Madagascar : La Chine, premier investisseur avec une HAT non reconnue

Malgré la recommandation des grandes puissances de la communauté internationale à ce que Madagascar ne passe pas un accord, ni ne prenne un engagement durant la période de transition, la Haute Autorité de transition (HAT) franchit la ligne rouge. L’exploitation d’un gîte de fer à Soalala vient d’être accordée à la multinationale chinoise Wisco. Au bord de l’asphyxie financière, l’autorité bénéficie immédiatement d’une bouffée d’oxygène de 100 millions de dollars.

La stratégie asiatique de l’économie de la HAT se concrétise par le premier contrat officiel. Le ministère des Mines a accordé au consortium chinois WISCO (Wuhan iron and steel corporation) l’exploitation du gîte de fer de Soalala. La multinationale a été avisée de l’adjudication le 8 mai 2010. La décision a été officialisée après la validation par la Commission chinoise du développement et de la réforme, le 25 mai.

C’est le jackpot pour la HAT qui peut se targuer d’avoir attiré deux fois plus d’investissement que le plus grand projet en cours à Madagascar. Wisco prévoit en effet d’injecter 8 milliards de dollars dans la mine de Soalala. Rien que pour la phase exploratoire qui va durer jusqu’en 2012, le consortium va engager 2 milliards de dollars. L’intérêt est immédiat pour l’autorité de fait, puisque le bénéficiaire de l’adjudication renfloue la caisse de l’Etat malagasy par deux paiements successifs de 50 millions de dollars en une semaine.

Cette signature crée un certain malaise dans le monde des affaires comme dans la sphère diplomatique. L’autorité en place n’est pas reconnue sur le plan international. Déjà, la transition consensuelle préconisée par la communauté internationale est sommée avant même sa mise en place de ne pas signer de tel engagement. La décision de la HAT est surtout « unilatérale » et n’a pas été validée par l’assemblée nationale qui a été dissoute par Andry Rajoelina au lendemain de sa prise de pouvoir.

La firme chinoise prend donc un risque en signant avec la HAT, dont la légalité des actes est plus que douteuse. Au lieu de remettre en cause l’adjudication, le futur gouvernement légitime de Madagascar pourrait se rattraper sur les termes du contrat minier entre les deux parties une fois la phase exploratoire terminée. Pour appâter l’opinion, la HAT joue la transparence et mise sur les recettes potentielles : 600 millions de dollars d’IBS et 280 millions de dollars de redevances par an.

Wisco présente un dossier attrayant en acceptant de transformer une partie de la production avant l’exportation. Les premières extractions de fer concentré sont prévues pour 2014. Le projet prévoit la construction d’un grand complexe industriel avec des usines et aussi des lieux d’habitation, soit un investissement de 1,2 milliard de dollars. L’exportation de billettes d’aciers est attendue pour 2019.

A l’instar des deux grandes multinationales exploitant les minerais de Madagascar, Wisco va aussi construire un port dont le coût est estimé à 4,3 milliards de dollars et une station de production d’électricité d’une valeur de 1,8 milliard de dollars. Le projet Soalala pourrait créer 100 000 emplois.

L’appel d’offres sur l’exploitation du gîte de Soalala sur 400 km² a été lancé par le gouvernement de Madagascar en 2008. Après le changement anticonstitutionnel de gouvernement, l’adjudication a été mise en veilleuse. En septembre 2009, le gouvernement de la HAT a décidé de suspendre l’octroi d’autorisation d’exploitation minière. Depuis, Wisco est la première firme à en bénéficier. La chine est plus que jamais en bonne position pour ravir les contrats miniers de Madagascar. Pékin ne s’embarrasse pas des principes démocratiques et profiterait même de la situation politique pour élargir son champ d’investissement. De son côté, la HAT essaie de briser son isolement international en vendant aux intéressés les richesses du pays.

* Ce texte a été publié par le site www.madonline.com

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