La vie d’un étudiant sahraoui
Le gouvernement marocain ne recule devant rien pour déshumaniser les enfants sahraouis en âge de scolarité, allant jusqu’à promouvoir parmi eux l’usage de la drogue pour casser leur résistance. Mais de plus en plus d’enfants ont une conscience politique accrue.
Ismail Hamdi, un étudiant sahraoui vient de Elaaiun. Il y est né et y a grandi. Quand, pour la première fois, il a ouvert les yeux sur le monde, il a vu l’oppression, les abus, le pillage de ressources naturelles. Il a été le témoin de l’occupation de sa patrie, le Sahara Occidental. Au fil des années, Ismail n’a jamais pu comprendre pourquoi les Sahraouis, qui n’ont jamais envahi une autre nation ou des territoires avoisinants, ont été envahis par le Maroc en 1975, marquant le début d’un interminable chemin de croix de souffrances et de terreur. Ismail n’a jamais arrêté de se poser des questions pendant qu’il grandissait et allait à l’école. Il ne pouvait s’empêcher de chercher à comprendre que le Sahara Occidental ne pourrait jamais être marocain ou "marocanisé"
A l’école, Ismail a toujours été conscient que l’histoire enseignée à tous par des enseignants marocains était falsifiée. Il percevait l’amertume et le ressentiment que ses camarades d’école sahraouis avaient dans le cœur et qui croissaient de jour en jour. Au cours des fêtes nationales marocaines, ils étaient tous contraints d’apprendre par cœur l’hymne national marocain, de le chanter à tue-tête dans le hall principal de l’école en saluant le drapeau marocain. Ils étaient forcés d’aller parader pendant toute une journée, portant les couleurs du Maroc et de chanter les louanges du roi du Maroc et de sa dynastie.
Les années passant, Ismail est devenu un étudiant brillant, admiré et remarqué parmi ses pairs. Il excellait même dans la langue française que la plupart des Sahraouis méprisent et détestent, croyant que la France est le gardien légal et protecteur du Maroc. Ils pensent que la France est l’ultime complice du régime marocain et reste la cause de leurs souffrances continuelles. Les Sahraouis préfèrent l’espagnol et l’anglais.
Ismail est brillant, cultivé. Un Sahraoui discipliné qui obtient toujours des bonnes notes, considéré comme une icône dans sa petite communauté sahraouie. La plupart des Sahraouis sont des étudiants brillants. Par conséquent, ils constituent une cible facile pour le régime marocain, au travers des enseignants qui tous déplorent ce fait. Les écoles aux mains des Marocains ont un agenda d’instruction secret, visant à maintenir les Sahraouis dans la médiocrité – en dessous des exigences du niveau national. Malheureusement, la plupart des Marocains ont subi un lavage de cerveau pour s’opposer à tout ce qui est sahraoui. Les colons se réjouissent des bons résultats de leurs enfants et ils détesteraient voir les enfants sahraouis obtenir de bons résultats !
Les enseignants marocains dans le Sahara Occidental sont juste l’autre bras du régime pour maintenir les Sahraouis dans l’ignorance. Certains enseignants vont jusqu’à ignorer l’élève sahraoui qui lève la main pour demander la parole en classe. Le plus souvent, ils se voient refuser l’opportunité de participer à des ateliers et à des formations éducatives pendant que les élèves marocains y ont accès.
Ismail rigole toujours lorsqu’il voit les agents des services secrets marocains essayer de se fondre au milieu des étudiants, à l’intérieur et à l’extérieur des écoles. Même un petit enfant sait les repérer. Ismail et d’autres Sahraouis étaient poursuivis par la police dans leur camionnette ou par des agents infiltrés à la mine patibulaire, chaque fois qu’il y avait une manifestation pacifique demandant le droit à l’autonomie des Sahraouis. Habituellement, Ismail et ses copains faisaient usage de graffiti sur les murs des écoles pour exprimer leur refus de l’oppression et leur condamnation du pillage et des abus qui avaient lieu dans le Sahara Occidental. Lors des manifestations pacifiques, les étudiants sahraouis hissaient le drapeau sahraoui, signifiant par là leur demande ultime : l’indépendance du Sahara Occidental.
Ce genre d’actes de bravoure s’est avéré efficace pour irriter le régime marocain et les autorités locales. Ce même régime complote toujours contre les Sahraouis, y compris les enfants. Ils veulent casser la volonté des Sahraouis à n’importe quel prix. Ils ont commencé à élaborer des stratégies et à mobiliser des institutions pour arriver à leurs fins. Les autorités locales, sous supervision de la police et des agents du renseignement, ont introduit des drogues dans les écoles et ont encouragé les vendeurs de drogues à les céder à bas prix aux Sahraouis. La cocaïne est devenue populaire. Pour eux, ce n’est rien de plus qu’un autre outil pour exterminer les Sahraouis.
Vendre des drogues à bas prix est une façon d’attirer les jeunes Sahraouis sur des terrains vagues. Ismail, avec perspicacité, s’est rendu compte du phénomène et a eu à alerter les Sahraouis. Lui et ses copains sont restés en observation pendant des jours et des semaines. Leurs soupçons furent confirmés. Les autorités étaient responsables du trafic de drogues dans les écoles. Les agents secrets du gouvernement fournissaient et facilitaient l’accès à la marchandise et encourageaient l’addiction parmi les adolescents. L’objectif était de rendre les Sahraouis accros à la drogue afin de les détourner de la politique et de les soumettre. La devise était "éloignez-vous de la politique et faites ce que vous voulez". L’exigence de l’autonomie se voit opposer un non absolu de la part du régime marocain. Les Sahraouis, suite à cette découverte, se sont engagés dans la lutte contre la drogue qui était devenue très répandue dans leur environnement. Ces efforts ont payé. Le risque a été minimisé. Les étudiants sahraouis ont pris conscience du danger qui les entoure.
Ismail est un Sahraoui digne. Il se considère toujours comme un membre d’une société très distinguée et authentique avec des caractéristiques qui lui sont propres. De porter le dar’a sahraoui traditionnel est considéré par lui et ses pairs, comme un privilège. C’est un acte de résistance culturelle, une façon de s’affirmer. Dar’a pour les garçons, melhfa pour les filles. Ces vêtements traditionnels sont des symboles de l’identité nationale. Mais plus que cela, dans les circonstances particulières, c’est préserver l’héritage national sahraoui. A la déception d’Ismail, l’administration marocaine a interdit le port de ces vêtements : aucun vêtement traditionnel masculin n’est toléré à l’école.
Cette décision officieuse est brutalement appliquée lors des fêtes nationales sahraouies qui sont interdites dans les territoires occupés. Le port du dar’a dans l’enceinte de l’école était considéré comme un complot contre le régime. C’est juste une autre guerre contre les Sahraouis et contre un signe qui les distingue des Marocains. C’est juste une autre tactique visant l’assimilation, menée par une force d’occupation telle qu’on la connaît depuis le début de l’Histoire.
Ismail est sur le point d’obtenir son baccalauréat. Il veut aller à l’université poursuivre ses études parce qu’il a de grands projets pour l’avenir. Inutile de dire qu’il n’y pas d’université au Sahara Occidental. Le gouvernement marocain n’a jamais voulu y construire des collèges ou des universités. Ismail partage ses frustrations et ses soucis avec ses copains.
Comment les étudiants marocains traitent-ils un jeune étudiant sahraoui ambitieux au Maroc ? Avec crainte ? Mépris ? Détestation ? ou peut-être pire avec violence et une agressivité totale ? en l’ignorant ? Il pense que la plupart d’entre eux diraient : "Il attire les ennuis. Tenez-vous à l’écart !"
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** Mohamed Brahim – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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