, pour des choses qui sont dans la tête de quelqu’un. Ils combattent pour des bénéfices matériels, pour vivre mieux et en paix, pour voir leur vie s’améliorer, pour garantir un futur à leurs enfants…" [11] Cabral n’affirmait pas que les gens n’étaient pas intéressés par les idées ou par les questions idéologiques. Il indiquait seulement qu’il y a des problèmes pratiques auxquels les gens doivent faire face et qu’ils ont donc des attentes matérielles dans leur engagement pour des luttes politiques. On notera ainsi que l’exhibition publique de fusils par les membres des Black Panther Party (Bpp) n’était pas aussi menaçante pour la classe dirigeante que leur Breakfast for Children Programme (Bcp).
L’ancien directeur du Fbi, l’archi-réactionnaire J. Edgar Hoover, disait que le Bcp "fait la promotion au moins tacite des Bpp parmi des individus naïfs… Et ce qu’il y a de plus perturbant, c’est que cela fournit au Bpp un public prêt, composée de jeunes très impressionnables… Par conséquent le Bcp représente la meilleure et la plus influente des activités en faveur des Bpp et se trouve donc être le plus grand obstacle aux efforts des autorités de neutraliser le Bpp et de détruire ce qu’il représentent " [12]
Organiser en vertu des besoins immédiats de la population est toujours une excellente façon de la mobiliser en faveur des possibilités radicales. Mais des ressources économiques sont nécessaires pour lubrifier la machine de mobilisation populaire et pour l’organiser. Quel que soit leur emplacement dans le cycle de la vie, ils sont moralement obligés de soutenir ou de développer des programmes économiques qui prennent en compte les besoins de la population.
Il va s’en dire que si le capitalisme ne fonctionne pas, nous devrons organiser les gens selon des programmes de coopératives économiques ou collectivistes. Des organisations militantes doivent aussi avoir une assise financière indépendante, suivant l’exemple d’Unia et de la Nations of Islam aux Etats-Unis. Les forces opposées à une véritable émancipation de notre peuple retireront leurs fonds lorsque nos actions menaceront leurs privilèges et leur pouvoir. [13]
Camarade Azuka, je vous encourage à entreprendre des études en macro et micro économie. Cela pourrait être fait au travers de vos études personnelles, dans des groupes d’études ou par la biais de cours dans une école, université ou des programmes de formation continue. Je recommande un bon texte pour le sujet sur l’économie capitaliste : Economics for Everyone. [14]
Nous avons besoin d’une connaissance et d’une compréhension précise du capitalisme et ses faiblesses afin d’éduquer et d’organiser les gens à le combattre.
Toutefois nous n’avons pas à être des experts dans ce que nous combattons. Nous devons juste être compétents pour articuler ce que nous soutenons. Mon conseil c’est de commencer immédiatement à lire sur le sujet de l’autogestion des travailleurs ou des coopératives de producteurs. L’autogestion par les travailleurs est l’idée et la pratique des travailleurs qui possèdent, contrôlent et gèrent leur lieu de travail. Ce sont les travailleurs qui travaillent sur le terrain et prennent les décisions stratégiques, partagent les fruits de leur labeur collectif (profit ou surplus) et enrôlent le capital comme serviteur des travailleurs et de l’environnement de travail qu’ils contrôlent.
Depuis l’avènement de la Révolution industrielle en Europe, des travailleurs ont cherché à se libérer de l’esclavage du salaire. Un excellent livre introduisant le sujet est « Making Mondragon ». [15] Un bon manuel pour quelqu’un qui veut débuter une entreprise appartenant aux travailleurs et gérée par eux-mêmes est « Putting Democracy to Work». [16]. Je recommande également « Blueprint for Black Power ». [17] Il ne fait pas la promotion d’idées non capitalistes comme approche du développement économique, mais contient des idées utiles qui peuvent être utilisées pour notre programme d’autogestion et d’économie coopérative.
VOS IDEES AU PROGRAMME ET MISES EN ŒUVRES
Je vous ai encouragée de pousser pour qu’un certain nombre de propositions se trouvent dans l’agenda de votre organisation. Mais ce n’est pas toujours facile pour une jeune camarde, ou pour quelqu’un qui est nouvellement arrivé dans un groupe, de prendre une telle initiative. Ce n’est pas suffisant de se rendre à une réunion générale des membres ou à une réunion annuelle et de suggérer que le groupe devrait faire ceci ou cela.
Vous et ceux qui se font les champions de votre idée serez pris plus au sérieux si vous arrivez à la réunion avec des plans d’action ou des propositions qui montrent systématiquement comment vous entendez mener à bien votre action. Anticipez les questions ou les préoccupations et répondez si elles se présentent au cours de votre présentation. De même importance est la compréhension du processus décisionnel au sein de votre organisation. Vous devez faire vos devoirs et rassembler du soutien au sein de votre organisation.
L’avantage de présenter un plan écrit est l’augmentation est dans la possibilité à créer des paramètres de dialogue. Le contenu du plan deviendra le centre des délibérations du groupe. Des membres voudront l’améliorer s’ils sont intéressés par des éléments de votre proposition. De plus, lorsque quelque chose est présenté méthodiquement par écrit, des personnes qui parlent à tort et à travers seront incapables de poser une opposition cohérente et bien argumentée. Toutefois, si votre plan est rejeté ou radicalement modifié, vous n’avez pas à quitter l’organisation ou à renoncer à votre engagement dans le projet altéré. Au cours de l’élaboration du plan d’application et de réalisation du projet, vous et vos alliés avez toujours l’occasion d’influer sur le résultat. En participant au plan approuvé par les membres vous démontrez que vous faites partie d’une équipe et que vous n’êtes pas une perdante qui boude.
FAITES CIRCULER VOS IDEES SUR LA PLACE PUBLIQUE
En tant que jeune militante qui ambitionne de prendre des responsabilités dans le leadership supérieur du mouvement, vous ne devez pas vous positionner comme une pure consommatrice de savoir. Vous devriez faire usage de tous les moyens de communications pour vous développer en tant que leader d’idées et laisser une trace écrite de vos idées afin de les pérenniser. Au vu de l’explosion des publications en ligne et des plateformes de médias sociaux, vous avez plus d’opportunités de mettre vos idées sur la place publique. Les femmes, les jeunes et les peuples d’autres races ne sont pas considérés comme ayant une quelconque substance intellectuelle ou opérationnelle pour contribuer au discours sociétal pour la création d’une société plus juste. Vous devez persuader la population de se défaire de cette réduction au silence. Pendant que vous vous développerez comme leader d’idées et comme intellectuelle révolutionnaire, vous commencerez à recevoir des invitations pour parler à des réunions publiques et dans d’autres endroits.
EN GUISE DE CONCLUSION
Camarade Azuka, les commentaires ci-dessus constitue tout ce que je peux vous dire en ce moment et je me réjouis de votre réponse, de vos commentaires et questions. Angela Davis a fait le commentaire suivant : "Il est vrai que c’est dans la culture politique que les jeunes tendent à travailler au travers de sujets politiques. Ce qui se pense est bien, même si cela ne résoudra pas les problèmes". [18] Sur la base de mon expérience je peux dire que cette déclaration est juste. Mais votre engagement sur des sujets qui sont pertinents pour la réalité matérielle de la population aide à pousser le militantisme des jeunes au-delà de la préoccupation culturelle, pour aller en direction de la résistance politique.
Solidairement, Ajamu Nangwaya
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** Ajamu Nangwaya est titulaire d’un doctorat. Etabli à Toronto, au Canada, il est un des organisateurs de Network for Pan-African Solidarity. Ajamu est expert dans le fonctionnement des coopératives et l’autogestion par les travailleurs pour créer un programme économique alternatif dans le mouvement d’émancipation – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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NOTES
1"> Kwame Ture, via Disciples of Malcolm, http://disciplesofmalcolm.tumblr.com/post/46471511525
2"> Amilcar Cabral, “Revolution in Guinea: Selected Texts,” (New York: Monthly Review Press, 1969), 88.
3"> Stokely Carmichael [kwame Ture"> with Ekwueme Michael Thelwell, “Ready for Revolution: The Life and Struggles of Stokely Carmichael [Kwame Ture">,” (New York: Scribner, 2003), 663.
4"> Barbara Ransby, “Ella Baker & the Black Freedom Movement: A Radical Democratic Vision,” (Chapel Hill: The University of North Carolina Press, 2003).
5"> Frantz Fanon, “The Wretched of the Earth”, (New York: Grove Press, 1968).
6"> Frantz Fanon, “Black Skin, White Masks”, (New York: Grove Press, 1967).
7"> Bob Marley and the Wailers, “Redemption Song,” in Uprising, Tuff Gong/Island, 1980.
8"> Charles L. James, “Foreword” to Message to the People: The Course of African Philosophy, ed. by Tony Martin (Dover, Massachusetts: The Majority Press, 1986), ix.
9"> Ibid, xvi.
10"> Patrick Chabal, “Amilcar Cabral: Revolutionary Leadership and People War,” (Trenton, New Jersey: Africa World Press, 2003), 60-67.
11"> Cabral, Revolution in Guinea, 86.
12"> Marc Mascarenhas-Swan, “Honoring the 44th Anniversary of the Black Panthers’ Free Breakfast Program,” Organizing Upgrade: Engaging Left Organizers in Strategic Dialogue, January 18, 2013, http://tinyurl.com/o3zax45; J. Edgar Hoover, “Federal Bureau of Investigation – J. Edgar Hoover Memo on Black Panthers’ Breakfast for Children Program,” Rapgenius, http://news.rapgenius.com/Federal-bureau-of-investigation-hoover-memo-on-black-panthers-breakfast-for-children-program-lyrics
13"> Oba T’Shaka, “The Art of Leadership: The Art of Organizing, Volume 1,” (Richmond, California: Pan Afrikan Publsihers, 1990), 88-89.
14"> Jim Standford, “Economics for Everyone: A Short Guide to the Economics of Capitalism,” (Black Point, Nova Scotia: Fernwood Publishing, 2008).
15"> William Foote Whyte & Kathleen King Whyte, “Making Mondragon: The Growth and Dynamics of the Worker Cooperative Complex”, Second Edition Revised, (Ithaca: Cornell University Press, 1991).
16"> Frank T. Adams & Gary B. Hansen, “Putting Democracy to Work: A Practical Guide for Starting and Managing Work-owned Businesses”, Revised Edition, (San Francisco: Berrett-Koehler Publishers, 1993).
17"> Amos N. Wilson, “Blueprint for Black Power: A Moral, Political and Economic Imperative for the Twenty-first Century,” (New York: Afrikan World Infosystem, 1998).
18"> Angela Davis, “Interview with Angela Davis,” Interviewed by Frontline, PBS (Public Broadcasting Service), http://tinyurl.com/cnq7a