Notre heure de fabriquer du sel a sonné.
La marche vers la souveraineté alimentaire est un acte de libération d'une forme d'asservissement. Une entreprise dans laquelle il revient de se déterminer par rapport à soi-même et par rapport aux forces de domination qui s'emploient à tenir le marché mondial en captivité, mais aussi par rapport aux initiatives qui se mènent ici ou là, dans le monde, pour "re-construire les économies alimentaires locales". A l'occasion du Forum social des Etats unis, l’Assemblée du Mouvement Populaire sur la Souveraineté Alimentaire a dessiné les pistes devant guider une telle démarche.
Il y a plus d’un demi-siècle, Mahatma Gandhi a conduit une multitude d’Indiens à la mer pour fabriquer du sel—au mépris du monopole par l’Empire Britannique de cette ressource essentielle au régime alimentaire des gens. L’action a catalysé le mouvement fragmenté de l’indépendance indienne et marqué le début de la fin du pouvoir britannique sur l’Inde. Depuis lors, l’acte de “fabrication de sel” fut répété à maintes reprises sous beaucoup de formes par des mouvements populaires en quête de libération, de justice et de souveraineté : Cesar Chavez, Nelson Mandela, et les Zapatistas ne sont que les quelques exemples les plus frappants. Notre mouvement alimentaire — un mouvement qui s’étend sur tout le globe— veut obtenir la souveraineté alimentaire des monopoles qui dominent nos systèmes alimentaires avec la complicité de nos gouvernements. Nous sommes puissants, créatifs, engagés et divers. Notre heure de fabriquer du sel a sonné.
Un mouvement pour la souveraineté alimentaire - le contrôle démocratique du système alimentaire par le peuple, les droits de tout le monde à une nourriture saine, culturellement adéquate, produite à travers des méthodes écologiques et durables, et le droit des gens de définir eux-mêmes leurs systèmes alimentaires et agricoles – s’édifie de chaque coin du globe.
Nous trouvons que notre travail de bâtir un meilleur système alimentaire aux Etats-Unis est inextricablement lié à la lutte pour les droits des travailleurs, pour les droits des immigrés, les droits de la femme, la lutte pour le démantèlement du racisme au sein de nos communautés, et la lutte pour la souveraineté des communautés autochtones. Nous trouvons que pour créer un meilleur système alimentaire, nous devons casser le contrôle de nos semences, de nos terres et de nos ressources naturelles par des entreprises.
Parce qu’à une époque de récoltes records et de profits records nous avons plus d’un milliard d’affamés sur la planète ; parce que la pauvreté est la cause profonde de la faim ; parce que les océans du monde sont en train d’être pollués et pillés, parce que l’agriculture industrielle contribue d’un tiers à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre, parce que l’inégalité croissante, la pauvreté, la faim, un accaparement de terres dans le monde, et la destruction de l’environnement menacent les moyens de revenus des exploitations familiales, des travailleurs de fermes, de la communauté des pêcheurs, et des communautés marginalisées partout dans le monde; et parce que les systèmes alimentaires basés sur les communautés et l’agroécologie peuvent rafraîchir la planète, renforcer la résistance au changement climatique, et éliminer la pauvreté;
Nous nous engageons ainsi à re-construire les économies alimentaires locales au sein de nos propres communautés, à démanteler le racisme structurel, démocratiser l’accès aux terres, renforcer les chances de leadership pour la jeunesse, et œuvrer pour la souveraineté alimentaire de concert avec les mouvements sociaux de par le monde;
Nous appelons les autres, aux Etats-Unis, à réclamer l’éradication de l’accaparement de terres dans le monde, l’éradication des occupations de terres tant par des entreprises que par des militaires, à réclamer des politiques plus justes dans les domaines du commerce, de l’aide et de l’investissement, et l’appui à la réforme foncière et à l’agriculture paysanne et communautaire durable ainsi qu’à la pêche communautaire durable;
Nous endossons, entre autres actions : la libération des ressources foncières et en eau en vue de la production de la nourriture et des moyens de revenu durables; la création de nouvelles structures visant l’appropriation coopérative des terres et la production, le traitement et la distribution de la nourriture; l’intégration des droits des travailleurs, des droits des immigrants et de la justice alimentaire; la valorisation de la femme en tant que première fournisseuse de nourriture, et la dénonciation des fausses solutions et des faux partenariats dans la recherche de réponses au changement climatique, à la faim et au développement économique;
Nous réclamons un monde dans lequel tout le monde a le contrôle de sa nourriture et où personne ne doit mettre dans sa bouche la nourriture qui porte atteinte aux gens ou à l’environnement.
Des organisations et individus parmi nous se sont donc engagées à mener les actions ci-après:
• Lancer une campagne pour la souveraineté alimentaire en tant que droit du peuple
• Cultiver et récolter partout autant de nourriture que nous le pouvons
• Libérer les terres en revendiquant les espaces des milieux urbains et ruraux en vue de la production de nourriture au profit des communautés; en exigeant que les terres publiques soient utilisées pour la production alimentaire
• Participer à une campagne mondiale contre les accaparements de terres, par lesquels des entreprises et des gouvernements s’emparent de terres appartenant à des communautés
• Faire avancer le programme du peuple issu du sommet de Cochabamba sur le climat – notamment l’éducation populaire autour de la justice alimentaire et climatique et la promotion de l’agriculture durable en tant que solution au changement climatique
• Etre aux côtés des peuples de Haïti, de la Palestine, du Honduras, et des autres pays dont la souveraineté alimentaire est menacée par l’occupation politique, militaire, et/ou des entreprises
• Organiser des repas collectifs au sein de nos communautés comme moyen de connecter les gens à travers des générations et des horizons culturels et comme instrument de démantèlement du racisme dans le système alimentaire
• Forger de nouveaux modèles de contrôle collectif des terres et des voies navigables; assurer la protection juridique des communes
• Renforcer le leadership de la prochaine génération; fournir des opportunités permettant à la jeunesse urbaine et rurale d’avoir un avenir en matière de nourriture et d’agro-élevage
• Rejeter les OGM et les autres formes de reconquête de nos systèmes alimentaires par des entreprises
• Œuvrer de façon créative et stratégique au démantèlement des entreprises qui se sont emparées des systèmes alimentaires du globe
• Affirmer la souveraineté des autochtones en Amérique du nord et à travers le globe
• Engager nos mouvements alimentaires aux Etats-Unis à être des participants actifs au mouvement mondial pour la souveraineté alimentaire et à œuvrer pour empêcher notre gouvernement et les entreprises des pratiques qui minent la souveraineté alimentaire dans le monde entier.
• Contester la politique américaine en matière d’aide alimentaire et de développement (par exemple : le récent « don » de semences de Monsanto et de l’USAID à Haïti)
• Œuvrer pour une loi portant sur la nutrition et l’agriculture des masses basée sur les principes de souveraineté alimentaire
• Organiser des échanges de semences entre communautés
• Faire collaborer les communautés à l’éducation des masses à propos des OGM et du rôle des entreprises dans notre système alimentaire
• Faire collaborer les communautés à l’éducation des masses sur la nutrition communautaire et la santé publique
• Créer davantage de marchés communautaires d’agro-éleveurs qui sont accessibles et abordables pour tous; affirmer le droit de tout un chacun à une nourriture bonne, sans risques, saine, et juste
• Aider tout le monde à comprendre d’où provient sa nourriture et qui a contribué à la faire parvenir à sa table
• Mettre en exergue les luttes que partagent les agriculteurs et les ouvriers de fermes aux Etats-Unis et leurs homologues du monde entier
* Cette déclaration de l’Assemblée du Mouvement Populaire sur la Souveraineté Alimentaire a été faite à l’occasion du Forum Social des Etats-Unis, organisé à Detroit du 22 au 26 juin 2010
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