Burkina Faso : Evolution des droits de la femme après le Protocole de Maputo

Malgré les conventions internationales signées et l’arsenal législatif mis en place, les inégalités et les comportements à l’endroit des femmes, qui heurtent la conscience humaine, continuent de prospérer. Or ces dernières ont joué un rôle historique dans la constitution et l’évolution de ce pays. L’évolution en termes de droits politiques est appréciable, note Zombré L.W. Pascal, mais un chemin important reste à parcourir.

Le Burkina Faso compte plus de 14 millions d’habitants dont 48% d’hommes et 52% de femmes. Malheureusement, cette majorité des femmes contraste avec la sous-représentation de celles-ci dans les sphères de décision politiques et par conséquent par une non-prise en compte de leur besoin en tant que femme dans l’élaboration des politiques économiques et sociale tant sur le plan local et national.

La population des femmes au Burkina Faso est sous-scolarisée avec 90% qui n’ont aucun niveau d’instruction contre 78% chez les hommes. 1% des femmes font des études supérieures contre 3% chez les hommes. Au regard de la contribution des femmes dans l’histoire sociopolitique du Burkina Faso passé et récent, elles méritent autant de considération que les hommes.

(…) Le royaume Mossi qui comprend l’ethnie majoritaire actuellement au Burkina Faso a été fondé par une femme, Yenega, intrépide guerrière venue de Gambaga (l’actuel Ghana). Sa descendance formait jadis le royaume mossi qui forme actuellement le centre, le centre est, le plateau central, le centre nord et le centre ouest du Burkina. Guibi Ouattara est une autre amazone qui a défendu son peuple contre la pénétration coloniale dans la région ouest et sud-ouest de l’actuel Burkina Faso.

C’est dire que les femmes ont grandement contribué à la naissance et à l’essor sociopolitique de l’actuel Burkina Faso. Cela n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur car le statut sociopolitique, voire économique de la femme, vont se dégrader. C’est ce combat que mènent certains leaders de la société civil burkinabé, parmi lesquels des femmes se sont illustrées positivement et ont ainsi contribué à révolutionner les mentalités et les comportements. L’État moderne, sous la pression et le lobbying de ces organisations féminines, va procéder régulièrement à la ratification des conventions et à l’adoption de lois en vue de leur reconnaître des droits.

ETAT DES DROITS DES FEMMES ET EVOLUTIONS AU BF

Le Burkina Faso est partie à plusieurs conventions universelles et régionales qui consacrent des droits civils et politiques à sa population. Nous pouvons citer, pour l’essentiel, le pacte international sur les droits civil et politiques ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Il a aussi ratifié des conventions spécifiques aux femmes comme la convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme ainsi que le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme.

Cette dernière convention régionale est spécifique à l’Afrique et peut-être considérée comme celle qui résume l’ensemble des préoccupations des femmes africaines, relativement à leur éducation, santé, leur bien-être social, économique et politique. Elle a été ratifiée le 6 septembre 2006. Mais bien avant cette date, le combat pour l’émancipation des femmes avait déjà commencé. La période révolutionnaire a été celle qui a le plus contribué à l’émergence d’une conscience collective vis-à-vis de la condition de la femme.

Sous l’impulsion du défunt président du CNR, le capitaine thomas Sankara, des mesures seront prises pour réhabiliter les femmes victimes des discriminations et des stéréotypes sociaux. Un ministère de l’Action féminine sera crée ainsi que l’union nationale des femmes du Burkina Faso. On assistera à une entrée timide mais remarquable de plusieurs femmes dans le gouvernement. Désormais les Burkinabés dans leur ensemble ont eu la certitude que plus rien ne devrait se faire sans les femmes et sans tenir compte d’elles.

Malheureusement, la période révolutionnaire, malgré son mérite, était une période d’exception et si la volonté politique d’aider les femmes à s’émanciper existait en acte, le droit cependant leur faisait défaut.

La Constitution du 2 juin 1992 marque l’avènement de la Quatrième République et le retour à l’Etat de droit ; cette Constitution, dans son préambule, réaffirme l’attachement du Burkina Faso aux valeurs universelles des droits de l’homme. Les gouvernements successifs vont manifester une volonté politique de prendre en compte les femmes dans la gestion des affaires publiques par une augmentation progressive du nombre de femmes dans le gouvernement, la nomination des femmes à de haute fonction. Le gouvernement a poursuivi ses efforts à travers l’adoption d’une loi spécifique contre les mutilations génitales féminines en 1996, l’adoption d’une politique nationale genre en 2009 et l’adoption de la loi sur le quota genre en 2010.

Sur le plan législatif, l’ensemble des acteurs de la société civile et politique burkinabé sont unanimes à reconnaître qu’il y a des progrès réels, l’effectivité de ces lois reste encore à être éprouvée sur le terrain. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas de candidature féminine à l’élection présidentielle du 21 novembre 2010. Il faut attendre peut-être les législatives et les élections locales de 2012 pour commencer à mesurer l’effectivité de ces textes de lois.

Au delà de cette embellie juridique, il subsiste encore au Burkina Faso des inégalités et des comportements qui heurtent la conscience humaine et qui constituent des handicapes majeures au progrès socio-économique et politiques avec les femmes dans une totale égalité.

HANDICAPS

Au Burkina Faso, les hommes concentrent dans leur main la plus grande partie des revenus. Ce constat contraste avec le dynamisme des femmes sur le terrain économique. Le secteur informel est occupé essentiellement par les femmes avec les petits commerces de fruits et de légumes. Les hommes, quant à eux, sont hyper majoritaires dans le secteur secondaire et tertiaire ; cependant on assiste à une émergence par ci, par là, de quelques femmes leaders dans le secteur des grandes entreprises et le secteur industriel.

Au-delà de l’aspect répartition des revenus, des violences faites aux femmes subsistent et souvent de façon pernicieuse. Si le taux d’excision a baissé à cause de l’effet conjugué de la loi et des campagnes de sensibilisation de masse, la pratique demeure et continue de faire des victimes chez les jeunes filles.

En outre, la pratique de l’exclusion sociale dans certaines régions du Burkina Faso, vient assombrir le tableau des acquis en matière de lutte contre les violences et les discriminations à l’égard des femmes. En effet, il existe au Burkina Faso, la pratique de détection de sorcières qui se solde la plupart du temps par la maltraitance et l’exclusion sociale de ces pauvres victimes au regard et au su de tout le monde. L’église catholique a créé des centres dont le plus célèbre est le centre Denwende de Ouagadougou pour accueillir ces femmes qui ont été bannies de leur communauté d’origine. Pour nous, ces centres doivent disparaître et les femmes réintégrées de gré ou de force dans leur communauté d’origine. L’Etat doit réagir, car au nom de coutumes aux origines parfois douteuses on ne peut continuer à stigmatiser une partie de la population à cause de son sexe.

Si la justice, lorsqu’elle est saisie de ces cas de violences, arrive à condamner les auteurs, il reste que la volonté politique de faire face à ce phénomène tarde à se manifester. L’Etat du Burkina Faso, en ratifiant le protocole de Maputo, s’est engagé à prendre de mesures adéquates pour ne pas favoriser des discriminations à l’égard des femmes et lutter pour les éradiquer. Il doit respecter ses engagements en adoptant une loi spécifique contre l’exclusion sociale des femmes, surtout celles qui sont âgées.

PERSPECTIVES

Y a-t-il un espoir pour les femmes du Burkina Faso de voir leurs droits respecter dans un pays plus sensible aux problèmes auxquels elles sont confrontées ? Il est hasardeux de répondre à cette question ! Cependant, l’évolution de la condition de la femme burkinabé au cours de la décennie 2010 qui s’achève permet d’espérer en des lendemains meilleurs à condition que tous les acteurs femmes et hommes, acteurs politiques ou de la société civile, ne baissent pas les bras.

L’évolution en termes de droit politique est encourageante. Maintenant, il reste au femme de s’emparer des sphères de décision pour faire valoir leur droit et élaborer des politiques sensibles aux genres dans l’optique de faire avancer la lutte en vue une société plus égalitaire. La démocratie et l’État de droit sont une aubaine à saisir pour révolutionner nos sociétés africaines. Au Burkina Faso, les femmes sont majoritaires et se doivent par conséquent d’avoir la majorité partout !

* Zombré L.W. Pascal est magistrat, membre de l’ONG voix de femme

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