The betrayal of Africa (La trahison de l’Afrique)
Dans la foulée d’un autre sommet du G8, une nouvelle vague de lamentations concernant la crise africaine du développement va surgir, avec son cortège de conférences, de commissions et de concerts proclamant le soutien pour les pauvres par les nantis et les puissants. Remarquablement absente du spectacle de solidarité, la prise en compte de l’histoire. En fait, le discours et la politique des relations entre l’Occident et le continent africain ont délibérément, décidément et dangereusement occulté l’histoire.
Comme le petit garçon qui regarde passer le cortège et s’exclame que le roi est nu, Gerald Caplan a écrit un petit livre puissant qui expose la dernière trahison de l’Afrique : le déni de contexte et d’histoire. Pensur canadien et militant politique ayant une vie d’engagement pour le développement de l’Afrique derrière lui, Caplan a fait une intervention très utile dans le débat du futur de l’Afrique. Son livre, The betrayal of Africa (La trahison de l’Afrique), affirme que l’histoire a de l’importance pour comprendre le présent dans lequel nous vivons et pour trouver le chemin qui mène vers le futur.
The Betrayal of Africa, avec moins de 150 pages, est un vrai livre de poche. En tant que militante vivant en Amérique du Nord, j’aimerais en avoir toujours un dans ma poche pour pouvoir le distribuer à chaque fois que quelqu’un demande « Alors, qu’est-ce qui ne va pas en Afrique ?» La question, généralement sincère, porte en elle une distorsion inhérente. Elle sort l’Afrique du contexte de ses relations historiques avec le reste du monde et perpétue un mensonge qui est reproduit indéfiniment, même par ceux qui s’efforcent d’apporter des changements positifs sur le continent.
Le mensonge que Betrayal of Africa s’efforce d’exposer est la version contemporaine de l’ère impérialiste du fardeau de l’Homme Blanc. Caplan remarque que l’explication conventionnelle pour les problèmes de l’Afrique est double. «D’abord le problème est africain : corruption, manque de compétence, dirigeants inaptes, conflits éternels. Ensuite la solution c’est nous, entendez, le riche monde occidental qui sauvera l’Afrique d’elle-même, de ses dirigeants, de ses appétits, de ses inaptitudes, de sa sauvagerie». Ensuite il démontre par des arguments clairs et fondés par une solide recherche que ces vues conventionnelles sont de la «foutaise- arrogantes, égoïstes et surtout, totalement fausses».
Le livre de Caplan est accessible et stimulant, dépourvu de polémiques et plein de pépites de faits qui informent (ou rappellent) au lecteur l’histoire faite de vols et de pillages qui a, à nouveau, amené le continent à servir les intérêts des puissances impériales industrialisées, histoire qui se poursuit aujourd’hui. C’est une histoire qui a laissé derrière elle un héritage structurel, économique, culturel et politique qui doit être reconnu pour être transformé. Caplan nous rappelle aussi que la relation entre l’Afrique et l’Occident comporte aussi la solidarité dans la lutte pour l’émancipation et l’indépendance et la proclamation des Droits de l’Homme. C’est cette histoire de solidarité internationalistes qu’il s’efforce d’extraire du discours actuel d’aide et de charité
«Malgré les preuves du contraire, les pays riches continuent d’insister que leur intérêt pour l’Afrique est basé sur la compassion, la philanthropie et la générosité. Mais toute cette noblesse sert à dissimuler l’obligation réelle du monde riche : repayer une partie de la dette incalculable contractée à l’égard de l’Afrique. Nous devons aider l’Afrique, non pas par abnégation et compassion, mais bien pour lui restituer et compenser dans un acte de justice pour les générations de crises, de conflits, d’exploitation et de sous-développement pour lesquelles nous portons une telle responsabilité. Nombreux sont ceux qui parlent sans ironie de ‘’ rendre quelque chose’’ sans se rendre compte de la cruauté de cette phrase. En effet c’est exactement ce que le monde riche devrait faire. Nous devrions retourner ce que nous avons volé et pillé. Jusqu’à ce que nous pensions aux relations entre l’Occident et l’Afrique honnêtement, jusqu’à ce que nous considérions l’histoire et que nous reconnaissions notre vaste culpabilité et nos complicité dans le chaos africain, jusqu’à ce jour, nous continuerons avec nos façons compatissantes pour imposer des politiques qui ne font qu’aggraver le chaos».
Gerald Caplan ne se retient pas de dénoncer la complicité des élites africaines dans la trahison du futur du continent. Mais il est intervenu en tant que citoyen occidental qui est profondément et sincèrement préoccupé par le futur de l’humanité. Son message de coresponsabilité est sobre mais non dépourvu d’espoir. Il ne nie pas davantage les difficultés pour amener un changement positif. Mais il prend à cœur les conseils d’Eduardo Galeano. «Il faut surseoir au pessimisme jusqu’à des jours meilleurs», en pointant du doigt les domaines où l’Occident pourrait faire une différence significative pour des lendemains meilleurs pour les Africains. « Si l’Occident voulait sérieusement aider l’Afrique, il n’utiliserait pas l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) comme un instrument des très riches contre les très pauvres. Il n’insisterait pas sur des solutions émanant du secteur privé qui ne profitent pas aux pauvres et ne créent pas d’emplois. Il ne se déchargerait pas de ses excédents de vêtements et de nourriture sur les pays africains. Il ne mettrait pas la pression sur les prix des matières premières africaines vendues sur le marché mondial. Il ne tolèrerait pas les paradis fiscaux et les évasions fiscales massives que ceux-ci facilitent. Il ne dépouillerait pas l’Afrique de ses ressources non renouvelables sans payer un prix juste. Il ne continuerait pas à contribuer à l’exode des meilleurs cerveaux de l’Afrique. Il ne demanderait pas des prix exorbitants pour les médicaments. En un mot, il y aurait un terme au 1001 façons dont les pays riches s’assurent systématiquement que plus de richesses se déversent hors de l’Afrique vers l’Occident que de l’Occident vers l’Afrique».
* The Betrayal of Africa a été publié par Groundwood Books, House of Anansi Press (2008) Il est vendu pour $10.00. Mettez un exemplaire dans votre poche et faites le circuler.
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