Agressions, arrestations et détentions arbitraires dans la zone aurifère de Guinée

Des troubles agitent depuis quelques jours la sous-préfecture de Siguirini, dans le nord-est de la Guinée. Le 11 février, un ancien sous-préfet a organisé un ratonnade, en compagnie d’hommes armés, pour violenter et arrêter des membres d’une organisation communautaire qui cherche à promouvoir l’emploi et à lutter contre la discrimination, l’exclusion et les violations des droits économiques, sociaux et culturels des populations. Le CECIDE et Global Rights les accuse d’agir pour d’autres exploitants miniers qui veulent s’imposer sur le terrain. Ces organisations tirent le signal d’alarme face à une situation qui dégénère.

Le Centre du Commerce International pour le Développement (CECIDE) et Global Rights font appel aux organisations de la société civile guinéenne, africaine et internationale ainsi qu’aux mécanismes régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme pour exiger que le gouvernement guinéen mette un terme aux agressions, arrestations et détentions arbitraires et qu’il enquête et exige des comptes aux agents de l’état qui ont commis ces actes contre des habitants dans la sous-préfecture de Siguirini (située dans la préfecture de Siguiri) les 12 et 13 février 2010.

L’ancien sous-préfet, le commandant Cécé 2 Koïvogui est descendu à Siguirini, le 11 février, en compagnie d’un homme armé en tenue militaire. Le lendemain, le commandant a organisé un groupement composé de militaires et de jeunes civils pour procéder à la bastonnade, au ligotage et à l’arrestation de certains habitants de la localité de Baraka, notamment dans le district de Siguirini, le district de Sokoro et le village de Léro.

Le commandant Cécé 2 Koïvogui a été révoqué de ses fonctions, en janvier 2010, par le gouverneur de la région de Kankan, le colonel Antoine Kankoudouno, suivant les dénonciations populaires de persécution commises par l’ex sous-préfet contre les populations locales de sa zone de couverture. Selon certains habitants, le commandant Koïvogui a tenu un discours public devant les bureaux de la sous-préfecture, le 11 février, jour de son arrivée. Il a communiqué son intention de renvoyer le sous-préfet actuel, M. Amadou Guissé, de regagner le leadership de la sous-préfecture «contre vents et marées» et de destituer le président du District de Siguirini Centre, M. Djibril Camara et son adjoint M. Néné Vieux Camara.

Cette annonce a déclenché une tension au sein de la population qui a crié et jeté des pierres pour démontrer son mécontentement. Le même commandant avait déjà dissous le conseil élu du district de Siguirini, peu après qu’il a été muté à Siguirini avec la prise du pouvoir par le Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD).

Le lendemain, et jusqu’aujourd’hui, les hommes armés et en tenue militaire ont procédé à des agressions et arrestations arbitraires dans les villages, avec l’appui des jeunes civils recrutés de cette zone. Le nombre de victimes n’est pas connu car ces actes persistent. Toutefois, d’après nos sources, au moins 11 civils ont été arrêtés et sont détenus dans un conteneur consacré au transport de marchandise qui est utilisé comme centre de détention à la gendarmerie de Léro. Parmi eux:

- Djibril Camara, président du district central de Siguirini

- Néné Vieux Camara, adjoint du président du District de Siguirini
- Madi Kaba, président du District de Sokoro
- Ibrahima Sory Fadiga, secrétaire général et Coordonateur de l’ARDEBA pour la localité de Baraka.
- Karim Niagasso, membre du bureau de l’ARDEBA
- Bakary Tall, Bakary Sy, et Samba Samgaré, collaborateurs de l’ARDEBA

Une personne âgée de Siguirini a également été frappée et ligotée par les militaires et se trouve en détention. D’autres habitants ont pris la fuite, craignant le même sort. Plusieurs personnes sont encore recherchées et se trouvent en danger, dont Bakary Camara, secrétaire à la production chargé des projets et sous-traitants de l’ARDEBA, et Daouda Diakité, Secrétaire général adjoint de l’ARDEBA. La majorité des civils ciblés par ces abus sont membres ou affiliés à la branche locale de l’Association des Ressortissants de la Communauté de Baraka (ARDEBA), une association de développement communautaire qui a comme objectif de réduire la pauvreté dans la sous-préfecture de Siguirini, de promouvoir l’emploi et de lutter contre la discrimination, l’exclusion et les violations des droits économiques, sociaux et culturels.

Contexte

La zone en question est dotée d’une quantité importante d’or qui est actuellement exploitée par la Société Minière de Dinguiraye (SMD). En début 2009, un plaidoyer ardu mené par l’ARDEBA a abouti à la création de 200 emplois pour les communautés de la sous-préfecture de Siguirini et à la signature d’un contrat avec la SMD, une des luttes principales de cette association de développement communautaire. Cependant, l’ancien sous-préfet (le commandant Cécé 2 Koïvogui), en complicité avec Moussa Keïta (président de la fédération sportive militaire, membre du CNDD et ressortissant de la communauté de Baraka), défendent les intérêts économiques d’un investisseur étranger à Conakry qui tente, notamment, de s’approprier du contrat en question.

Cette tension sème de plus en plus de divisions au sein de la communauté, notamment parmi les jeunes sans emploi. Il convient de noter que la présence de richesses naturelles dans des zones comme celle-ci amplifie les conflits communautaires et les problèmes de gouvernance que connaît le pays depuis le début de la décennie : la corruption, la mauvaise gestion des ressources publiques, le déficit de dialogue social et le non respect des droits de l’homme.

Le gouvernement guinéen a des obligations légales selon les traités internationaux et régionaux sur les droits humains, tels que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) qu’elle a ratifié en 1982 ainsi que le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) auquel elle a adhéré en 1978. Ces traités exigent que le gouvernement respecte le droit à l’intégrité physique, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi que la liberté d’association. Ces obligations ont été violées par les agents militaires guinéens et les violations persistent jusqu’au jour d’aujourd’hui.

* Centre du Commerce International pour le Développement (CECIDE), est une des principales organisations de la société civile en Guinée

* Global Rights est une organisation de plaidoyer pour les Droits de l’homme qui travaille en partenariat avec les activistes locaux pour combat les injustices.

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* Pour de plus amples informations sur l’exploitation des ressources naturelles en Guinée et la situation des droits de l’homme dans la zone, voir le rapport conjoint de la société civile guinéenne soumis à l’Etude Périodique Universelle du Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies, le 2 novembre, 2009.
http://www.globalrights.org/site/DocServer/Guinea_UPR_report__Nov_2009.pdf?docID=10703