Et si la Centrafrique adoptait un régime présidentiel à mandat unique de 7 ans ?
Sous le regard impuissant de la communauté internationale qui brille en déclarations de bonnes intentions, celle-ci semble ne pas mesurer la gravité du drame centrafricain, et s’adonne aux manœuvres dilatoires. Agir de la sorte, c’est ignorer la position géostratégique de ce pays. Autrement dit, l’éclatement de la Centrafrique provoquera à n’en point douter un effet domino dans toute la sous-région.
Près de sept mois après l’avènement de la Séléka (alliance de l’ex-rébellion aujourd’hui au pouvoir) et malgré sa dissolution officielle, les autorités peinent à rétablir l’ordre. Il ne se passe pas un jour sans que l’on parle d’atrocités commises sur les paisibles populations sur les ondes nationales comme internationales.
L’enregistrement de la comptabilité macabre se poursuit sous divers registres et formes. Les faits divers dramatiques défrayent la chronique quotidiennement. Les populations sont à jamais gagnées par le désarroi et le sentiment de l’abandon. À peine une rencontre internationale sur la Centrafrique venait de prendre fin à Bangui que, dans la foulée de cet événement, l’incident du 6e arrondissement, l’assassinat d’un militaire ainsi que celui de magistrat Modeste Bria ont eu lieu. Cette récente série de tueries vient allonger la liste des victimes des Séléka, puis illustre parfaitement l’incapacité des tenants du pouvoir à asseoir leur autorité. La recrudescence de l’insécurité sur toute l’étendue du territoire en est la conséquence directe.
Sous le regard impuissant de la communauté internationale qui brille en déclarations de bonnes intentions, celle-ci semble ne pas mesurer la gravité du drame centrafricain, et s’adonne aux manœuvres dilatoires. Agir de la sorte, c’est ignorer la position géostratégique de ce pays. Autrement dit, l’éclatement de la Centrafrique provoquera à n’en point douter un effet domino dans toute la sous-région. Cet éclatement créera un nouveau sanctuaire aux islamistes qui constituent l’une des principales menaces de l’Afrique subsaharienne du 21ème siècle.
Aujourd’hui, les voix s’élèvent de partout pour interpeller le monde sur le sort de la Centrafrique ainsi que sur celui de ses populations qui sont en train de traverser un véritable calvaire. Le pays s’est transformé en une prison à ciel ouvert, où les chefs de guerre règnent en maîtres, où la vie d’une personne vaut moins que celle d’une fourmi, où dans les yeux de chaque personne l’on peut lire un appel désespéré au secours. La Séléka s’est transformée en une alliance de brigands et d’assassins de tout poil. Au point que l’actrice américaine de 68 ans Mia Farrow a lancé, le 14 novembre dernier, un appel à la communauté internationale pour venir en aide aux Centrafricains qui, selon elle, est le peuple le plus abandonné de la terre et qui serait au bord d’un génocide, (Jeune Afrique n°2758, page15.) Ce constat amer sonne comme un cri d’alarme, susceptible d’interpeller l’opinion internationale sur la menace qui pèse sur une partie de l’humanité en plein cœur de l’Afrique. Va-t-elle nous demander encore de patienter jusqu’à la fin décembre ?
Ceux qui n’ont jamais senti la douleur, ni les affres de la crise centrafricaine, peuvent s’offrir le luxe de dire : ‘‘Attendez !’’. Cependant, quand vous avez vu des mercenaires envahir votre pays avec la bénédiction de quelques compatriotes dont les tenants du pouvoir, s’adonner à volonté au lynchage de vos pères et mères, abattre froidement vos frères, violer sous vos yeux vos sœurs, spolier sans discontinuer la population de ses biens et la piller jusqu’à emporter son dernier poussin, votre cœur geint et pleure d’impuissance. Quand vous dormez, en priant chaque soir que votre tour de sévices précités n’arrive jamais, il devient difficile de fermer les deux yeux. Vous comprendrez pourquoi, il n’est pas nécessaire de conjuguer le verbe attendre dans les instances internationales. Une minute de plus est un supplice de trop pour le peuple centrafricain.
N’attendons pas que l’irréparable se produise pour réagir. Tout acte d’injustice, de barbarie, de viol, de spoliation, où qu’il se produise, partout en Centrafrique, est condamnable et mérite d’être vigoureusement condamné. Car nous avons l’obligation d’unité et de solidarité nationales, auxquelles nous ne pouvons échapper ; notre destinée commune est une réalité. Ce qui affecte directement un Centrafricain nous affecte tous indirectement. L’émergence de groupes d’autodéfense, armée de façon rudimentaire et constatée aujourd’hui un peu partout en Rca n’est que la première phase de la réponse au chaos sécuritaire et à l’absence de l’autorité de l’Etat. S’il n’y a pas une réponse à la hauteur des enjeux, alors nous foncerons tout droit dans le mur.
Il est réaliste de penser au règlement des problèmes d’urgence, dont le rétablissement de la sécurité et le retour à l’ordre constitutionnel, à travers l’élection qui aura lieu à la fin de la transition. Mais nous ne devrons pas perdre de vue la véritable question de fond qui est celle du mandat des présidents élus. Même si les accords de Libreville en leur article 1 garantissent que le président de la transition ne peut se présenter pour un mandat électif, ce qui est d’ailleurs valable pour les autres membres du gouvernement dans les dispositions de l’article 6, la nécessité du changement de paradigme se pose avec acuité en Centrafrique. Et nous nous en félicitons du fait que la communauté internationale demeure inflexible sur cette question et pèse de tout son poids pour le respect de ces clauses. Mais la véritable question que tout Centrafricain, soucieux du devenir de son pays, doit se poser est celle-ci : et si la Centrafrique adoptait un régime présidentiel à mandat unique?
Cette interrogation a été formulée suite à une longue observation de l’évolution du monde politique centrafricain. De cette autopsie effectuée, si l’on se permet le vocable médical, nous avons pu détecter un certain nombre de dysfonctionnements qui mériteraient d’être décryptés, du moins faire objet d’un débat ouvert. Parmi lesquels il y a :
- Un déficit de vision et conviction politique ;
- Un manque de volonté notoire du respect de l’application des textes fondamentaux de la nation ;
- et le tout, couronné d’un déficit de patriotisme presque chronique.
Pour une ample explication, nous partons du postulat selon lequel l’objectif de tout parti politique est de conquérir le pouvoir et d’y rester le plus longtemps possible. Pour ce, le parti dans la conquête du pouvoir doit se doter d’une vision de la politique du pays, procéder à l’éducation politique de ses membres et de la population dans la mesure de ses possibilités. Si jamais le pouvoir lui sourit, cette vision présentée, suscitant l’adhésion de la majorité de la population, sera traduite en acte à travers un certain nombre de mesures politiques qui seront prises.
Force est de constater que la majorité de nos politiciens sont des tigres sur papier (de bons écrivains mais de piètres praticiens, dépourvus de conviction), dénoués d’une véritable vision pour la nation. Ils sont les premiers acteurs de la promotion du tribalisme, du népotisme, du favoritisme... Dès qu’ils prennent le pouvoir la première phrase discriminatoire «C’est notre tour ! », s’installe sur toutes les lèvres comme si le pays était un butin de guerre.
« La politique n’est pas l’art du faux, du démagogique, de l’hypocrisie. Pour être un bon dirigeant politique il faut être habité par la crainte de Dieu et par le respect de la parole donnée. C’est du destin des hommes dont il s’agit. C’est du bonheur des êtres dont il s’agit. C’est du devenir et l’Esperance de milliers de jeunes dont il s’agit. On n’a pas le droit de l’assujettir à la réalisation de ses ambitions personnelles. C’est pour cela que ce que la bouche dit la main doit être capable de le faire, sinon que la bouche se taise ! », disait madame Simone Gbagbo.
Etant donné que nos politiques ne nous inspirent pas confiance, il est indispensable de dénoncer le fait de la prise en otage des aspirations du peuple centrafricain par ces derniers. En invitant tout le peuple à prendre part à ce débat du régime présidentiel à mandat unique de sept ans, non renouvelable, offrant ainsi une alternative de contrôle des actions de nos gouvernants, non seulement à travers les représentants du peuple, mais par la mise en place d’un cadre de concertation permanent, pour le suivi et l’évaluation des politiques initiées par le gouvernement, on associe la population à la gestion du pouvoir.
Dorénavant, le peuple suivra de près les actions de ses représentants qui, souvent, sont assujettis à leurs partis politiques plutôt que de défendre l’intérêt du peuple. Par ce fait, nous inversons l’ordre de la pyramide de la base vers le sommet, impliquant davantage les populations dans la prise de décision. Et nous ferons l’économie de beaucoup de conflits à venir. Car nous constatons que depuis deux décennies, les crises surviennent le plus souvent lors de l’accomplissement du deuxième mandat. N’est-ce pas là une raison de s’interroger sur la pertinence d’un mandat renouvelable avec tous les risques de tripatouillage constitutionnel qui nous entraîne le plus souvent dans le chaos comme c’est le cas aujourd’hui en dans notre pays ?
Nous n’allons pas prétendre que le temps guérira inéluctablement tous les maux de la Centrafrique. Tout compte fait, le temps est neutre ; il peut être utilisé pour construire ou pour détruire. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les hommes de mauvaise foi l’ont mis à profit plus efficacement que ceux de bonne volonté. Notre génération ne doit pas reprocher seulement les actes et les paroles au vitriol des méchants, mais aussi l’effrayant silence des justes. Voilà pourquoi, comme Martin Luther King, nous devrons admettre que le retour de la paix en Centrafrique, surtout une paix durable, ne roulera jamais sur la route de l’inéluctabilité. Il ne sera ramené que par des efforts inlassables et persistants des hommes et des femmes animés par la volonté de collaborer à l’œuvre de la renaissance d’une nouvelle Centrafrique.
Sans ce dur labeur, le temps lui-même devient l’allié des forces de stagnation sociale. Il nous faut user du temps dans un esprit créateur et bien comprendre que le temps est venu d’agir dans le bon sens. C’est maintenant qu’il faut agir pour alléger la souffrance des populations. Le moment est venu pour tirer notre politique nationale des sables mouvants de l’injustice sociale, source de frustration pour l’amener sur le roc solide de la dignité humaine, conformément à notre emblème nationale humaniste Zo Kwe Zo. Ainsi, cinq bonnes raisons militent en faveur de l’adoption d’un régime présidentiel à mandat unique de sept ans, non renouvelable. Ces raisons sont les suivantes :
- lever toute équivoque et bloquer toute tentative de tripatouillage de la constitution pour le maintien au pouvoir d’un président ;
- favoriser une alternance politique apaisée et pacifique en Centrafrique tout en sachant que le président sortant ne se présenterait plus pour un nouveau mandat, afin de mettre définitivement un terme à l’alternance politique brutale en Centrafrique ;
- provoquer un besoin de la préparation de la relève de la classe politique centrafricaine, pour rendre ce secteur plus dynamique où on ne verra plus les mêmes personnalités sur tous les dossiers ;
- assainir le milieu politique pour le rendre plus attractif ;
- consolider les acquis pour pérenniser la paix et rendre effective la cohabitation sociale pour amorcer le décollage socioéconomique et culturel.
En définitive, la mise en place d’un cadre de concertation permanent de peuple qui pourrait s’appeler la Haute instance du contrôle citoyen, indépendamment de l’Assemblée nationale, pour le suivi, l’évaluation et le contrôle des politiques initiées par le gouvernement ainsi que le contrôle de l’adéquation de loi votées aux aspirations du peuple par l’Assemblée nationale. Ce cadre viendra renforcer le contrôle de l’application des textes fondamentaux de la nation, pour éviter les dérives qui pourront découler sur une crise. Car la démocratie a pour objet de donner à tous et à chacun la capacité de décider de tout.
Donc, nous ne pouvons confier l’exclusivité du contrôle républicain aux seuls représentants du peuple, c’est-à-dire les députés. D’où l’importance de la juxtaposition du contrôle citoyen au contrôle politique. Le Sénégal nous en avait donné une bonne illustration à travers le mouvement de 23 juin, plus connu sous le nom de M23. Nous devrons nous mobiliser à la recherche de solution, pour éviter qu’un groupuscule de personnes prenne en otage l’aspiration de tout un peuple, puis compromette l’avenir de toute une génération.
Nous sommes convaincus que la nécessité de l’exploration d’un nouvel paradigme vaudra bien la peine. Car l’histoire a toujours démontré que c’est pendant les grandes crises que surgissent les brillantes idées. Autant le fruit mur qui n’est pas cueilli finit toujours par se détacher de sa branche, autant viendra un temps ou le peuple ne peut endurer davantage les supplices, l’humiliation et tous les mauvais traitements dont il fait l’objet. Les opprimés ne peuvent demeurer dans l’oppression à jamais. Le moment vient toujours où ils proclament leur besoin de liberté. Nous croyons aux forces qui sont en peuple et sa capacité de faire montre d’une bravoure pacifique sans commune mesure. Jamais l’horizon de notre pays ne sera bouché. Et pourquoi la Centrafrique n’adopterait pas un régime présidentiel à mandat unique de sept ans, non renouvelable ?
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