Le rapport Taubira redessine les APE
Le 9 avril 2008, dans la perspective de sa prochaine présidence du Conseil de l’Union européenne, le président Nicolas Sarkozy écrivait à Mme Christiane Taubira, députée de la Guyane à l’Assemblée Nationale pour lui demander un rapport sur les Accords de partenariat économique (APE). Il lui disait en particulier : « Je souhaiterais que vous acceptiez de mener une mission permettant, sur la base de l’évaluation de la situation début 2008, d’approfondir les aspects suivants du sujet :
- Comment dissiper les malentendus et les doutes qui persistent dans certains pays quant aux finalités de la négociation des APE afin de restaurer une relation de confiance entre l’UE et les ACP dans les prochains mois ?
- Quels peuvent être les leviers dont dispose l’Union Européenne pour encourager les ACP à poursuivre les négociations en vue d’APE complets et régionalisés ?
- Comment faire en sorte que ces accords viennent à l’appui des dynamiques d’intégration régionale en cours et qu’ils soient réellement porteurs de développement ?
- Comment s’assurer que les Département et Territoires d’Outre-mer français tirent le meilleur profit de cette nouvelle donne économique et commerciale ?
Le 16 juin dernier, Mme Taubira a livré . Il s’agit d’un document important par son volume (191 pages), mais surtout par son contenu, intitulé : « Et si la Politique se mêlait enfin des affaires du monde ? »
Dans la première partie du document, elle se permet, de façon pertinente, d’élargir la question et propose notamment un premier chapitre intéressant, intitulé : La pénurie alimentaire et ses enseignements : « un temps de grande colère ». Elle termine son rapport avec treize recommandations, dont voici les quatre premières recommandations :
N° 1 : Reconsidérer le mandat de la Commission (35 pays signataires sur 78).
N° 2 : Amender le mandat de la Commission (Inclure la coopération au Développement).
N° 3 : Conditionner la poursuite des discussions à la garantie qu’aucun malentendu ne puisse provenir d’une équivoque linguistique. Consentir à remettre en discussion les termes soumis à contestation sur ce fondement.
N° 4 : Prendre appui sur les textes cités et particulièrement sur les dix-neuf Directives pour le Droit à l’alimentation adoptées en 2004 par les pays membres de l’ONU, dont sont adhérents les Etats de l’Union Européenne et les Etats ACP, pour construire un Droit international resserré sur le Droit à l’alimentation, la sécurité alimentaire et le statut particulier du secteur agricole, avec des dispositions normatives et un arsenal judiciaire.
Ces quatre propositions ne sont pas éloignées de ce que demandait, en septembre 2006, la Confédération paysanne du Burkina Faso dans leur pétition : « Changeons de cap ! » (sous réserve que « le Droit international resserré sur le Droit à l’alimentation, s’il voit le jour, se rapproche du Droit de souveraineté alimentaire).
Les organisations paysannes africaines, les ONG qui ont toujours demandé d’autres APE que ceux préparés par les commerçants de la Commission Européenne, ont intérêt à s’emparer des bonnes proposition que contient ce document pour faire pression sur la présidence français pour qu’elle applique l’ensemble des recommandations de ce rapport. Alors Madame Taubira aura fait oeuvre utile !
Selon certains sources, le président Sarkozy est embarrassé par ce document.
* Maurice Oudet est président du Service d'Édition en Langues Nationales du Burkina Faso
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