Développement : Des citoyens engagés, des Etats responsables pour changer les choses

Nous sommes entrés dans l’âge de la rareté. Dans de nombreux pays, nous avons assisté à des émeutes de la faim pour protester contre la hausse des prix des denrées de premières nécessité. La hausse des prix des produits pétroliers engendre une inquiétude généralisée face à laquelle les politiques gouvernementales restent sans solution. Cette crise intervient dans un monde dominé par de fortes inégalités. Les chiffres sont parlants. Près d’un milliard d’hommes et de femmes vivent avec moins de 365 dollars par an. Et pourtant, chaque année, l’économie globale engendre 9 500 dollars de biens et de services pour chaque homme, femme et enfant.

Selon les Nations unies, il faudrait 300 milliards de dollars chaque année pour ramener tout le monde au-dessus du seuil d’extrême pauvreté (fixé à 1 dollar par jour). Cette somme est énorme certes, mais elle ne représente que le tiers de la dépense militaire mondiale.

C’est le portrait désolant d’un monde fracture ou l’inégalité grandit sans cesse, esquissée dans “L’Urgence de l’heure”*, ouvrage de référence sur la pauvreté publié en ce mois de juin 2008 par Oxfam. Dans ce monde inégal, ceux qui sont du côté des perdants font tous les jours l’expérience de l’impuissance, de la frustration, de la vulnérabilité et de l’exclusion. Chaque minute, quelque part dans le monde en développement, 20 enfants succombent à des maladies évitables comme la diarrhée ou le paludisme. Chaque minute, une femme meurt en couches. Parmi les trois milliards de personnes vivant aujourd’hui dans ses villes, un milliard d’entre elles vivent dans des bidonvilles, en marge des société et sous la menace des maladies et de la violence. L’Organisation Mondiale de la Santé affirme que le changement climatique a cause, durant les 30 dernières années, plus de 150 000 morts par an.

Ce constat est inacceptable et appele une urgente réaction de tous les acteurs du développement. Les solutions préconisées jusqu’ici ont souvent montré leurs limites. Historiquement, l’accent a été souvent mis sur la croissance économique. Cependant, le bien-être va au-delà de cette croissance et les Etats négligeant souvent d’importants aspects non-monétaires. Cette négligence est à la base de l’impuissance et de l’exclusion d’un nombre important de personnes des opportunités économiques et de l’accès aux services sociaux de base dans bien des pays.

Que faire pour changer les choses ? Il faut un “Nouveau Deal”. Cet arrangement ne sera pas seulement axé sur la hausse de l’aide au développement. Il devra être bâti avec de nouveaux acteurs : des citoyens actifs et des Etats efficaces. L’action des citoyens peut inciter, voire obliger les gouvernements à changer leur manière de faire. Dans un pays comme le Guatemala, l’Observatoire des Dépenses Sociales s’attaque au secret entourant le processus de formulation du budget de l’Etat et publie des analyses des dépenses gouvernementales. En Ouganda, des programmes de contrôle identifient et rendent compte de la corruption publique. Dans certains pays, les gouvernements eux-mêmes financent des organisations non-gouvernementales qui fournissent un contrôle et un contrepoids à leur pouvoir et à leurs décisions.
Dans le même temps, cet engagement citoyen doit être accompagné par des politiques gouvernementales sur l’éducation, la santé, les Droits de l’Homme. Ces politiques peuvent modifier fondamentalement l’attitude, les croyances et les comportements des citoyens. C’est parfois nécessaires pour empêcher la violation des droits des minorités. Le défi est de rendre ces tensions productives, et de faire en sorte que les Droits de l’Homme et l’égalité soient au centre des préoccupations des uns et des autres.

Nous pouvons entrer dans une sorte de cercle vertueux : les gouvernements encouragent les citoyens à être informés et actifs et les citoyens encouragent les gouvernements à être comptables, responsables et efficaces. C’est autour de ce cercle que le changement décisif qui va permettre à notre région Ouest-africaine de sortir du cercle vicieux de la pauvreté et de l’inégalité. II est donc de notre devoir, Etats comme société civile, d’encourager ce dialogue pour une citoyenneté active et des politiques responsables. C’est l’urgence du moment. Les générations ne nous pardonneraient pas notre apathie.
Par Mamadou BITEYE

*Mamadou Bitèye est directeur de Oxfam America au Sénégal

(1) “L’Urgence du moment” a été publié par Oxfam International en ce mois de juin 2008

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